Le chef de l’opposition syrienne Ahmed Moaz al-Khatib a annoncé dimanche sa démission et la principale composante de la rébellion a désavoué le “Premier ministre” rebelle, illustrant publiquement la difficulté des opposants à unifier les rangs face au régime de Bachar al-Assad.
Ces annonces coup sur coup montrent aussi l’âpre rivalité des parrains des opposants, notamment le Qatar et l’Arabie saoudite, qui entendent garder la main sur ceux qui pourraient un jour parvenir au pouvoir en cas de chute de l’actuel président syrien, selon des sources politiques.
En revanche, sur le terrain les rebelles ont poursuivi leur offensive, en prenant dans le sud du pays le contrôle d’une bande de 25 km allant de la Jordanie à la ligne de cessez-le feu avec Israël sur le plateau du Golan, a affirmé dimanche l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
A la tête depuis novembre de la Coalition nationale de l’opposition, groupe reconnu comme le représentant légitime du peuple syrien par des dizaines de pays et d’organisations internationales, M. Khatib a annoncé qu’il démissionnait pour “pouvoir oeuvrer avec une liberté que je ne peux pas avoir au sein d’une organisation officielle”.
“Durant ces deux dernières années, nous avons été égorgés par un régime d’une brutalité sans précédent, alors que le monde nous observait. Toutes les destructions des infrastructures, la détention de dizaines de milliers de personnes, l’exil forcé de centaines de milliers d’autres (…) n’ont pas suffi pour que la communauté internationale prenne une décision afin de permettre au peuple de se défendre, a-t-il ajouté sur sa page Facebook.
“Notre message à tous, c’est que seul le peuple syrien va prendre sa décision. J’ai fait une promesse à notre grand peuple que je démissionnerai si une ligne rouge était franchie. Aujourd’hui, j’honore ma promesse”, a affirmé M. Khatib.
Cette annonce est survenue deux jours après l’échec des pays européens à se mettre d’accord sur l’envoi d’armes aux rebelles syriens, un projet défendu par Londres et Paris.
De plus, la communauté internationale n’arrive pas à s’entendre sur les moyens de régler le conflit déclenché le 15 mars 2011 par une révolte militaire qui s’est militarisée face à la rébellion. L’Occident veut le départ de M. Assad et la Russie, alliée du régime, refuse toute ingérence dans la crise.
Mais l’opposition syrienne n’est pas non plus à l’abri des divisions.
Selon des opposants, M. Khatib aurait voulu démissionner depuis un certain temps car il était opposé à la nomination d’un Premier ministre rebelle d’intérim, Ghassan Hitto, élu le 18 mars pour former un gouvernement chargé de gérer les territoires sous contrôle rebelle.
Et selon l’un d’eux, il reprochait “à certains pays, notamment le Qatar, de vouloir contrôler l’opposition” et d’avoir imposé l’élection de M. Hitto, soutenu par les Frères musulmans.
En visite à Bagdad, le secrétaire d’Etat américain John Kelly a affirmé que sa démission n’était “pas une surprise”. “C’est un homme que j’aimais et dont j’appréciais le leadership”.
M. Hitto a été élu à Istanbul par 35 voix sur 49 après 14 heures de discussions à huis clos. Des membres de la Coalition, dont son porte-parole Walid al-Bounni, ont gelé leur appartenance après cette élection.
Dimanche, l’armée syrienne libre (ALS), la principale composante de la rébellion, a annoncé son refus du nouveau “Premier ministre”.
“Avec tout notre respect pour Ghassan Hitto”, nous ne le reconnaissons pas comme Premier ministre car la Coalition ne l’a pas choisi par consensus”, a déclaré à l’AFP, Louaï Moqdad, un responsable de l’ASL.
Selon un politologue syrien qui requis l’anonymat, cette crise “illustre la rivalité entre le Qatar, qui s’appuie sur les Frères musulmans et est opposé à tout compris avec le régime, et l’Arabie saoudite et les Etats-Unis qui souhaitent une solution pour mettre fin à la guerre”.
Ces annonces ont pris de court les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis à Doha, qui ont évité de se prononcer sur une participation de l’opposition syrienne au sommet de Doha mardi
AFP