Guinée: un proche de Baadiko se déchaîne sur la gouvernance Condé (interview)

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La crise politique actuelle née de l’accord politique du 08 août dernier et la gouvernance du président Alpha Condé au pouvoir depuis 2010 ne laisse pas indifférent le parti de l’opposant Mamadou Bah Baadikko. Dans une interview accordée à notre rédaction, Elhadj Ibrahima Diallo membre du bureau politique du parti Union des Forces Démocratique (UFD) accuse le président de la république d’être responsable de tous les maux dont souffre aujourd’hui la Guinée.

Quel commentaire faites-vous de l’accord signé entre le RPG et l’UFDG sur le contentieux électoral ?

ELHADJ IBRAHIMA DIALLO :Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir donné la possibilité de m’exprimer sur ce qui est en train de se passer dans notre pays. Cet accord est une preuve que la démocratie n’a pas fonctionné dans notre pays. Après avoir attendu plus de 15 ans nous nous sommes dit que cette fois ça y est les élections vont se tenir et tant mieux. Mais force est de constater que toutes ces dépenses engagées n’ont servi à rien si n’est que pour appauvrir notre société davantage : de l’argent dépensé, du matériel très couteux et des efforts humains considérables pour finalement un résultat qui ne reflète pas le choix des électeurs et qui ne peut pas départager les différents candidats à l’élection. Cette situation est la conséquence directe de la mainmise des autorités au pouvoir sur la CENI qui est le seul organe compétent, habilité à organiser et gérer le scrutin. Je trouve cela dommage pour notre société qui peine à trouver l’homme qu’il faut pour diriger notre république et sortir le pays de cette situation difficile.

 Pensez-vous que cet accord va résoudre les problèmes politiques actuels ?

C’est clairement non. Vous avez d’un côté le Président de la république et son équipe qui sont excellents dans les manipulations et de l’autre une opposition composée des leaders opportunistes n’ayant aucun projet de société pour notre pays. Je crois que cet accord est comme d’habitude un piège dans lequel les leaders de l’opposition sont facilement tombés. Je vous rappelle que l’honorable Damaro Camara qui est l’un des acteurs les plus impliqués pour arriver à ce consensus n’a pas hésité de dire je cite « nous avons fait cet accord pour acheter la paix ». Si tel est le cas, le but visé lors de ces élections n’y est pas. Les communales ont pour vocation de choisir des femmes et des hommes capables de sécuriser les populations et leurs biens. Ils sont là pour les aider et les accompagner dans l’initiation et le développement des projets susceptibles d’accroitre et dynamiser l’économie locale et améliorer les conditions de vie de la population qui les a choisis. Il est fort probable que cet accord soit plus avantageux pour le parti au pouvoir que pour le reste de la population qu’il prétend aider pour obtenir la paix.

 Selon vous comment sortir de ces compromis ?

Dans les conditions actuelles, on ne peut pas faire autrement que de passer de compromis en compromis. Le Président de la république qui est le garant de nos institutions et son gouvernement sont les premiers à violer les lois de la république. Aucun manquement n’est sanctionné si l’auteur est un membre ou sympathisant du parti au pouvoir le RPG. Les citoyens sont systématiquement arrêtés, séquestrés et dépouillés de leurs biens en toute impunité, des policiers qui tirent à balle réelle et ôtent la vie de nos concitoyens sans être poursuivis, une justice injuste et partiale, des personnalités politiques et religieuses qui prônent ouvertement la division du pays et l’ethnocentrisme sans qu’aucune sanction ne soit prononcée, du favoritisme dans l’attribution des postes de responsabilité dans l’administration ou encore de la corruption à ciel ouvert. Bref, le Président et son gouvernent ne sont pas à la hauteur. Ils ont perdu la légitimité et la confiance du peuple. N’étant plus capables de jouer pleinement leurs rôles, j’ai dit lors de la réunion des responsables politiques de l’U.F.D tenue récemment à New-York, que le mieux pour la Guinée serait d’organiser une conférence nationale au cours de laquelle toutes les questions d’ordre économique, politique et sociale seront évoquées. La réforme de nos instituions et les lois de la république seront au menu. Prévoir une période transitoire suffisante. Une transition pendant laquelle des personnes choisies pour leur compétence, leur patriotisme et leur probité morale pour reformer nos institutions et organiser les élections en toute neutralité et permettre au pays d’avoir des dirigeants pour gérer l’administration dans le respect de la démocratie.

Comment réagissez-vous à l’octroi d’une partie du port autonome de Conakry à la société TURQUE Albayrak?

Je n’ai pas lu le contrat et ses avenants. Je ne sais pas non plus si la procédure d’attribution a été respectée. C’est un bail pour une durée de 25 ans. Tout cela va avoir un impact considérable sur les générations actuelles et celles qui viendront après. A mon avis cette proposition devrait être soumise au vote de l’assemblée nationale qui représente le peuple. Est-ce que cette procédure est respectée ? Je ne sais absolument pas. Ce que je sais, d’après les informations qui me parviennent, la gestion du port autonome de Conakry est toujours déficitaire. Les importateurs de véhicules et marchandises se plaignent. Ils sont victimes d’escroquerie et de vol. D’après ce qui m’a été raconté, tout véhicule ou marchandise qui arrive doit être récupéré le jour de son débarquement pour éviter un vol. Un bien qui n’est pas récupéré le jour même est rangé ou parqué dans le port et surveillé par des gardiens. Ce sont ces mêmes gardiens en complicité avec les douaniers qui volent les biens qu’ils sont pourtant chargés de sécuriser. Les opérations se font en deux temps. Comme les gardiens savent que leurs véhicules sont contrôlés à la sortie du parking, ils volent les biens et les déposent au sol avant de partir. Après leur départ, les douaniers étant préalablement informés viennent de temps en temps pour faire le round, ramassent ces objets et les placent dans leurs véhicules pour les sortir du port car eux ils ne sont pas fouillés la sortie. Connaissant cette pratique nombreux de nos importateurs préfèrent débarquer leurs marchandises à l’étranger notamment en GAMBIE et au SENEGAL. C’est une perte considérable pour l’économie guinéenne et une souffrance atroce pour ces milliers des gens qui sont obligés d’acheminer leurs marchandises par la voie terrestre pour arriver dans notre pays. Tout cela engendre des dépenses supplémentaires qui sont imputées sur le prix de vente du produit consommé par nos compatriotes. En Guinée le vol et la corruption sont partout. De la base au sommet, aucun secteur n’est épargné et comme les crimes et les délits ne sont jamais punis, cette pratique gagne du terrain.

Récemment votre parti l’UFD pourtant allié au pouvoir  a fait un mauvais procès du régime. Est-ce la rupture avec le RPG ?

Il ne m’appartient pas de rompre l’alliance si elle existe. Cependant l’UFD est un parti souverain qui défend ses projets en toute indépendance et en toute circonstance. Nous luttons contre la mauvaise gouvernance, la corruption et l’impunité. Qu’on soit allié du pouvoir ou non tous les manquements seront systématiquement dénoncés. Si vous remarquez, le président Baadikko a toujours combattu l’injustice et la mauvaise gouvernance et cela va continuer tant que les autorités n’abandonneront pas ces pratiques abominables. J’ai envie de dire à ceux qui le reprochent d’avoir signé l’alliance avec le RPG en 2015 que l’intention de Mr Baabdikko n’a jamais été de décrocher un poste ministériel pour profiter de nos richesses. Entre lui et Mr Alpha Condé c’est une longue histoire. Depuis des années ils ont mené la lutte ensemble et ont souhaité s’impliquer activement pour aider notre pays à rattraper son retard et amorcer sa phase de développement. La preuve, en 1998 lors de l’élection présidentielle, l’UFD n’a pas hésité de créer une coalition avec le RPG. A l’époque, c’est le professeur Alfa Ibrahima SOW alors président de l’UFD (paix à son âme) qui fut le directeur de campagne de ce mouvement. Convaincu que l’unité des guinéens est une condition essentielle pour le développement de notre pays, le président Baadikko a toujours cherché à rassembler les guinéens pour mieux servir. Malheureusement 8 ans après une gestion calamiteuse, le président est arrivé à la conclusion que le militant politique et l’opposant historique que fut Mr Alpha Condé n’a pas permis aux guinéens de profiter de son expérience, de son savoir et de son savoir-faire. C’est ainsi qu’il y a quelques semaines lors d’une réunion du bureau exécutif de l’UFD, il a déclaré  je cite : « Mr Alpha Condé s’est toujours battu mais sans savoir pourquoi il s’est battu ». Mes chers compatriotes vous comprenez tout le reste. J’en profite d’ailleurs pour lui rendre hommage pour les efforts qu’il a accomplis récemment en passant devant les médias pour dénoncer avec insistance ce qui est en train de se passer dans notre pays. Il est le seul parmi tous les opposants du régime à dénoncer sincèrement les dérives du régime autoritaire en place et plaider pour une réconciliation nationale. Aujourd’hui tous les guinéens sont d’accord que Mr Baadikko est un leader capable de sauver notre pays et nous aider à aller de l’avant. Il a la volonté mais aussi la capacité qui ne fait aucun doute. Nous appelons tous les guinéens à le soutenir car c’est pour la bonne cause.

Les sorties virulentes récentes de votre président Mr Baadikko Bah sont intervenues peu après la formation du nouveau gouvernement. Est-ce le nœud du problème ?

Pas du tout. Mr Bah est dans son rôle et ce n’est pas nouveau. A chaque fois que l’occasion se présente il dit les choses telles qu’elles se passent. Regardez l’état de notre pays. Le gouvernement actuel n’a même pas été capable d’entretenir les maigres infrastructures existantes. Aujourd’hui nous n’avons toujours pas d’hôpitaux pour soigner nos malades. Il n’y a rien et c’est vraiment révoltant ! Nos routes sont impraticables. Pour rallier deux préfectures c’est tout un problème. Pourtant chaque année un budget est voté pour chaque ministère. Où va donc l’argent ? Face à cette situation on ne peut pas croiser les bras. Il faut absolument qu’on passe à l’offensive et le résultat doit être à la hauteur de l’espérance.

Le premier ministre a inscrit dans ses priorités la lutte contre la corruption. Vous y croyez ? 

Difficile de le croire quand on sait que lui-même il est impliqué dans plusieurs scandales de corruption. Son nom est cité dans plusieurs affaires de corruption et des détournements de fonds depuis qu’il était ministre des finances au temps de Lansana Conté et même avant. Plus récemment son nom a été cité dans une autre affaire qui est actuellement en cours en Belgique. Au cours de ces quatre dernières années, c’est l’un des bras droits du président Alpha Condé. Il ne peut pas se soustraire de ces scandales à répétition qui secouent l’Etat. Etant l’ex-ministre chargé des investissements et de financement des travaux publics, nous avons toujours en mémoire les marchés de gré à gré. Pour vous en convaincre, je vous rappelle qu’un jour lui-même a avoué lors d’un débat à la radio que le Président de la république lui avait remis 3000 dollars US lors d’un déplacement à New-York à remettre à Madame Condé Doussou qui y réside. Selon Mr Kassory une fois à New-york la destinataire de cette somme ayant décliné l’offre lui-même Mr Kassory a bouffé l’argent sans revenir faire le compte rendu au président. Vous comprenez que ce monsieur en plus de son manque de sérieux est combien de fois arrogant et manipulateur. Ce Monsieur ne peut être cité comme un bon exemple pour la gestion des services de l’Etat. Il n’inspire pas de confiance et n’a jamais démontré son talent quand il s’agit de conduire les affaires dans notre pays. Plus de 5 mois après sa nomination à la primature il ne se passe toujours rien de nouveau. Aucune mesure ou disposition nous permettant de voir une amélioration et dans tous les secteurs. Avec Dr Kassory aucun espoir n’est déçu puisqu’on n’attendait rien de lui. C’est l’un des plus corrompus du régime actuel. Il est à la tête d’une équipe expressément montée par le président de la République pour piller et ruiner l’économie du pays. Ils savent le faire et ils le font très bien.

Le président de la cour constitutionnelle est évincé de son poste. Comment réagissez-vous ?

Mr Sall Kelefa a voulu en tant que patriote, garant de cette institution et connaissant bien les habitudes des chefs d’Etats africains, exiger le respect de la Constitution. Cette prise de position a suscité la colère du président de la république et ceux qui profitent avec lui de nos richesses. Cette attitude du chef de l’Etat montre clairement que le président de la Cour avait eu raison de s’en inquiéter lors de cette journée de prestation de serrement en 2015. En tant que citoyen et militant de l’UFD, je vis cette éviction comme un coup de force contre nos institutions et une prise d’otage de la démocratie. Un tel comportement est inacceptable. Même si Mr Sall était coupable d’une faute qui le priverait le droit de diriger cette institution, il y a une procédure définie pour obtenir sa destitution. Cette procédure n’aurait pas été respectée. Clairement on parlerait d’un vice de procédure. Hors à ce que je sache il n’est coupable d’aucun manquement dans sa mission. Il est victime d’un acharnement. Perçu par Sekhoutoureya comme obstacle à la candidature de Mr Alpha Condé pour un troisième mandat, il fallait l’écarter tout de suite pour s’offrir la possibilité de prendre le peuple de Guinée en otage. Face à cet indécent comportement, je lance un appel à toutes les citoyennes et à tous les citoyens de Guinée, de toutes sensibilités politiques et sociales pour se mettre ensemble et exiger le retour de Mr Sall Kelefa à son poste. J’ai envie de dire à tous les guinéens que c’est maintenant ou jamais. Que nos institutions nous gouvernent, oui. Mais que des hommes forts nous dirigent c’est non et non. Clairement le peuple de Guinée est devant un choix : se mobiliser tout de suite pour que les dictateurs arrêtent de nous bâillonner ou refuser de se battre pour vivre le reste de notre vie dans l’enfer.

Bientôt la fin du second quinquennat du président Alpha Condé. Quel bilan dressez- vous pour ces 8 années à la tête du pays ?  

Mr Alpha Condé que le monde entier qualifie d’opposant historique est arrivé au pouvoir en 2010 dans des conditions que tout le monde connait. Avec seulement 18% au premier tour il a réussi avec la complicité du gouvernement de transition à se faire élire au second tour de l’élection présidentielle de 2010. Pour arriver à ce résultat frauduleux tous les moyens ont été utilisés. De l’eau empoisonnée par une ethnie contre une autre avec les conséquences que nous connaissons tous , des ordinateurs qui contiennent des informations importantes disparus et brulés, des logiciels utilisés par les experts qui avaient en charge de la gestion du scrutin piratés, de l’argent et denrée alimentaire distribués pour acheter les consciences des électeurs et même récemment nous apprenions que le port autonome de Conakry a été mis à la disposition de Mr Bolloré pour aider Mr Condé à accéder à ce poste de responsabilité. Malgré tout ce qui s’est passé le peuple de Guinée et l’opposition ont accepté le résultat en espérant qu’il soit capable de monter une équipe compétente pour reformer et relancer le pays. Malheureusement nous découvrons que c’est le pire de tous les régimes qui se sont succédé depuis 60 ans. A l’entame de son premier mandat il a réussi à reformer le code minier qui lui a permis de récupérer plus d’un milliard de dollars. A cela s’ajoutent l’embelli économique des années qui ont précédé l’arrivée de Ebola. Malgré tout, aucun investissement en infrastructures, aucune modernisation de notre économie, aucune amélioration des conditions de vie de la population guinéenne qui est aujourd’hui livrée à elle-même. La faim, la soif, l’insécurité et la pollution sont autant d’éléments qui caractérisent la vie quotidienne du citoyen guinéen. Comme si cela ne suffit pas, tout au long de ses deux mandats, lui et son gouvernement n’ont cessé de poursuivre leurs politiques discriminatoire et ethnocentrique à l’endroit des habitants de la moyenne guinée qui a perdu son unité et sa fraternité à la suite de la création de son fameux groupe «ethnique » baptisé manding jalon. Toujours dans le dessein de détruire l’unité nationale, récemment dans sa sortie médiatique pour répondre à la question d’un journaliste qui l’a interrogé sur les accusations qui pèsent sur Mohamed Touré, poursuivi aux USA, il a déclaré je cite «  Mohamed Touré est mon frère. Je vais le défendre jusqu’au bout » Avec cette prise de position pour Mohamed Touré Contre une autre Compatriote victime d’abus de ce même homme, Alpha Condé a fait tomber le masque pour montrer son vrai visage et sa vraie identité. Vous comprenez que cet homme ne peut pas être le garant de l’unité nationale.

Pour avoir refusé de choisir les bons cadres pour aider le pays à se relever, Mr Alpha Condé est coupable de tous les maux dont souffre notre population. Aujourd’hui la seule solution qui s’impose est de demander son départ purement et simplement. Il nous pose plus des problèmes qu’il ne nous apporte des solutions. Changer un gouvernement n’est plus la solution. Seul son départ serait salutaire pour le peuple de Guinée.

Quel est votre mot de la fin ? 

Je lance un appel pressant à toutes les filles et tous les fils de notre pays en leur demandant de prendre pour priorité, l’intérêt supérieur de la Guinée. En tant que militant et membre du bureau exécutif de l’UFD, je me permets d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les dangers de la politique dévastatrice de Mr Alpha condé et son gouvernement. La politique discriminatoire et la haine nourries et entretenues par les autorités au sommet s’exportent à la base avec le refus d’installation d’un maire à Kindia au motif qu’il est originaire d’une autre région. Les manifestations récentes, les pillages observés à Kindia et les menaces qui planent sur les autres régions est un indicateur important sur le danger qui guette l’unité nationale. Face à cette alarmante situation j’en appelle à la prise de conscience et à la tolérance. Que le peuple de Guinée n’accepte jamais d’être divisé par des prédateurs venus de l’étranger uniquement pour nous diviser afin de profiter de nos ressources en laissant le chao derrière. Mes chers compatriotes soyez sûrs qu’avec notre unité et la vigilance, tous ces criminels et leurs complices seront arrêtés bientôt et traduits devant les vrais tribunaux pour une vraie justice.

Interview réalisée par Abdoulaye Maci Bah.       +224 622449966

 

 

 

 

 




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