J’ai lu avec consternation les déclarations d’Alpha et de ses subordonnés à l’ occasion du cinquantenaire de la création de l’OUA rebaptisée Union Africaine. Les discours du ministre des affaires étrangères et du président de la république ne sont pas que vides de sens. Ils révèlent une schizophrénie qui explique amplement les comportements erratiques du régime d’Alpha Condé. Cette schizophrénie politique a des symptômes similaires aux cas cliniques. A savoir un refus d’interpréter la réalité de l’histoire, des discours creux, délirants et bizarres ainsi que des comportements irrationnels. L’étiologie de cette maladie politique typiquement guinéenne est connue. Il serait fastidieux de lister les causes multiples qui s’étalent sur 56 ans de médiocratie, de kleptocratie et de répression aveugle.
Que le gouvernement veuille forger à la Guinée une image de champion historique de l’UNITE AFRICAINE n’est qu’une manifestation aigue de cette schizophrénie. La célébration en cours occulte les décennies de guerre verbale et d’isolement de la Guinée, pratiqués par les régimes successifs, à des fins de répressions internes. Les « complots » imputés à des états voisins sont encore d’actualité. La réalité est que la Guinée, située au cœur de l’Afrique de l’Ouest, aura joué un rôle totalement négatif dans l’intégration de la sous-région. Affirmer le contraire est plus que de la délusion. C’est une confirmation de la pernicieuse utilisation du rêve d’unité des africains pour masquer les tares des gouvernements et des règlements de comptes politiques. Tout comme ce fut aussi le cas des slogans anti-impérialistes dont les populations furent gavées alors que le pays vivait et vit toujours de l’économie de la traite minière et des subsides de l’occident.
Mais comme on ne peut pas tricher indéfiniment avec les faits, il semblerait que le portrait de Sékou Touré a été enlevé du hall de l’UA à Addis-Abeba. Il ne reste que le régime d’Alpha Condé pour se livrer à la macabre célébration de Sékou Touré comme héro de l’union Africaine. Et, pour ce faire, les laudateurs ne trouvent rien d’autre que d’aligner, sans vergogne, les noms de Diallo Telli et de Sékou Touré sur la même liste de «pères fondateurs ». Délibérément, ils oublient de mentionner des faits simples, tragiques et amers qui continueront de saper l’avenir de notre nation. Les discours de célébration sont un condensé de fuites en avant et de mensonges par omissions qui procèdent du malaise des crimes inavoués et de l’impunité généralisée qui ruinent d’avance les chances de construction nationale. La célébration par les thuriféraires d’Alpha du geôlier et de sa victime en même temps est une insulte à la raison. Passer sous silence le crime ignominieux à l’encontre du premier secrétaire général de l’OUA, mort par inanition sur ordre de Sékou Touré est une tricherie grossière et criminelle. En ces jours de cinquantenaire de l’UA, un minimum de décence et de respect de l’idéal de l’unité africaine serait la localisation de l’endroit où le corps de Diallo Telli repose, la production d’un rapport sur les circonstances de sa mort et un geste de magnanimité, même symbolique, sur sa mémoire ainsi que celles des autres victimes innocentes qui hantent notre mémoire collective.
La nation guinéenne est avide d’explications sur les causes et les mécanismes de la barbarie qui, à l’encontre de toutes les valeurs enseignées par nos traditions, l’ont toujours secouée. La communauté peule de Guinée qui fut collectivement prise à partie par le PDG lors de l’arrestation de Diallo Telli, continue de broyer du noir sur l’inexplicable exclusion d’une nation dont elle est une des pierres angulaires. Par le refus de lire ces enseignements terrifiants, le gouvernement d’Alpha Condé entérine sa banqueroute morale et politique… et couve les ferments d’affrontements qui lui incomberont devant l’histoire.
Ourouro Bah