Ce vice-président du conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) et porte parole de la société civile dans le dialogue politique inter-guinéen qui a abouti aux accords du 12 octobre dernier s’est exprimé dans une interview qu’il a accordée à Afrinews.org et Aminata.com ce lundi 31 novembre 2016.
Au cours de cet entretien Docteur Alpha Abdoulaye Diallo a parlé entre autres, du récent accord politique, du mouvement “Debout citoyen” créé par Dansa Kourouma et Cie contre cet accord, l’appel qu’il a récemment lancé à ses pairs de la société civile, ses relations avec le président du CNOSC-G.
Nous vous proposons l’intégralité:
Lors de votre récente rencontre avec les médias à la maison de la presse, vous avez demandé à la société civile notamment à vos pairs du CNOSC-G d’assumer la responsabilité de la signature que vous avez apposée à leur nom dans l’accord politique. Soyez un peu explicite.
Effectivement, j’ai organisé ce point de presse pour non seulement remercier les médias dans l’accompagnement dont les représentants de la société civile ont fait l’objet pendant tout ce dialogue parce que durant les onze jours de discussion, la presse a été toujours présente pour qu’on puisse faire le compte rendu aux citoyens. Ensuite, pour rappeler les contours, les démarches mais aussi toutes les activités qui ont véritablement facilité l’obtention du consensus qui résulte de ces accords du 12 octobre 2016. J’ai rappelé l’énorme sacrifice que les uns et les autres ont consenti pour fédérer les énergies qui étaient au sein de ce dialogue. Mais aussi rappeler que tout cela a été obtenu pour le prix de la paix, la quiétude sociale, la cohésion sociale mais aussi la stabilité politique et économique de notre pays. Parce qu’un accord politique est toujours à minima. Les parties viennent avec des positions mais c’est à travers le dialogue qu’elles peuvent lâcher certaines choses au profit d’autres. C’est ce qui fait la beauté du dialogue. C’est important pour nous, acteurs de la société civile qui avons participé à ce dialogue et apposé notre signature aux accords suite à un large consensus, d’assumer notre responsabilité devant l’histoire.
Si vous leur dites d’assumer, cela veut dire qu’il y a des voix qui sont contre?
Le CNOSC-G a un bureau national qui est décliné au niveau des différents démembrements dans les régions et les préfectures. Avant de signer, nous avons consulté toutes ces structures. C’est en toute responsabilité qu’ils nous ont mandatés pour leur représenter et signer ces accords en leur nom. Nous ne nous occupons pas des agissements d’individus. Des individus peuvent agir à leur guise mais ce qui importe ici c’est l’esprit de consensus qui s’est dégagé et c’est la voix du bureau qui compte. C’est pourquoi, j’ai lancé l’invite pour que nos collègues de la société civile puissent vraiment assumer la responsabilité de cette signature mais aussi en cas de recours, d’utiliser les voies légales.
Vous avez participé à ce dialogue au nom du CNOSC-G, par la suite votre président Dansa Kourouma créé un mouvement dénommé “débout citoyen” contre cet accord. Comment expliquez-vous cela?
La position de la structure est de signer les accords et assumer. Le bureau ne se résume pas à ma personne ou à la personne du président mais c’est la vision globale qui compte dans un bureau parce qu’il y a plusieurs têtes, plusieurs pensées, plusieurs compréhensions mais c’est l’esprit de consensus au sein du bureau qui compte. Depuis que j’ai publié le rappel à l’ordre, j’ai reçu beaucoup d’appels de nos démembrements à l’intérieur du pays qui m’ont félicité et signifié leur adhésion totale à cet accord. Ils m’ont dit que la communication permet de restaurer la confiance parce qu’eux, ils avaient commencé à douter, à s’inquiéter. Je crois que la communication que j’ai faite reprécise les choses et rappel à l’ordre. Maintenant, les agissements des uns et des autres, en tout cas pour ma part je demande que cela suivent les principes légaux et les règles générales qui sont fixées parce que les lois ont tout prévu dans ce pays. Les débats citoyens et politiques, on ne peut pas les interdire mais il faut que cela soit respectueux des voies légales.
D’aucuns disent que le courant ne passe pas entre vous et Dansa Kourouma parce que vous avez tenu un point de presse auquel il n’a pas été associé. Qu’en dites-vous?
Je ne vais pas dire que le courant ne passe pas entre le président et moi parce qu’on échange régulièrement. Le président Dansa Kourouma m’a donné raison sur l’organisation et le contenu de la conférence de presse que j’ai animée. Tout le monde peut se tromper mais le fait de se tromper n’est pas le problème. Si on arrive à faire un manquement et on revient à la raison, il n’y a pas de périr en la demeure.
Aujourd’hui, beaucoup dénoncent le point de l’accord politique qui concerne la nomination des chefs de districts et quartiers par les formations politiques. En tant qu’acteur du récent dialogue, quel est votre point de vue?
En partant à ce dialogue, chacun a une position. La société civile avait une position. Chaque partie avait des positions tranchées en matière de valeur et de principe mais ce qui est important, c’est le consensus qui est obtenu. Mais si on cherchait à prendre les désidératas de chaque individu par rapport à l’accord, on ne pouvait pas terminer avec un accord. Chacun va lâcher une partie de sa position au profit de l’autre pour se rapprocher. L’un est à un point A et l’autre à un point B, ils marchent pour se rencontrer. C’est cela le dialogue. Le dialogue ne veut pas dire “camper sur ses positions”. Moi, ce n’est pas ma position personnelle qui compte mais l’intérêt général. Je travaille pour privilégier l’intérêt général. Si on considère l’intérêt personnel de chaque individu dans ce pays, on ne peut pas avancer. Et même la loi c’est un consensus général parce qu’elle passe à l’assemblée nationale. Il y a peu de lois qui passent sans contestation, sans abstention. Nous avons voté pour des députés qui sont à l’assemblée. Laissons-les faire ce travail-là. Et si on a des observations à faire ou des améliorations à apporter, faisons-les et déposons à l’assemblée. Laissons l’assemblée voter nos lois en toute indépendance conformément à la démocratie à laquelle nous avons choisie.
Aujourd’hui, est-ce que vous regrettez d’avoir signé ce document vu le tollé que cela a suscité dans la cité?
Je peux dire que c’est l’un des actes les plus salutaires que j’ai posé. Travailler pour son pays, travailler dans un secteur comme la société civile et arriver à ce niveau c’est vraiment une bonne chose. Ma présence à ce dialogue m’a permis de côtoyer les hommes politiques et même d’influencer la position de certains pour le prix de la paix. Ça, c’est quelque chose de salutaire. C’est une expérience unique. J’avoue qu’en signant cet accord, certains même disent que je souriais mais bien sûre, je me réjouissais de cette signature. J’étais content, très heureux de signer cet accord parce que ça fait parti de l’histoire de ce pays. Je pense qu’il faut s’assumer. On ne peut pas faire une chose et son contraire. Moi, j’ai appris à être constant dans mes propos, dans mes faits. C’est ce que je fais.
Ces bisbilles ne seraient-ils pas liés à un problème d’intérêt personnel? Des sources ont fait savoir que certains veulent aller à la CENI et des personnes qui sont au sein de cette institution protégeraient leur poste.
J’avoue que ma position sur la CENI est claire. Dans la constitution guinéenne, il est dit que cette institution est dirigée par une personne venue de la société civile. Ce qui reste clair, le problème de place ou de poste a toujours préoccupé les gens dans ce pays. C’est pourquoi, il faut que l’intérêt général soit mis en avant au détriment de l’intérêt personnel. Tant qu’on n’arrivera pas à cela dans ce pays, on ne pourra pas avancer. Le pouvoir est devenu un moyen d’acquisition des biens. Ailleurs, les gens refusent les postes de responsabilité parce que plus tu as des responsabilités, plus tu as des contraintes. Les gens courent vers les postes parce que c’est devenu un moyen d’acquisition de richesse. Je crois que nous devons inverser cette tendance. Dès qu’un poste est en jeu, on voit combien de fois les gens sautent sur la proie. Ce qui est important, c’est de doter à la Guinée d’instruments juridiques capables de nous dispatcher des crises répétitives. Qu’on ait un code électoral bien toiletté, qu’on ait une loi consensuelle sur la CENI et un fichier électoral consensuel et qu’on ait des hommes capables de conduire cette institution en toute légitimité.
Si les divergences persistaient, est-ce qu’on peut s’attendre à votre démission?
Il n’en est pas question. J’ai été élu par mes pairs de la société civile. Ce qui nous différencie des députés, c’est du fait qu’ils sont élus aux suffrages universels. Nous sommes élus par nos membres qui sont à Conakry mais aussi à l’intérieur du pays. Pour le moment, il n’est pas question de démissionner. Ce n’est pas à l’ordre du jour et ce n’est pas dans mes projets.
Vu tout ce qui se passe actuellement, est-ce qu’il n’y a pas à craindre un éclatement du CNOSC-G ?
Je ne pense pas qu’on puisse en arriver-là. Il y a des ressources à l’interne. Le CNOSC-G ne se résume pas à un individu encore moins à ma personne. Il y a des personnes ressources dans le CNOSC-G qui ne sont pas peut être connu du grand public mais qui font du bon travail. Ces ressources vont beaucoup renforcer la cohésion au sein du groupe. Ça sera une grosse erreur de notre part de trahir la confiance que nous ont accordée nos mandants à la base. Actuellement, le CNOSC-G regroupe 5000 organisations. Ces gens sont en train de travailler nuit et jour à l’intérieur du pays. Je me dis que les gens qui tirent à boulets rouges sur la société civile à Conakry, ils font du tort à des milliers de personnes qui y travaillent sincèrement. Le plus souvent, les accusations sur la société civile ne sont pas fondées parce que tantôt c’est le pouvoir qui dit que la société civile roule pour l’opposition, tantôt ce sont les opposants qui disent que nous roulons pour le pouvoir. Mais nous ce qui nous intéresse, c’est la défense des citoyens, la paix, la sécurité, la cohésion pour que tout guinéen puisse vivre dans la tranquillité. Aujourd’hui, on dit que 70% des guinéens n’ont pas été à l’école ou ont abandonné au niveau inférieur. Aussi longtemps qu’on n’inversera pas cette tendance, la citoyenneté va souffrir en Guinée.
Qu’est-ce que vous avez à ajouter pour clôturer notre entretien?
J’appelle les citoyens guinéens à un esprit de discernement parce qu’aujourd’hui, il y a des personnes qui sont professionnelles en manipulation de la conscience citoyenne. Faire beaucoup attention pour éviter de tomber dans des pièges. La majeure partie des guinéens aujourd’hui souhaitent la paix, la cohésion sociale, la sécurité pour qu’on puisse se tourner vers le développement de ce pays.
Interview réalisée par Abdoulaye Maci Bah et Mamadou Aliou Barry
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