Rififi à Conakry: le jour où Beny Steinmetz a “décroché la lune”

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Rien ne va plus entre le milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz et le président guinéen Alpha Condé. Accusé par ce dernier d’avoir acquis frauduleusement des permis miniers au mont Simandou, le magnat du diamant est décidé à se battre jusqu’au bout. Retour en 2008, année de l’acquisition des blocs de Simandou.

Le jour où Beny a “décroché la lune”

BSGR est entré en Guinée par la petite porte fin 2005. À l’affût de nouvelles opportunités, mais ignorant des réalités du pays, le groupe a recours à des intermédiaires. Il y a là le diamantaire israélien Victor Kenan, installé à Conakry depuis vingt ans, et les hommes d’affaires franco-israéliens Michael Noy, Frédéric Cilins et Avraham Lev Ran, qui connaissent la Guinée pour y exporter des médicaments.

En février 2006, BSGR s’implante sur deux petites concessions près du mont Simandou, non loin de la bourgade de Zogota, en Guinée forestière. Il y recherche du diamant, il va tomber sur du fer. Un jour de mars 2006, le Sud-Africain Marc Struik, chef de la division mines chez BSGR, appelle Steinmetz du haut d’une colline : “Beny ’ Vous ne me croirez pas. Je suis assis sur une montagne de fer !” Le même Struik confiera quelques années plus tard que tout le monde, au sein du staff dirigeant de BSGR, était “complètement excité” par cette découverte : “À l’époque, les cours du minerai de fer étaient au plus haut et on estimait qu’il y en avait pour 3 milliards de tonnes de haute qualité dans le coin.” Dans le coin, c’est-à-dire sur la chaîne du Simandou, au-delà des deux petites parcelles attribuées à BSGR. Le problème, c’est que quelqu’un était déjà sur le coup depuis 1997 : le mastodonte anglo-australien Rio Tinto, détenteur des permis exclusifs sur les blocs 1, 2, 3 et 4. De loin les plus prometteurs.

David contre Goliath : l’histoire a toujours plu à Steinmetz, encore faut-il trouver la fronde pour terrasser le géant. Ses hommes lui rapportent une rumeur insistante dans les milieux miniers de la capitale guinéenne, dont il va faire bon usage.

Le président Lansana Conté et son entourage, réputés pour leur voracité, seraient mécontents du peu d’empressement mis par Rio Tinto à exploiter le fer de Simandou et donc à lui verser les royalties consécutives. Steinmetz sent qu’il y a là une occasion à saisir. Encore faut-il qu’il rencontre Lansana Conté. Or le président, malade, vit reclus. C’est là que le trio d’associés mené par Frédéric Cilins entre en scène. Cilins repère et embauche un certain Ibrahima Sory Touré, lequel n’est autre que le frère de la belle Mamadie Touré, quatrième épouse du général-président, la plus jeune et la favorite du moment. Mamadie n’est certes pas un Prix Nobel, mais elle sait où se trouve son intérêt. Elle n’ignore pas qu’à la minute où son époux fermera les yeux pour toujours, elle ne sera plus rien.

A-t-elle été rémunérée par BSGR pour l’introduire auprès de Lansana Conté ’ Elle-même le confirmera. Mais Steinmetz nie farouchement tout arrangement de cette nature. Mamadie ne serait-elle, comme on le dit chez BSGR, qu’une affabulatrice ’ Des documents saisis par le FBI et la simple chronologie des faits permettent d’en douter.

Comme le démontre une vidéo extraite du journal télévisé guinéen du 20 septembre 2006, Mamadie a eu tout le staff de BSGR à ses pieds. On la voit faisant son entrée en boubou blanc au bras de son frère, entourée de soldats de la garde présidentielle, lors d’un cocktail donné par le groupe à Conakry. Empressé, Cilins présente à Mamadie les “Steinmetz Boys” Marc Struik, Roy Oron et Asher Avidan.

Quelques mois plus tard, le ministre guinéen des Mines fait connaître son agacement envers Rio Tinto, soupçonné de “geler” le gisement de Simandou. En juillet 2008, la sanction tombe : les permis des blocs 1 et 2 sont annulés et, en décembre 2008, BSGR se les voit octroyer par décret présidentiel.

“Moi, je n’aurais pas mis 5 dollars”

Entre-temps, si l’on en croit l’enquête du New Yorker, Beny Steinmetz a enfin obtenu son audience avec un Lansana Conté quasi grabataire. Alors que, furieux, les représentants de Rio Tinto font le tour des chancelleries occidentales à Conakry en expliquant que ce milliardaire ne s’est porté acquéreur des blocs de Simandou que pour mieux les revendre avec un énorme bénéfice, Steinmetz convainc facilement le président du contraire. “On leur a démontré qu’on travaillait vite, qu’on créait beaucoup d’emplois et qu’on avait les capacités techniques et financières nécessaires”, expliquait-il au quotidien israélien Yediot Aharonot en juin.

Reste à régler les droits pour les deux concessions. BSGR paie un ticket d’entrée symbolique et s’engage à investir 160 millions de dollars, une somme dérisoire par rapport à la valeur du gisement. “Les Guinéens qui ont fait ce deal sont-ils des imbéciles, des criminels, ou les deux à la fois '” commente le milliardaire soudanais Mo Ibrahim.

Mais les collaborateurs de Steinmetz ont une explication. À leurs yeux, vu les risques encourus en Guinée, leur patron aurait quasi fait œuvre de philanthropie : “Il a accepté de mettre près de 200 millions de dollars dans un endroit où il faut être fou pour investir. Moi, je n’aurais pas mis 5 dollars”, assure le plus sérieusement du monde Michael Noy, l’associé de Cilins et de BSGR entre 2006 et 2008. Une chose est sûre : Beny a eu du flair. Lansana Conté meurt, le 22 décembre 2008, moins de deux semaines après la conclusion de l’accord sur les blocs 1 et 2.

Jeune Afrique




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