Des milliers de personnes ont manifesté mardi au Niger contre Boko Haram, dont les assauts ne semblent pas faiblir dans la région du Lac Tchad malgré la coalition régionale mise en place contre le groupe islamiste armée nigérian.
“Le Niger sera le tombeau de Boko Haram”, a martialement déclaré le président nigérien Mahamadou Issoufou devant des milliers de personnes à Niamey, qui ont défilé à l’appel de la coalition au pouvoir, alors que le sud-est du pays, frontalier du Nigeria, a été la cible de plusieurs attaques sanglantes de Boko Haram depuis début février.
La veille de ces rassemblements inédits dans plusieurs villes du Niger, les islamistes nigérians ont provoqué une “série d’accrochages” meurtriers avec l’armée dans l’extrême-nord du Cameroun.
Ils ont surtout frappé lundi soir dans leur fief de l’État de Borno au Nigeria, où plusieurs centaines d’entre eux ont attaqué la localité d’Askira Uba, provoquant la fuite de milliers d’habitants apeurés.
Au Niger, l’heure est à la mobilisation de la population: outre Niamey, les marches se sont déroulées dans la plupart des grandes villes du pays, d’Agadez (nord) à Zinder (sud) en passant par Maradi (centre), selon des habitants contactés par l’AFP, avec l’objectif pour le pouvoir de souder le peuple autour de son armée, engagée contre le groupe armé.
La coalition de l’opposition nigérienne, l’ARDR, n’a pas participé à la marche. Lundi soir, son porte-parole Ousseini Salatou avait estimé que cette marche n’avait “pas pour but de soutenir les Forces de défense et de sécurité mais de redorer le blason du président de la République qui a été écorné” durant les meurtrières manifestations anti-Charlie de janvier.
– ‘Aide d’urgence’ –
Lundi, les pays d’Afrique Centrale, réunis à Yaoundé pour élaborer une stratégie de lutte contre Boko Haram, se sont engagés à apporter une “aide d’urgence” d’un montant de 50 milliards de francs CFA (75 millions d’euros) ainsi que des soutiens en “troupes”, en “équipements militaires” et des “appuis aériens” aux pays qui combattent Boko Haram.
Le 7 février, les pays de la région, déjà réunis à Yaoundé, s’étaient engagés à mobiliser 8. 700 hommes dans une force multinationale contre le groupe islamiste.
L’insurrection islamiste, qui a proclamé un califat dans les territoires qu’il contrôle au Nigeria et qui affiche sa proximité idéologique avec Al-Qaïda et le groupe État islamique, dure depuis 2009 et a fait plus de 13. 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria.
L’armée nigériane s’est montrée incapable d’enrayer cette insurrection, qui est devenue un enjeu majeur des élections présidentielle et législatives prévues fin mars, menaçant de coûter sa réélection au président Goodluck Jonathan.
Les pays d’Afrique Centrale ont d’ailleurs encouragé lundi “particulièrement” le Nigeria “à accroître les synergies avec les autres pays du bassin du Lac Tchad”, les armées tchadiennes et camerounaises étant en pointe dans la lutte, récemment rejointes par l’armée nigérienne.
Les bilans officiels annoncent de lourdes pertes pour Boko Haram: 86 islamistes tués pour seulement cinq soldats morts au Cameroun lundi, 200 morts côté Boko Haram pour 7 tués parmi les forces de sécurité dans les différents combats au Niger.
Les autorités camerounaises ont affirmé lundi détenir à Maroua (nord) “plus de 1. 000” combattants suspectés d’être liés à Boko Haram, tandis que la police nigérienne faisait état le même jour de 160 suspects arrêtés dans la région de Diffa, et plusieurs dizaines d’autres interpellées à Zinder, à 400 km de là, où 10. 000 habitants de Diffa ont fui, selon les autorités locales.
Mais pour Ryan Cummings, analyste pour la société de conseil en risques Red24, ces bilans triomphaux pourraient être largement exagérés.
Les victimes côté Boko Haram peuvent aussi être des membres de milices locales d’autodéfense qui, lassées des exactions des insurgés, se sont organisées pour lutter contre Boko Haram, explique en substance l’analyste.
Dans sa dernière attaque en date au Nigeria, Boko Haram a rasé la localité de d’Askira Uba, dans le nord-est du Nigeria, incendiant des habitations et des bâtiments publics et poussant des milliers d’habitants à fuir, ont rapporté mardi des témoins. Aucun bilan des victimes n’est connu.
Askira Uba est située à 25 km de Chibok, où Boko Haram avait enlevé 276 lycéennes en avril 2014 – dont plus de 200 sont toujours détenues – suscitant une indignation internationale.
D’après un habitant en fuite, Aliyu Abdullahi, les habitants ont demandé l’aide de troupes stationnées à Chibok mais les soldats “ont refusé de venir”.
L’armée nigériane a de son côté affirmé lundi avoir repris la ville-garnison de Monguno (État de Borno), une cité stratégique tombée le 25 janvier aux mains de Boko Haram.
AFP