Le ballet diplomatique continue à un rythme soutenu. Pour la première fois depuis le vote des Britanniques en faveur de la sortie de l’Union européenne (UE), le premier ministre, David Cameron, va rencontrer mardi 28 juin les dirigeants européens à Bruxelles. Ces derniers vont presser le Royaume-Uni d’enclencher son départ « sans perdre de temps » et ne pas paralyser le bloc, dont l’avenir est en jeu. Demain, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se réuniront pour la première fois à vingt-sept, sans le premier ministre britannique donc, qui doit cependant participer ce soir au dîner.
Mardi, quelques heures avant cette première rencontre, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a prié les responsables politiques britanniques de préciser au plus vite leurs intentions, tout en expliquant qu’il avait demandé à ses services de n’engager aucune discussion avec Londres tant que les Britanniques n’auraient pas enclenché la procédure de sortie de l’Union.
Le Parlement européen a de son côté demandé au Royaume-Uni d’activer « immédiatement » la clause de retrait de l’UE, prévue dans le traité de Lisbonne, « pour éviter à chacun une incertitude qui serait préjudiciable et protéger l’intégrité de l’Union ».
Ce matin, le ton se voulait aussi ferme du côté allemand : la chancelière, Angela Merkel, a prévenu que le Royaume-Uni ne pourrait pas « choisir à la carte ». « Celui qui sort de la famille ne peut pas s’attendre à ce que tous ses devoirs disparaissent et que ses privilèges soient maintenus », a-t-elle assuré devant le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand.
Alors que le Royaume-Uni a essayé lundi de rassurer les marchés sur sa capacité à surmonter la crise née du vote pour un « Brexit » et a vu la note de sa dette abaissée, l’Allemagne, la France et l’Italie ont annoncé leur volonté de donner une « nouvelle impulsion » au projet européen. Il s’agit aussi d’éviter une contagion à d’autres pays qui auraient des velléités de quitter l’Union.
Consensus européen sur le calendrier du « Brexit »
Lors de la première session du Parlement britannique depuis le vote sur le « Brexit », David Cameron a répété lundi qu’il n’entendait pas se faire dicter le calendrier de sortie de l’UE, tandis que le jour même l’Allemagne, la France et l’Italie – les trois économies les plus importantes de la zone euro – excluaient toute négociation avec Londres, tant que la demande de sortie de l’Union n’aurait pas été formalisée. Ils semblent finalement parvenus à un consensus et Mme Merkel s’est mise au diapason de Paris et de Rome, après avoir donné le sentiment de vouloir laisser du temps à Londres pour gérer cette nouvelle situation. Elle répète dorénavant qu’il faut « veiller à ce que les choses ne traînent pas en longueur ». Les règles européennes prévoient en effet que le candidat à la sortie doit demander de quitter l’UE et ce avant de pouvoir négocier ses nouvelles relations avec les membres restant.
Il faut donc que Londres assume maintenant le « Brexit ». Car c’est bien à Londres que revient l’initiative d’activer la « clause de retrait » de l’Union, prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne, en notifiant sa volonté au président du Conseil européen, Donald Tusk. Le processus du divorce est alors irréversible, insiste-t-on à Bruxelles. Le Royaume-Uni n’a que deux ans pour couper ses liens en myriade avec l’UE, et pour négocier une nouvelle relation commerciale et politique, probablement moins avantageuse que celle dont il jouissait jusqu’alors.
« Explications » attendues de Cameron
Le dîner de mardi sera consacré au Brexit avec les « explications » du premier ministre britannique, David Cameron. « Quelques principes devraient ressortir de cette discussion : prendre acte du résultat du référendum, insister sur le fait que dans cette situation le traité de Lisbonne définit un cadre juridique ordonné », à savoir la « clause de retrait » (article 50), a souligné un diplomate de haut rang.
Le lendemain, au petit déjeuner, le président du Conseil européen, Donald Tusk, réunira de façon « informelle » les 27 autres dirigeants afin de discuter des conséquences de la séparation britannique et de l’avenir des relations avec le Royaume-Uni.
« Je regrette personnellement que le Royaume-Uni ne soit plus à la table des discussions quand il y aura un dialogue Etat-Unis-UE », a pour sa part déclaré le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, en visite à Londres. Il avait plus tôt appelé les Européens à « ne pas perdre la tête ».
Boris Johnson adoucit le ton face à l’Europe
Quant au chef de file des partisans du Brexit, Boris Johnson, qui ambitionne de succéder à David Cameron, il a opté pour un ton inhabituellement conciliant vis-à-vis de ses adversaires d’hier, martelant que le Royaume-Uni faisait « partie de l’Europe » et que la coopération avec ses voisins allait « s’intensifier ».
Il a réaffirmé que la sortie de l’UE n’interviendrait « pas dans la précipitation », tandis que la presse britannique assurait que, face à l’ex-maire de Londres, la ministre de l’intérieur, Theresa May, devrait incarner la candidature « anti-Boris » au sein du Parti conservateur pour le poste de premier ministre.
Le ministre des finances, George Osborne, a pour sa part fait savoir dans le Times de jeudi qu’il n’était pas le bon candidat pour diriger le parti, puisqu’il avait fait campagne pour le maintien dans l’UE.
Signe d’un Brexit qui a du mal à passer chez une partie des Britanniques, en particulier les jeunes, une pétition réclamant l’organisation d’un deuxième référendum dépassait lundi soir 3,8 millions de signatures. Et une manifestation est prévue mardi en fin de journée à Trafalgar Square pour protester contre le résultat du référendum. Cependant Londres exclut fermement la possibilité d’un deuxième référendum.
lemonde.fr