L’enquête progresse au Mali après l’attaque de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 20 novembre. Appuyés par des experts français et l’ONU, les autorités maliennes ont mené des perquisitions pour débusquer les complices des auteurs de l’attentat qui a fait au moins 22 morts. Le point sur l’enquête.
Les drapeaux sont en berne à Bamako où la sécurité a été ostensiblement renforcée aux abords des grands hôtels, et plus discrètement devant des mairies d’arrondissement et des banques. Le deuil national de trois jours se poursuit dans tout le pays, mais aussi au Sénégal, en Mauritanie et en Guinée, en mémoire des victimes.
Après le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, président en exercice de la Cédéao, le président béninois, Thomas Yayi Boni, s’est rendu lui aussi lundi à Bamako ainsi que le Premier ministre burkinabè, Yacouba Isaac Zida, pour marquer leur soutien au Mali.
Parallèlement aux manifestations internationales de solidarité, l’enquête se poursuit, en collaboration avec des éléments de la police française et de la Minusma. Voici ce qu’il faut retenir des investigations à ce stade.
« Deux terroristes, pas plus », selon le procureur
« Vingt personnes ont péri dans cette attaque avec prise d’otages vendredi, outre les deux assaillants », a affirmé lundi 23 novembre au soir le procureur chargé de l’enquête à la télévision publique malienne.
« Tous les témoins s’accordent pour dire qu’il y avait deux terroristes, pas plus. Je suis catégorique », a assuré Boubacar Sidiki Samaké, alors que certains clients de l’hôtel et l’un des groupes jihadistes qui a revendiqué l’attentat ont fait état d’un chiffre supérieur de participants. Dans le hall de l’hôtel, les enquêteurs ont mis la main sur une valise contenant des grenades et appartenant aux assaillants, a également indiqué le procureur.
La télévision publique, l’ORTM, a diffusé des photos de deux hommes noirs, apparemment morts, présentés comme les assaillants tués, avec un numéro d’appel pour des témoignages les concernant. Des spécialistes français en criminologie sont arrivés pour aider à l’identification des corps. La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) participe aussi à l’enquête.
Des rescapés de la prise d’otages ont affirmé avoir entendu, sans les voir, les assaillants se parler en anglais, sans pouvoir identifier leur accent.
Des complicités locales
« L’enquête avance », a encore assuré le procureur Samaké. Les assaillants ont « bénéficié de complicités pour venir à l’hôtel » mais aussi « pour commettre le forfait », a-t-il assuré.
D’après une source au sein du renseignement malien, les deux assaillants tués n’étaient « pas seuls », c’étaient « bien des étrangers » à la peau noire – de nationalité indéterminée – que « trois à quatre complices » locaux auraient aidés avant leur opération. Au moins trois suspects, complices présumés, étaient activement recherchés, selon le procureur. Mais on ne sait pas encore avec certitude si ces derniers ont été vus ou non le jour de l’attentat au Radisson.
Deux revendications
L’attentat a été revendiqué le jour même par le groupe jihadiste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitoune, « avec la participation » d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Contrairement aux intuitions des enquêteurs, un porte-parole d’Al-Mourabitoune a laissé entendre dimanche 22 novembre que les deux assaillants étaient maliens, en les identifiant par le nom « al-Ansari » qui désigne dans la terminologie jihadiste des combattants autochtones.
Un groupe jihadiste du centre du Mali, le Front de libération du Macina (FLM), a également revendiqué dimanche l’attentat. Selon lui, il a été exécuté « avec la collaboration d’Ansar Eddine », groupe jihadiste d’Iyad Ag Ghaly, par un commando de cinq membres dont « trois sont sortis sains et saufs ». Une collaboration entre plusieurs groupes terroristes n’est pas à exclure, même si la double revendication vise peut-être avant tout à brouiller les pistes. L’attaque s’est en tout cas déroulée le jour où avait lieu, à N’Djamena, une importante rencontre des chefs d’État du G5 Sahel visant à officialiser la création d’une force internationale conjointe.
Belmokhtar ou Ag Ghali, même combat
Dans un entretien avec l’AFP, le chef de la Minusma, Mongi Hamdi, a estimé que « les terroristes sont très bien implantés au Mali malgré les efforts » pour les mettre hors d’état de nuire depuis l’intervention internationale lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France.
Selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, Mokhtar Belmokhtar, régulièrement donné pour mort, est toujours vivant. « Il circule », a-t-il dit au sujet du jihadiste algérien réputé séjourner en Libye.
« Tous les jihadistes ont pour colonne vertébrale Mokhtar Belmokhtar. Iyad Ag Ghali est le coordinateur au Mali. Selon la mission, un nom de groupe est utilisé mais les acteurs restent sensiblement les mêmes », a affirmé une source au sein du renseignement malien.
AFP