Nairobi- Les islamistes somaliens shebab, qui ont revendiqué l’attaque du Westgate à Nairobi, ont affirmé mardi détenir encore des otages “vivants” dans le centre commercial jonché d’un nombre “incalculable” de cadavres.
La police kényane a annoncé de son côté mardi à la mi-journée sur Twitter qu’elle était en train de désamorcer des explosifs placés par des islamistes lors de leur sanglant assaut contre le centre commercial Westgate à Nairobi.
“Les otages qui sont détenus par les moujahidines à l’intérieur du Westgate sont toujours vivants, choqués mais néanmoins vivants”, ont écrit les insurgés shebab, liés à Al-Qaïda, sur leur compte Twitter.
Toujours sur Twitter, ils ont ajouté qu'”il y a un nombre incalculable de cadavres éparpillés” dans le bâtiment pris d’assaut samedi par un commando armé de 10 à 15 personnes, selon les autorités.
La déclaration des islamistes est crédible, tous les corps n’ayant pu être évacués depuis le début du raid. Elle fait craindre un bilan bien plus élevé que les 62 morts annoncés officiellement pour le moment, avec presque autant de personnes portées disparues.
Les autorités ont également fait état de près de 200 blessés parmi les employés et la clientèle cosmopolite qui se pressait samedi, comme tous les week-ends, pour faire du shopping.
Lundi soir, le gouvernement kényan avait affirmé que tous les otages piégés dans le bâtiment avaient probablement été secourus. Le gouvernement a ajouté que ses forces contrôlaient le Westgate et qu’elles passaient au peigne fin les étages sans rencontrer de résistance.
Mais les affrontements ont repris mardi à l’aube, lorsqu’une explosion et des coups de feu sporadiques ont retenti brièvement, suivis quelques heures plus tard par un échange, bref mais intense, de tirs d’armes automatiques dans ou tout près du bâtiment.
Des sources de sécurité ont indiqué qu’elles combattaient toujours “un ou deux” assaillants, localisés à l’intérieur ou à côté d’un casino situé dans les étages.
De son côté, la ministre kényane des Affaires étrangères, Amina Mohamed, a déclaré lundi soir sur PBS la présence au sein du commando de deux ou trois Américains et d’une Britannique.
D’après la ministre, cette Britannique a déjà commis des actes similaires “à de nombreuses reprises”. La police kényane avait affirmé plus tôt suspecter la Britannique Samantha Lewthwaite, veuve d’un des kamikazes des attentats du 7 juillet 2005 à Londres, d’être “impliquée”. Londres a refusé de commenter l’information.
Quant aux Américains, a précisé la ministre, ce sont “de jeunes hommes, entre 18 et 19 ans (…) d’origine somalienne ou arabe, mais qui vivaient aux Etats-Unis”.
La Cour pénale internationale (CPI), qui poursuit actuellement le président et le vice-président kényans pour crimes contre l’humanité, a proposé son aide mardi en vue de poursuivre les responsables de l’attaque.
Selon les autorités kényanes, trois assaillants ont été tués et 11 soldats kényans blessés lundi. Le carnage a été revendiqué par les shebab somaliens, auxquels est lié le commando, qui disent agir en représailles de l’intervention militaire kényane en Somalie lancée fin 2011.
Plus de dix suspects arrêtés
Les forces de sécurité ont lancé plusieurs assauts pour tenter de venir à bout du groupe armé, qui selon elles comptait initialement 10 à 15 membres.
Lundi à la mi-journée, de fortes explosions et des “tirs nourris” avaient déjà retenti dans le Westgate dévasté, avant que d’épais nuages de fumée noire ne s’en échappent.
Dans la journée, un membre des forces spéciales kényanes ayant participé aux combats avait raconté la difficulté de l’intervention, parlant d’une partie de “cache-cache” avec les islamistes dans les magasins du vaste centre commercial.
Par ailleurs, selon le ministère de l’Intérieur, plus de 10 suspects ont été arrêtés “pour interrogatoire”, sans plus de détail. Samedi, au moment de l’attaque, ce centre commercial de luxe, détenu en partie par des Israéliens, était bondé de Kényans – clients et employés – et d’expatriés de toutes nationalités.
Selon une source sécuritaire, des agents israéliens sont intervenus sur place aux côtés des Kényans. Dimanche en fin de journée, le président kényan Uhuru Kenyatta avait indiqué avoir reçu des offres d’aide de plusieurs “pays amis”, assurant néanmoins que l’opération restait pour l’instant une “opération kényane”.
Plusieurs étrangers, dont deux Françaises, six Britanniques, un Sud-Africain, une Sud-Coréenne, une Néerlandaise, un Péruvien, deux Indiens et deux Canadiens ont été tués dans l’attaque, ainsi qu’un célèbre poète et homme d’Etat ghanéen, Kofi Awoonor. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier à Nairobi depuis une attaque suicide d’Al-Qaïda en août 1998 contre l’ambassade des Etats-Unis, qui avait fait plus de 200 morts.
Des intérêts israéliens au Kenya ont déjà été la cible d’attaques revendiquées par Al-Qaïda: en 2002, un attentat suicide contre un hôtel fréquenté par des touristes israéliens avait tué 12 Kényans et trois Israéliens près de la ville côtière de Mombasa. Presque simultanément, un avion de la compagnie israélienne El Al avec 261 passagers à bord avait échappé de peu aux tirs de deux missiles à son décollage, également à Mombasa.
Unité face à la crise
Selon des témoins, les agresseurs ont “tiré dans le tas” samedi à Westgate. D’après un employé du centre commercial, Titus Alede, “ils ont dit +vous avez tué notre peuple en Somalie, c’est à votre tour de payer+”.
Dans une capitale connue comme le “hub” de l’Afrique de l’Est, où vivent de nombreux expatriés rayonnant dans toute la région, le Westgate était régulièrement cité par les sociétés de sécurité comme une cible possible de groupes liés à Al-Qaïda comme les shebab. Ouvert en 2007, le bâtiment compte restaurants, cafés, banques, un grand supermarché et un cinéma multiplexe qui attirent des milliers de personnes chaque jour.
Le président américain Barack Obama a déploré lundi “une terrible tragédie” et offert son aide au Kenya.
La classe politique kényane a elle appelé à l’unité face à la crise.
Et le vice-président William Ruto a obtenu de la CPI de pouvoir rentrer dans son pays pour gérer la situation. Il comparaît depuis le 10 septembre à La Haye pour son rôle présumé dans les violences politico-ethniques ayant suivi les élections kényanes de 2007 et fait plus de 1.000 morts.
AFP