Témoignage d’un patient guéri: « Ebola, ce n’est pas forcément la mort»

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Sous couvert de l’anonymat, un médecin, âgé de 30 ans, a accepté de partager son expérience de l’Ebola et de ses cinq jours passés dans la structure médicale de Médecins Sans Frontières à Conakry. Il raconte les symptômes, la guérison, la stigmatisation. Surtout, il raconte l’espoir pour ceux qui souffrent et leurs proches, ainsi que pour la Guinée, son pays.

Extrait :
« c’est vrai, Ebola existe bel et bien en Guinée. Mais Ebola vu tôt, Ebola sera tué, Ebola sera éradiqué. Donc n’acceptez pas de vous cacher à la maison, acceptez de venir dans un centre quand vous savez que vous avez de la fièvre, de la diarrhée, des vomissements, des céphalées et surtout de l’asthénie. Parce que ce sont les signes principaux de cette maladie. Quand vous savez que vous avez ces signes-là, pardon, pour l’amour de Dieu, pour que vos familles soient sauvées et que vous-mêmes vous soyez sauvé, venez dans un centre le plus proche pour que la prise en charge soit vraiment adéquate »

Parce que moi qu’est-ce que j’ai compris en tant que médecin dans l’affaire de l’Ebola ‘ C’est que quand il y a l’alimentation, quand il y a la réhydratation, quand il y a une couverture antibiotique, l’organisme a tendance à se battre, ,à lutter contre la maladie. C’est tout ce que j’ai compris en tant que médecin depuis mon isolement jusqu’à ma sortie. C’est comme ça que je suis entré au centre. Vraiment, je remercie le bon Dieu avec l’aide de Médecins Sans Frontières, de l’OMS. Vraiment, je ne cesse de remercier. J’étais d’ailleurs la première personne à voir le dehors après mon isolement, à être libéré. Ce jour, j’étais comme un héros, c’est comme ça qu’on m’appelle au service, le héros. Je vous remercie.

Vous savez, lorsque l’affaire Ebola a éclaté en Guinée, tous les médecins ont eu peur. Lorsqu’on m’a dit que j’avais cette maladie, Ebola, la première chose qui m’est venue à l’idée est « est-ce que je vais mourir ‘ Est-ce que je ne vais pas mourir ‘ ».

Tout ce qui vient dans ma tête, je me dis « oui, c’est la mort ». C’est ma mort que j’ai vue. Mais avec le traitement, je voyais chaque jour que je m’améliorais, et les amis aussi de Kissidougou, de part et d’autres, m’appelaient pour me remonter le moral, ils me disaient « ça va aller, ça va aller ». Mais vraiment, au fond, je n’y croyais pas. Je pensais à ma mort. C’est lorsque j’ai vu les médecins venir m’apporter le soutien, m’apporter surtout leur soutien, me réconforter, me dire que ça va aller, je me suis mis en tête que ça va aller. Peut-être la fatalité « impossible n’est pas moi ». je me suis dit comme ça. J’ai continué le traitement. Chaque fois, ils venaient, je n’avais presque pas de symptômes, les signes avaient beaucoup régressé, je m’améliorais. J’ai commencé à manger. J’ai fait trois jours, je ne partais pas au ciel. Je me suis dit « mais c’est grave », je ne partais pas au ciel.

Mais par la suite, ils nous ont donné les savons, les couvertures, ils nous distribuaient le Plumpy Nut (ndlr : nourriture thérapeutique), qui est un aliment très énergétique, ils nous donnaient également les médicaments. Les malades qui se plaignaient de céphalées, on leur donnait des médicaments contre ça. Les malades qui étaient fatigués et qui vomissaient, qui faisaient la diarrhée, recevaient les sérums de réhydratation par la voie parentérale. Et également d’autres médicaments, par la voie parentérale, qui leur permettaient au moins de résister à la maladie. Vraiment, sans la venue de MSF et de l’Oms, j’ai dit ça à la sortie et je le dis à qui veut l’entendre, on allait compter les cadavres avec l’ordinateur. Ce n’est pas une calculatrice ou avec les doigts. L’ampleur était telle. Parce que vraiment s’il fallait laisser ce cas-là à la Guinée, vraiment ça allait être autre chose. Alors je remercie, et je remercie infiniment Médecins Sans Frontières et également l’Organisation Mondiale de la Santé OMS. Vraiment je les remercie infiniment.

Vous savez, comme j’avais dit au début, la fièvre Ebola a été pour les Guinéens une nouvelle maladie. Finalement on ne se saluait plus, on ne mangeait plus ensemble et finalement même dans les marchés, nos mamans, nos femmes portaient les bavettes, et d’autres mêmes se gantaient. Donc cela a créé ce qu’on appelle une stigmatisation, surtout quand on dit à quelqu’un qu’il souffre ou qu’il est médecin.

Un tel était malade, il faisait la diarrhée, il faisait les vomissements, etc. On le voit disparu pendant cinq jours, vraiment c’est douteux. Tout de suite, les voisinages ont commencé à y penser, de cette maladie de mon côté. Donc qu’est-ce quie j’ai vu par la suite ‘ Après 5 jours, à la sortie, après l’arrivée dans la famille, ma femme m’a dit ceci « alors là, on ne mange plus, parce que les gens ne venaient plus chez nous. Tous les gens nous ont évités, personne ne vient plus chez nous ». Ma femme avait l’habitude de faire le jus de gingembre que les gens venaient acheter chez nous pour consommer, on le prend avec le pain, on mettait dans les « sipa » (ndlr : bouteille d’eau minérale) comme ça et on revendait, mais finalement c’est resté entassé dans le congélateur. Personne ne venait acheter, même le sachet d’eau que les gens buvaient, personne ne venait prendre. Tout ça a créé ce qu’on appelle la stigmatisation. Mais ce qui est beaucoup important, et que j’ai dit hier, c’est le temps, ça va passer avec le temps. Aujourd’hui, Dieu merci, ce n’est pas tout le monde qui développe cette maladie, et qui s’en sort. Donc je suis l’heureux gagnant. Tout mon souci aujourd’hui, c’est le temps pour ma famille que ça expire, et ma prière. Je ne veux pas qu’un membre de ma famille tombe malade. Aucun des membres de ma famille ne se plaint, donc vraiment Dieu merci. C’est là on est en train de m’aider aujourd’hui, parce que les voisins savent, parce que pour eux tout ceux qui développent la maladie vont mourir. C’est comme ça, c’est comme ça.

Vous savez, ma sortie, je n’ai jamais voulu m’exprimer sur ce sujet d’Ebola. Je n’ai jamais aimé les caméras, sinon je pouvais m’expliquer publiquement. Je profite pour dire à la population : une fois guéri d’Ebola, je ne suis pas expert en Ebola, mais les experts le disent, notamment les experts américains et MSF : quelqu’un qui a été positif à Ebola, et qui a été suivi, et qui après les investigations biologiques et cliniques se retrouve avec un résultat négatif pour la 1ère fois, négatif pour la seconde fois, cela prouve en suffisance qu’on n’est plus contagieux. Vraiment, de ne pas stigmatiser la personne. C’est vrai, Ebola c’est une maladie mortelle, qui n’a pas de remède ni vaccin, ni médicament, mais quand la maladie est vue tôt et prise en charge très tôt, les malades ont la chance de survivre comme nous.

Aujourd’hui, d’après les informations que j’ai reçues, le nombre de guérisons qu’on a reçues en Guinée est élevé par rapport à ce qu’on a trouvé au Congo. Ca c’est vraiment un résultat soulageant. Donc ce que je veux dire à la population guinéenne, c’est « c’est vrai, Ebola existe bel et bien en Guinée. Mais Ebola vu tôt, Ebola sera tué, Ebola sera éradiqué. Donc n’acceptez pas de vous cacher à la maison, acceptez de venir dans un centre quand vous savez que vous avez de la fièvre, de la diarrhée, des vomissements, des céphalées et surtout de l’asthénie. Parce que ce sont les signes principaux de cette maladie. Quand vous savez que vous avez ces signes-là, pardon, pour l’amour de Dieu, pour que vos familles soient sauvées et que vous-mêmes vous soyez sauvé, venez dans un centre le plus proche pour que la prise en charge soit vraiment adéquate ». Je pense bien qu’avec ce message, tous les Guinéens comprendront que moi j’étais victime d’Ebola et que Dieu merci, je suis venu sur mes deux pieds à l’hôpital. Ils m’ont prélevé, je n’ai pas eu peur du nom de la maladie, de la fièvre hémorragique et Ebola, je n’ai pas eu peur. Ils m’ont prélevé, ils m’ont isolé, je suis sorti. Aujourd’hui, ma famille est sauvée, donc Dieu merci. Pardonnez, Ebola, ce n’est pas forcément la mort, ce n’est pas forcément la fin de la vie, ce n’est pas de rejeter ton prochain. Ebola, c’est une maladie, vue tôt, le traitement sera adéquat et tu seras sauvé, la famille sera sauvée, les proches seront sauvés, et la population sera sauvée, et la maladie va quitter dans notre pays. Inch Allah.

Témoignage recueilli par Médecins sans frontières et transmis à notre rédaction par la maison de la presse de Guinée




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