Guinée: Présidentielles 2015, accord Rio Tinto, Ebola, Gouvernance Alpha Condé, blocage politique, affrontements inter-communautaires…l’opposant Baadiko s’exprime

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Dans une interview accordée à notre rédaction ce mardi 17 Juin 2014, l’opposant Mamadou Bah Baadiko, président de l’Union des Forces Démocratiques s’est prononcé sur plusieurs sujets brûlant de l’actualité nationale.

Lisez:

Monsieur le président, un débat est en cours actuellement au sein de la société civile et dans certains milieux politiques pour une candidature unique de l’opposition face au président Alpha condé en 2015. Quel est votre avis là-dessus’

En vous remerciant tout d’abord de cette interview, je dois préciser que l’UFD est membre fondateur de la Coordination de l’Opposition Extra-parlementaire (COEP). En m’exprimant ici je crois donner la position de cette coalition de l’opposition, sans toutefois que celle-ci soit engagée par mes propos.

Pour revenir à votre question, il y a un préalable : des élections comment et pourquoi faire ‘ S’agissant du comment, il faut avoir en mémoire que toutes les élections depuis 2010 et même avant étaient truquées, entachées de fraudes et d’irrégularités de toutes sortes, avec des résultats falsifiés ne reflétant en rien le choix de la majorité du peuple de Guinée. Nous sommes arrivés à un système où, en violation de la constitution sur la fixité des mandats électifs, il n’y a aucune date fixe pour les élections. C’est selon les volontés du prince qui gouverne. Ainsi, nous avons eu en 2010 un deuxième tour retardé de plusieurs mois pour permettre au RPG d’organiser son holdup électoral. Nous sommes allés au deuxième tour lorsque la machine à frauder était prête. Pour les législatives, nous avons attendu deux ans et demi pour que le pouvoir organise la fraude avant d’appeler aux élections. A présent, on veut encore nous précipiter dans ce système piégé où il ne peut y avoir d’élections libres, équitables et honnêtes. Poser un problème de candidature unique dans ces conditions revient à entériner d’avance les résultats frauduleux que le pouvoir va proclamer, avec toutes les conséquences très graves qui en résulteront. L’urgence n’est donc pas une hypothétique candidature de l’opposition, mais bien la qualité du scrutin. En second lieu, un nouveau président pour quoi faire ‘ Toute l’expérience de près de 60 ans de dictatures plus ou moins sanglantes, de violations des droits humains, de prédation du bien public, d’injustices, montre que c’est le même système qui perdure, reposant actuellement sur le bipolarisme politico-ethnique. Le problème de la Guinée, ce n’est pas uniquement un problème d’hommes ou d’individus. C’est un système. Nous ne voulons plus d’un président de « remplacement » qui va venir lui aussi se servir de ce système viscéralement opposé au progrès du peuple et à la liberté. La Guinée ne veut plus d’un dictateur, omnipotent, qui fait ce que bon lui semble, qui n’a de comptes à rendre à personne, qui jouit de pouvoirs illimités et incontrôlés. Les seules proclamations de foi et autres engagements verbaux ne suffiront plus à nous convaincre que les prétendants à la succession du RPG ne feront pas demain la même politique basée sur l’ethnicisme et la prédation du bien public. C’est pour cela que nous préconisons la tenue d’une Conférence nationale – Vérité, justice et réconciliation. C’est cette assise qui permettra de ressouder l’unité du peuple de Guinée comme en 1958 pour lancer la reconstruction du pays, de mettre fin à l’impunité, tout en adoptant de nouvelles institutions démocratiques solides, base d’un véritable Etat de droit.

S’il y avait ce débat au sein de l’opposition, quel doit être le profil du candidat selon vous’

Puisque moi-même je suis un candidat potentiel, je ne sais pas si je peux répondre à votre question. Mais je dois souligner qu’il y a des choses qui ne sont possibles qu’en Guinée. Ici on peut voter pour quelqu’un dont on ne sait rien du parcours, des capacités de bâtir, des antécédents moraux, de la probité, uniquement puisque c’est le « candidat de l’ethnie ». Personne ne trouve à redire qu’un politicien soit prédateur ou corrompu ou incapable de la moindre œuvre de développement. Pourvu qu’il soit de l’ethnie. A ce prix je puis vous dire que nous n’avons pas fini de souffrir avec une Guinée qui ne peut que s’enfoncer davantage. En 2010 en tant que candidat aux élections présidentielles, j’avais déposé ma déclaration de patrimoine à la Cour suprême, sous la forme d’un défi aux 23 autres candidats. Vous avez vu que personne n’a relevé ce défi. Aujourd’hui il y a un niveau de corruption en Guinée comme jamais auparavant. Les gouvernants violent ouvertement la constitution en refusant obstinément de déclarer leur patrimoine. Et il ne se passe rien car pour tout le monde, c’est un détail. C’est comme s’il y avait un vrai consensus pour dire que les dirigeants ne sont pas astreints à la transparence. Un pays comme le Niger est bien différent : vous avez vu que là-bas il y a eu récemment de gigantesques manifestations populaires de l’opposition pour dénoncer la corruption. Ici on manifeste exclusivement pour les élections. Donc en matière de candidat idéal, il y a des critères qui sont universels, sauf…en Guinée.

Le gouvernement et Rio Tinto viennent de signer une convention pour l’exploitation du Simandou 3 et 4. Quel commentaire faites-vous de ce projet’

Le cas de Rio Tinto illustre le fait que sous le règne du RPG Arc en ciel, la Guinée est devenue un cimetière économique où aucune société sérieuse ne peut travailler. Comme vous le savez, en avril 2011, ce conglomérat avait signé un accord au bout duquel elle a versé 700 millions de dollars au gouvernement guinéen, tout en s’engageant à sortir la première tonne de minerai de fer en 2015. Non seulement il n’y aura pas de fer à cette échéance, mais encore ils ont gelé toutes leurs opérations en Guinée, à l’instar des autres compagnies minières comme BHP Billiton, Vale, etc. Des milliers de Guinéens ont perdu de ce fait leur emploi. A présent, on nous annonce en grande pompe des investissements de 20 milliards de dollars pour 2018 et presque le paradis. Vous savez, le RPG qui n’arrive à rien réaliser de sérieux depuis qu’il est au pouvoir en 2011 est spécialiste des effets d’annonce et des « Premières pierres » à servir à une population qui a de plus en plus faim et qu’on continue à tromper. Mais bien entendu personne n’explique pourquoi l’échéance de 2015 ne sera pas respectée. Il est clair que c’est le pays qui est inapte à recevoir les investissements. La corruption effrénée, l’incurie de l’administration, le manque d’infrastructures, ne permettaient pas à Rio Tinto de travailler. Donc avec les nouveaux accords, ils ont sécurisé leur concession sur le SIMANDOU et ne risquent pas de se la faire arracher pour non-respect des engagements pris.

Pendant que le gouvernement exige à Rio Tinto de construire un chemin de fer reliant la forêt à la basse côte pour l’exportation de son minerai, le gouvernement a autorisé la société WEST AFRICA exploration à exporter vers le Libéria. Qu’en dites-vous’

Ceci illustre l’opacité et l’incohérence de la politique minière du gouvernement du RPG Arc en ciel. Mais attendons déjà devoir quand et comment ce chemin de fer transguinéen va-t-il être construit.

L’opposition à laquelle vous appartenez dénonce le non respect des accords politiques du 03 juillet et menace de reprendre ses manifestations. Vous avez écrit au gouvernement et au médiateur Onusien, Saïd Djinnit. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que vous vous êtes fait piéger dans ces accords’

Il faut dire que c’est la communauté internationale qui a négocié des arrangements avec certains dirigeants de l’opposition. Nous n’avons en rien été associés à ce qui a été conclu. C’est en séance plénière que nous apprenions les conclusions de leurs négociations dans les coulisses. Nos avis n’étaient pas nécessaires, en tant que soi-disant « petits partis ».

Que va se passer dans les prochains jours si vous n’obtenez pas de satisfaction’

Comme on vous l’a dit dans le communiqué, on avisera.

Quel bilan tirez-vous du gouvernement de mission version Saïd Fofana II’

S’il y a un constat qui est clair, c’est que ce gouvernement est en parfaite continuité avec le précédent. Il n’ya aucune réalisation à présenter en dehors des poses de premières pierres. Les souffrances de la population en termes de famine, de maladies sans soins, de cadre de vie invivable, de chômage surtout, sont sans précédent. Vous avez vu autour de vous le nombre de gens qui ont pris le chemin de l’exil ou qui sont morts. Ce qui est intéressant à présent, c’est que le pouvoir ne prend même plus la peine de mentir en promettant le paradis pour bientôt. Il en arrive même à avouer son incapacité à construire la Guinée en reconnaissant que ce ne sont pas les manifestations de l’opposition qui l’empêchent d’y arriver mais plutôt puisque le Président aurait été trompé sur l’ampleur des problèmes ! Un gouvernement bâti sur le principe de la préférence politico-communautaire et des décrets achetés ne peut arriver à rien. Un exemple : une action que j’ai personnellement bien suivie, c’est la campagne agricole du gouvernement. On promettait l’autosuffisance alimentaire dans deux ans. En partant d’une décision qui était très positive pour aider la paysannerie, on est arrivé à un fiasco total par manque de véritable politique d’encadrement de la paysannerie et aussi à cause des détournements.

Récemment des affrontements intercommunautaires ont éclaté dans plusieurs endroits de la moyenne guinée opposant ‘’Roundés’’ et ‘’Missidés’’. Votre réaction’

Comme vous le savez, toute la politique du RPG Arc en ciel repose sur l’opposition des composantes ethniques ou communautaires du pays. Le RPG veut déstabiliser le Fouta en exacerbant les différends entre les communautés qui y vivent. C’est un programme officiel contenu dans un document de 2013. Avec l’encouragement à la violence politico-ethnique qui est la politique officielle du pouvoir, tout peut arriver n’importe où en Guinée et pas seulement au Fouta. Toutes les combinaisons diaboliques sont possibles pour opposer entre elles les 26 nationalités (ou plus vulgairement les ethnies) qui composent la Guinée. Il existe certainement un nombre infini de problèmes identitaires pour alimenter les jeux dangereux du pouvoir incapable de rassembler dans l’unité toute la communauté guinéenne. Souvenez-vous des atroces tueries en Guinée Forestière depuis 2011, sans compter les violences orchestrées à Siguiri et Kouroussa en 2010 et récemment encore à Siguiri, dans l’impunité totale. Ce que nous devons dire au RPG c’est que la banalisation de la culture de la violence ne peut épargner personne. C’est le petit peuple qui en fera les frais, mais le RPG engage également sa responsabilité. Ceci dit, il ne doit y avoir aucun différend qui ne puisse être résolu par des discussions fraternelles.

Une fièvre hémorragique Ebola frappe la Guinée officiellement depuis le début de l’année. Comment vous jugez les efforts consentis par le gouvernement’

Comme vous le voyez tous les jours, la Guinée est un énorme dépotoir, une poubelle à ciel ouvert, à cause de la carence du gouvernement. Les populations vivent affamées, tantôt dans une atmosphère poussiéreuse irrespirable, tantôt dans une boue infecte porteuse de graves maladies infectieuses. Si vous ajoutez à cela le manque d’installations sanitaires, le manque d’eau potable et la faim qui tenaille des millions de gens, vous avez les ingrédients explosifs pouvant permettre l’émergence des maladies les plus terrifiantes comme EBOLA que nous avons le triste privilège de partager avec la RDC en guerre depuis plus de 30 ans. Comme je le disais, sous le pouvoir du RPG qui ne travaille pas pour le bien des populations, mais plutôt pour sa pérennité en tant que Parti-Etat, la Guinée est en putréfaction, en décomposition physique. Quant à la gestion de l’épidémie, c’est comme tout : la propagande se substitue aux actions concrètes. Si on avait pris les dispositions qui s’imposaient depuis janvier 2014, la maladie aurait été vite contenue, alors qu’actuellement, nous vivons dans la crainte de sa résurgence.

Merci M.le président.

Je vous remercie.

Propos recueillis à Conakry par Abdoulaye Maci Bah/afrinews.org
+224 622 44 99 66




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