L’ex-chef d’Etat tchadien Hissène Hissène, accusé de crimes contre l’humanité, a passé sa première nuit en garde à vue après une arrestation dimanche qui ouvre la voie à son procès au Sénégal où il est réfugié depuis 22 ans.
Agé de 70 ans, l’ex-dirigeant tchadien, poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et tortures, a passé la nuit dans les locaux de la division des investigations criminelles (Dic, police judiciaire), dans le centre-ville de Dakar, après son arrestation dimanche, a affirmé lundi une source sécuritaire à l’AFP.
Une source proche des chambres africaines extraordinaires, le tribunal spécial chargé de juger M. Habré, contactée par l’AFP, a refusé de dire où se trouve M. Habré. “Pour des raisons liées à sa sécurité, nous ne pouvons rien dire”, a-t-elle indiqué.
La garde à vue au Sénégal est de 48 heures renouvelables une seule fois.
Le procureur général du tribunal spécial, Mbacké Fall, tient lundi après-midi une conférence de presse.
“Début du chemin de croix pour Habré”, titrait lundi le quotidien privé sénégalais Le Populaire.
Pour Sud quotidien, un autre quotidien privé, “après des années de tribulations, la machine judiciaire s’emballe (…) contre l’homme fort du Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990”, la période pendant laquelle l’ex-chef d’Etat tchadien aurait commis les faits présumés qui lui sont reprochés.
“C’est un grand tournant. Depuis plusieurs années, les victimes cherchent à faire entendre leur cause auprès de la justice sénégalaise. On va très vite maintenant” vers la tenue d’un procès de M. Habré, a affirmé à l’AFP Alioune Tine, défenseur des droits de l’homme réputé en Afrique, et président du Comité sénégalais des droits de l’homme, “une institution indépendante” du gouvernement sénégalais.
M. Sall avait exclu de l’extrader en Belgique et avait promis d’organiser un procès.
Abdoulaye Wade, son prédécesseur, ne l’a jamais fait en douze ans de pouvoir, alléguant notamment des questions de budget et menaçant même d’expulser Hissène Habré vers le Tchad.
“souveraineté judiciaire de l’Afrique”
Avec le procès en vue d’Hissène Habré, “le Sénégal devient un laboratoire pour l’Afrique, pour lui permettre de construire sa propre souveraineté judiciaire et d’arrêter d’exporter ses élites vers la CPI”, la Cour pénale internationale, basée à La Haye et accusée de ne traquer que des dirigeants africains, a dit M. Tine.
Le tribunal spécial créé pour juger Hissène Habré, formé de juges sénégalais et africains, a été mis en place en décembre à la suite d’un accord entre le Sénégal et l’Union africaine (UA).
Avant cela, Dakar avait ces dernières années réformé ses lois pour permettre de juger M. Habré, en se dotant notamment d’une loi de compétence universelle, qui permet à la justice sénégalaise de s’intéresser à des faits commis en dehors du Sénégal.
“Pour les crimes imprescriptibles, on ne peut plus échapper à la justice. Si vous n’êtes pas jugés dans un pays, vous le serez ailleurs. Il vaut mieux donc que les Africains s’organisent” pour avoir leur propre justice, a indiqué M. Tine.
Dans un communiqué publié dimanche, des avocats de M. Habré estiment que leur client a été “illégalement arrêté” et ont réclamé sa “libération immédiate”.
Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis sa chute après huit ans de pouvoir au Tchad.
Une “commission d’enquête sur les crimes et détournements” commis pendant les années Habré, créée après sa chute, a estimé à plus de 40.000, dont 4.000 identifiées, le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées au cours de sa présidence.
AFP