INTERVIEW : “Pourquoi, des journalistes disent-ils 25 fois “comme le Pr Alpha Condé a dit” ‘

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En tant que journaliste, Odilon Théa a passé 33 ans dans les couloirs de la Voix de la révolution, puis de la Radiodiffusion télévision guinéenne (RTG). Autant dire qu’il s’agit avant tout d’un doyen pétri d’expériences. Une moisson qu’il a bien voulu partager cette semaine avec les lecteurs de GCI, à travers l’interview exclusive qu’il nous a accordée. Des années qu’il a passées au sein de la Voix de la révolution, il garde le souvenir d’une période durant laquelle la richesse matérielle passait après le souci lié à la qualité du travail. Selon lui, c’est même la différence fondamentale d’avec la nouvelle génération de journalistes guinéens qui, à ses yeux, se préoccupant avant tout de leur enrichissement matériel personnel , manqueraient d’imagination et d’initiatives. Même s’il assume le fait que lors du premier régime, la pratique journalistique était régie par une indépendance dont le sens épousait le contexte de l’époque,…

Même s’il assume le fait que lors du premier régime, la pratique journalistique était régie par une indépendance dont le sens épousait le contexte de l’époque, Odilon Théa pense néanmoins avoir exercé son métier conformément à l’éthique et à la déontologie; à force d’avoir fait violence sur lui-même. Intégrant pleinement le statut social qui est le sien, il dit vouloir se battre pour conserver son autonomie, afin d’éviter de tomber sous le coup de l’assistanat social. Instructif.

GuinéeConakry.Info : Voulez-vous nous retracer brièvement votre parcours à la Radiodiffusion nationale ‘

Odilon Théa : D’abord, voici comment je suis arrivé à la radiodiffusion nationale. A l’époque, on l’appelait “La Voix de la Révolution”. Après mon lycée, j’avais voulu être médecin. Mais ce désir n’a pas pu être réalisé, tout simplement parce qu’à l’époque, on nous a choisis pour constituer une génération de journalistes devant remplacer la vieille génération qui devait partir, sans qu’il y ait une relève. Pour éviter ce vide, on a pensé faire une génération de journalistes pour remplacer ceux qui devaient partir. Et je fis partie de ceux qui ont été choisis dans cet objectif. On avait alors créé à Conakry, en 1963, une Ecole nationale des journalistes, qui avait son emplacement à l’endroit où se situe aujourd’hui le ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, à côté du Centre culturel franco-guinéen. On a alors fait venir des professeurs de la Suisse. Sur la base d’un test, neuf personnes ont été retenues, dont moi-même. Et voilà comment je me suis lancé dans ce métier.

Après une brève formation à Conakry avec les professeurs qui étaient venus, comme je le disais plus haut, de la Suisse dans les deux aspects du journalisme, à savoir l’audiovisuel et la presse écrite, nous avons été soumis à un autre test à l’issue duquel nous sommes allés en Suisse. Quatre devaient y poursuivre la formation pour la radio et les cinq autres dans le cadre de la presse écrite. En fait, le test avait pour but de nous repartir entre la radio et la presse écrite. Et moi, j’ai eu le bonheur d’aller du côté la radio.

GCI : Vous dites le bonheur… ‘

O.T : Oui, parce que finalement ça m’a plutôt réussi. Sans quoi, je n’avais jamais imaginé que j’allais “speaker” à la radio.

GCI : Peut-être que si vous étiez allé dans la presse écrite, ça vous aurait également réussi ‘

O.T : Probablement, ça aurait réussi, ça aussi. Parce qu’évidemment, durant notre formation, nous produisions des articles qu’on diffusait aussi bien à la radio que dans la presse écrite. La plupart de mes articles ont été choisis pour être publiés dans “Horoya”. Dont notamment un reportage sur l’usine Friguia-Kimbo. Je me souviens de ça.

GCI : Et qu’est-ce qui s’est passé ensuite, une fois en Suisse ‘

O.T : Alors nous sommes partis en Suisse, à l’université de Fribourg, où nous avons eu une formation beaucoup plus prononcée avec les mêmes professeurs. La formation théorique terminée, faisant partie de ceux qui avaient été choisis pour faire la radio, je suis allé faire mon stage à Radio-Genève, actuelle TSR (Télévision suisse romande). Parallèlement, une fois par semaine, nous faisions partie de la rédaction et de la présentation du journal “Le miroir du monde”, qui passait à l’époque sur une autre radio à Lausanne. Une fois ce stage terminé, j’ai été encore envoyé à Berne, à la Radio Suisse Internationale. C’est là que j’ai fait mon dernier stage pendant six mois. Au bout de ces six mois, je suis revenu à Conakry où j’ai tout naturellement servi comme rédacteur et présentateur à La Voix de la Révolution. Je faisais partie de la rédaction politique, comme on dit aujourd’hui.

GCI : Comment expliqueriez-vous, que vous qui vouliez faire la médecine, vous vous soyez finalement retrouvé comme journaliste ‘

O.T : A vrai dire, je voulais être médecin parce que tout simplement, quand j’étais gosse, à l’école primaire, nous recevions de temps en temps des infirmiers. A l’époque, on parlait des infirmiers tripano. Ils venaient pour procéder à des vaccinations. J’ai été impressionné par le fait que quand ils venaient dans un village, ils étaient célébrés. Il y a avait une certaine atmosphère autour de leur arrivée et de leur présence. Alors, moi aussi je me suis dit “tiens, un jour je vais être comme celui-ci”. J’ai été séduit. Malheureusement, à la longue je ne suis plus allé de ce côté-là. En fait, au tout début, je me disais que je veux être infirmier parce que je ne savais pas qu’on pouvait aller au-delà de l’infirmier. Et quand je suis arrivé au collège et au lycée, je me suis dit que finalement je voudrais être médecin.

Mais par la force des choses, alors que nous étions au lycée classique de Donka, on a estimé que nous étions peut-être aptes pour faire ce métier. Et quand je suis allé, je me suis dit “au fond, pourquoi pas ‘”. Voilà comment je suis resté et je dois avouer que ça m’a quand même assez réussi. Jusqu’à aujourd’hui, je bénéficie encore d’une certaine admiration, même si je suis à la retraite.

GCI : Aujourd’hui encore, on évoque votre génération avec une certaine nostalgie. On a tendance à établir une règle générale, selon laquelle cette vieille génération de la Voix de la révolution, est toujours meilleure que la nouvelle. A votre avis, quelles sont les caractéristiques et autres aptitudes particulières qui justifient que vous méritiez de cette admiration des années et des années après ‘

O.T : Il n’y avait pas d’aptitudes particulières. C’est tout simplement qu’à l’époque, nous n’avions à l’idée que de faire notre travail. Nous ne nous préoccupions pas de savoir ce que ça allait nous rapporter. La rémunération, c’est quoi ‘ Evidemment, on nous payait. Mais on avait plus peur d’échouer que de gagner de l’argent. Parce que vous devez vous imaginer que ce n’est pas tout le monde qui a le privilège de parler à la radio nationale, l’unique; et surtout à la Voix de la révolution ! Alors quand vous êtes là, je crois que vous avez plus le sentiment de réussir à votre travail que d’accumuler de l’argent. Donc, c’est certainement ce qui a fait que nous étions plus attachés à bien faire le boulot qu’à penser à une réussite comme on entend aujourd’hui: “il a bien réussi dans la vie”. On n’avait pas tellement ce sentiment là. On ne tendait que vers ça !

Or, aujourd’hui, on constate qu’avec la jeune génération, on dit que c’est le monde de la vitesse. Tout le monde est pressé. Chacun veut être vraiment à l’aise. Alors, aujourd’hui, les gens mettent de côté le travail bien fait, et ont plutôt un penchant pour l’acquisition matérielle. De ce point de vue, il y a un clivage net entre notre génération et celle d’aujourd’hui.

Naturellement, le monde a changé. Il faut l’accepter. Ce n’est pas moi qui vais réinventer le sens de la roue. Mais aujourd’hui, quand vous allez par exemple dans la cour de la RTG, vous voyez des gens qui ne sont peut-être pas très célèbres, mais qui sont dans des 4×4. Je ne dis pas ça par envie. Non ! Ça me laisse de glace. Mais on sent qu’ils ont plus envie d’être vus, que d’être appréciés par leur travail. Et ça, c’est la différence fondamentale entre cette génération et la nôtre.

Ceci dit, je ne dis pas que tous sont dans ce cadre, mais la tendance aujourd’hui est que les gens “veulent vraiment être à l’aise”. Qui veulent être à la mode comme un médecin, comme un informaticien, etc. Il ne faut pas qu’on dise “mais, lui il n’est qu’un journaliste”. Donc, je crois que les gens ont le sentiment là, d’être un peu au diapason des autres dans le domaine de l’aisance.

GCI : De la même façon, on parle souvent de cette ancienne génération de la Voix de la révolution comme si tout était rose pour vous les journalistes qui y travailliez. Etait-ce le cas ‘ Ne rencontriez-vous pas de difficultés ‘

O.T : Mais naturellement. Rien n’est jamais rose finalement. On avait des difficultés. Mais ce qui était clair, c’est que le fait d’être sur les antennes de la Voix de la révolution, et peut-être de bien faire son travail, nous ont apportés beaucoup de choses. Non seulement nous étions respectés. Nous étions accueillis dans tous les milieux avec beaucoup d’admiration et même d’enthousiasme. Moi personnellement, j’étais devenu vedette à mon insu, sans le savoir. Je me demandais même si ce que je faisais était bon. Mais comme le public est un juge parfois implacable et parfois impitoyable, il nous a décernés – pas de façon officielle – une certaine notoriété. On dit “tiens, c’est tel”. Si bien que même aujourd’hui, quand je passe quelque part, on m’appelle par mon nom. Les gens ont du plaisir à m’interpeller. Même si, et c’est là le côté anecdotique, dès fois les gens me demandent : « est-ce que tu me connais ‘ ». Alors, j’essaie de tricher en répondant « Oui, mais… ». L’intéressé me dit « non, ce n’est vrai, ce n’est pas là-bas qu’on s’est vu. On s’est vu à tel endroit, on s’est vu à Koundara, on s’est vu à Labé, etc. ». Alors, ce sont là autant de choses. Quand je les vois, je me dis, « donc je suis aussi remarquable et remarqué ! ». Donc, voilà comment les choses se passent.

GCI : On sait que le journalisme rime avec indépendance, avec liberté. Sauf que la liberté, ce n’était pas forcément la caractéristique première du premier régime en Guinée. Alors, comment ressentiez-vous le poids de ce premier régime dans votre travail au quotidien ‘

O.T : Je crois qu’à l’époque on n’avait pas à l’esprit l’indépendance telle qu’on la conçoit aujourd’hui. Pour autant, on n’était pas forcément inquiétés du fait de dire quelque chose qui ne va pas. Nous faisions notre boulot normalement. Mais nous mettions l’accent sur les actions du parti et du pouvoir à l’époque. Il faut dire que nous étions dans une époque de la sensibilisation et de la propagande. Personnellement, je n’ai jamais été un griot de qui que de soit. Mais quand je faisais un reportage, le reporter étant l’œil, le nez et l’oreille de son public, je m’efforçais de leur dire ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, les couleurs que j’ai vues dans cette manifestation.

Je n’avais pas besoin de raconter des choses que je n’ai pas vues pour faire plaisir à Pierre ou à Paul. Mais je crois que c’était à l’avantage du régime d’alors, si tu racontes exactement ce que tu as vu dans une manifestation, et Dieu sait que les manifestations étaient grandioses, colorées. Il y avait du monde. Si moi je dis que lors de la remise de la médaille du travail à Labé ou à Guéckédou, il y avait près de 50.000 personnes, je n’aurais pas menti. Parce que j’ai effectivement vu qu’il y avait du monde, il y avait un engouement. Les gens répondaient à l’appel du parti. Donc, je n’avais pas besoin de dire que j’ai vu un million de personnes alors que je n’avais pas vu un million de personnes !

Est-ce qu’au fond le pouvoir s’en occupait ‘ Non ! On se faisait l’écho de ce que le pouvoir faisait. On ne pouvait pas inventer quelque chose qui n’a pas eu lieu. Evidemment, il y a des gens, certains camarades, comme toujours, qui voulaient faire plaisir aux chefs. Et peut-être que ces gens-là ont eu quelques postes de responsabilité. Personnellement, je n’ai jamais eu de telles ambitions. Evidemment, il faut préciser que l’ambition est quelque chose de permis. Mais je me suis dit que si je dois être responsable quelque part, ce serait parce que j’aurais bien travaillé pour mériter de cette responsabilité. Comme ça, personne ne sera étonné. Parce qu’on va juger que suis capable de le faire.

Justement, dans mon parcours, j’ai été rédacteur en chef, fonction que j’ai continué à assumer après 1984 (année du décès du président Ahmed Sékou Touré, NDLR). J’ai été directeur des programmes de la radiodiffusion nationale, j’ai été directeur du studio-école. Et puis j’ai longtemps travaillé à Radio CBG à Kamsar. Pas plus. Mais je ne me suis pas particulièrement battu pour avoir ces postes de responsabilité. Non ! Mais c’est légitime de se battre. Mais il ne faut pas en faire un combat, rien que pour le combat. Et parfois même, écraser certains pour monter… Là, je n’ai jamais été dans cette situation. Franchement.

GCI : Cette question, elle, s’adresse à vous moins en tant qu’individu, qu’en tant que membre de l’institution, la Voix de la révolution. En jetant un regard rétrospectif, est-ce qu’il ne vous arrive pas de vous dire que vous êtes peut-être comptable de ce que le premier régime a posé comme actes, en ayant plus ou moins soutenu, accompagné, voire même promu certaines actions ‘

O.T : En tout cas, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas ce sentiment-là. Peut-être que d’autres l’ont. Mais moi, non. Je n’ai jamais, de quelque manière que ce soit, encouragé qu’il y ait ce qu’on va appeler la dictature. Qu’on impose ça aux gens. En tout cas, je n’ai jamais applaudi…

GCI : Et vous est-il arrivé de vous y opposer ‘

O.T : Je n’avais pas besoin de m’y opposer. Puisqu’en mon for intérieur, je sentais que ce n’est pas ça mon boulot. Je n’ai pas eu besoin de mettre ça au grand jour pour m’opposer. Pour dire aux gens “attention, il y a la dictature !”. Et puis, ne perdez pas de vue que jusqu’à aujourd’hui, les gens qui sont dans les médias publics, notamment la RTG, ce sont des gens qui sont payés par l’Etat.

GCI : Et qui de ce point de vue… ‘

O.T : De ce point de vue, ils ne vont pas quand même pas à l’encontre de la politique gouvernementale. Seulement, il faut être intelligent. Il ne faut y aller et se dire que par exemple, “ce mois, je vais prononcer le nom d’Alpha Condé vingt cinq fois dans mon reportage…”. Ça ne sert à rien. Est-ce que lui-même a besoin de ça ‘ Il n’a pas besoin de ça, j’ose croire. Moi j’aurais été sur un reporter, dans un discours d’un préfet qui va dire qu’à chaque fois il faut ponctuer telle partie de son discours par le nom du Prof. Alpha Condé, une fois au studio, je vais enlever ça. Si je dois faire passer la voix du bonhomme, je trie ce qu’il y a d’important. Ce qui va m’intéresser, c’est la substance de ce qu’il dit. Qu’on dise le Prof. Alpha Condé, ça ne change rien. Parce que dans leurs discours, les gens veulent aussi maintenir leurs postes. Alors, ils sont obligés de dire “comme a dit le professeur Alpha Condé…”. C’était la même chose du temps de Lansana Conté : « Comme a dit le général Lansana Conté dans le discours programme du 22 décembre, etc. ».

Et ce n’est même pas une information. De mon point de vue, je ne donnerai que ce qui paraît être une information. Donc, je n’ai pas besoin de prendre cela en compte dans mon élément. Et personne ne m’en tiendra grief, en me disant pourquoi tu as enlevé ça’. Ce n’est pas lui qui dirige mon journal. Le préfet ou le gouverneur viendra se plaindre, je lui dirais que ce n’est pas son problème. Moi j’ai fait le traitement de mon information et c’est tout. C’est comme ça que ma profession me l’a appris.

Tout ce qui est inutile-là, il faut l’enlever! Et c’est ce qui fait défaut aujourd’hui. Quand on insiste sur le traitement de l’information, c’est ça le traitement de l’information. Le journaliste ne doit pas être influencé dans son traitement de l’information. C’est ça, le côté intéressant du métier. Et si je dois me sentir indépendant, c’est de ce point de vue là, que je me dis que je suis indépendant.

GCI : Récemment, le doyen Abdoulaye Soumah “Pablito” a reçu un soutien de la part de l’agence “Djassa Multi-Communication”. Au-delà du geste, la cérémonie de remise a révélé les conditions de vie précaires que mènent certaines anciennes gloires du journalisme en Guinée. Plus ou moins, vous faites partie de ces anciennes gloires. Est-ce qu’à votre avis, vous êtes oubliés ‘ Est-ce que vous vivez dans le dénuement ‘

O.T : Vous soulevez là une question plus vaste. Ce n’est pas uniquement pour les journalistes qu’elle se pose. Elle est également évoquée à propos des anciens artistes, des anciens hommes de théâtre, des sportifs, et autres. Mais moi je dois vous dire que cela dépend des individus. Personnellement, tant que j’ai une parcelle de santé, qui me permet d’aller là où je veux, je garderai toujours mon autonomie. Ah ! Je veux être autonome ! Parce que, souvent, quand ça frise la pitié, c’est déjà dérangeant.

Quand un homme est malade, on n’y peut rien. Mais je crois que c’est sa famille en premier qui doit s’en occuper. Si maintenant, il y a un regard indulgent extérieur, y compris celui des autorités, tant mieux. Des regards extérieurs, y compris celui des amis, tant mieux. Parce qu’on appelle cela la solidarité. Si c’est de cette solidarité là, je suis d’accord. Mais, si c’est par pitié qu’on vient à mon aide, je ne suis plus d’accord. Je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. Je veux qu’on m’accorde une solidarité. On dit “il est malheureux, il fait pitié, etc.”. Non ! Ça ce n’est pas très louable. Personnellement, comme je l’ai dit tantôt, tant que je suis en bonne santé comme c’est le cas actuellement, j’essaie de m’en sortir.

GCI : Justement, qu’est-ce que vous faites actuellement pour vous en sortir ‘

O.T : Pour m’en sortir, je suis toujours sollicité à des endroits comme dans les universités où j’enseigne la diction, l’orthophonie, etc. Parce qu’il parait que j’ai une bonne maîtrise de la voix. Je sais manier ma voix. Alors, j’apprends aux autres à manier leurs voix dans le domaine de la presse, surtout dans la présentation. Tu sais en matière de radio, tout ce que nous véhiculons ce sont des messages. Alors, il faudrait que ces messages soient présentés de la plus belle manière. Parce qu’on nous écoute, on nous ouvre des portes dans des familles. Nous y entrons, même quand nous ne sommes pas invités. Mais quand tu arrives, il faut que ce que tu apportes soit de qualité.

Tu auras beau écrit un très bon article, si c’est mal présenté à la radio, c’est comme si tu avais donné un coup de pied dans l’eau. Donc, c’est un peu ça. Donc, les gens qui on choisi de parler à la télévision, à la radio, doivent savoir comment présenter le message. Parce que l’information est une nourriture. Il faut qu’elle soit bien servie. Quand tu annonces une édition du journal, les gens l’écoutent avec plaisir. Mais si à chaque trois ou quatre mots, tu buttes ou tu articules mal, ce n’est pas compliqué. Les gens tournent le bouton et vont ailleurs. On ne tourne même plus un bouton. On le touche ! Ils disent celui-là, il me fatigue.

Donc, au lieu que cela ne vous arrive, il faut apprendre à parler. Ce n’est pas par hasard qu’on dit le “journal parlé”. Ce n’est pas le “journal lu”, mais le journal parlé. Voyez un peu RFI. C’est pratiquement comme s’ils étaient assis dans votre salon. Et c’est à cela qu’il faut aboutir. Mais si c’est lu, on va dire “ah, mais dis donc, moi aussi je sais lire”. C’est ça.

GCI : D’une certaine façon, en évoquant les différences de la pratique journalistique à votre temps et telle qu’elle se fait aujourd’hui, vous avez prodigué des conseils… Je voudrais néanmoins vous inviter à vous prononcer de manière un peu plus particulière sur le métier de journalisme tel que vous appréhendez sa pratique aujourd’hui en Guinée ‘

O.T : Ce que je voudrais dire à ceux qui pratiquent le métier de nos jours, c’est d’être journaliste dans l’âme. Il faut avoir l’esprit de recherche. Ne pas attendre l’événement. Ne pas attendre l’information dans son bureau. Ne pas s’en tenir aux rumeurs. Donner une information vérifiable. Une information qui ne laisse aucun doute. Ou si, que cela ne soit pas de votre fait. On connaît bien la pratique. Si vous avez une information, c’en est bien une. Mais si vous n’êtes pas sûr de votre source, la seule solution c’est de parler au conditionnel.

Et puis, en principe, le journaliste n’a pas d’état d’âme. Il est sûr de ce qu’il dit. Parce qu’il a vérifié. Parce qu’il a une source sûre d’information. Mais il ne faut pas inventer. Il ne faut pas broder sur l’information. Parce qu’on connaît les différents genres. Si tu fais un commentaire, il faut que cela reste dans le cadre de l’événement. Si tu fais une analyse, il faut cela reste également dans le cadre de l’événement. Tu n’inventeras rien. Ça au moins, c’est clair.

Même si tu dois donner ton opinion, si c’est par exemple dans un éditorial. Ça au moins tu sais parce que tu veux orienter les gens vers quelque chose. Tu donnes le point de vue de ton journal. Ce n’est pas interdit. Mais ça aussi c’est sur la base de quelque chose. Il y a une substance. Donc, aujourd’hui, il ne faut pas que nos jeunes gens se mettent à l’idée qu’être journaliste, c’est se rendre célèbre. On n’est célèbre que par la qualité de son travail. Si ce n’est pas ça, ce n’est pas la peine. On ne va pas être célèbre par des élucubrations. Non !

Parce qu’on s’agite beaucoup. Tout au contraire. Tu risques d’avoir un haro sur toi, si tu ne fais pas attention. Tu risques même d’aller devant des tribunaux parce que tu auras pensé qu’en disant telle ou telle autre chose, ça va faire plaisir à quelqu’un. Et on voit des journalistes qui s’agitent aujourd’hui. Même autour du président de la République ! Des gens qui se transforment en correspondants dans les ministères, dans ceci ou dans cela. Mais le journaliste a bien plus à faire.

Nous avons des problèmes de santé. Nous avons des problèmes d’environnement, des problèmes de culture. C’est ce que nous devons porter à la connaissance de notre public, de nos auditeurs. Comment faire pour combattre l’insalubrité à Conakry par exemple ‘ Est-ce que vous voyez un journaliste de la radio ou de la télévision par exemple faire un reportage exclusif sur ça ‘ Des enquêts sérieuses et les connexions sur le grand banditisme ‘ Qui ne soit pas la commande du rédacteur en chef. Qui aura été sa proposition au cours de la conférence de rédaction.

La culture, est-ce que les gens s’y intéressent ‘ Est-ce que les journalistes s’intéressent à ce que les Guinéens se connaissent, les uns les autres ‘ Ils n’y contribuent pas, ou presque. Quand quelqu’un est scandalisé parce qu’on mange le chien à N’Zérékoré, toi journaliste, il faut lui dire que c’est leur manière d’être, c’est leurs traditions. Quand certains peuples mangent les chenilles, il ne faut pas s’en offusquer. Non seulement c’est reconnu scientifiquement que c’est nourrissant, mais c’est leurs traditions alimentaires positives.

C’est tout simplement parce qu’on n’a pas pris la peine de montrer aux Guinéens comment les uns et les autres vivent. Quels sont les cultures, les coutumes et autres du pays, etc. Au Foutah, en basse Guinée, en haute Guinée et en Forêt, on mange différemment. Pourquoi ‘ Comment ‘ Ce sont les recherches qu’un bon journaliste devrait accompagner, faciliter, pour que les Guinéens se connaissent mieux et s’apprécient encore mieux. Mais, on laisse tout au profit des séminaires, des ateliers ou au profit de l’accompagnement d’un ministre à l’intérieur du pays. Parce qu’on pense qu’au retour, on va avoir un peu d’argent dans la poche. Mais là, ce n’est plus du journalisme, c’est du griotisme. On est une caisse de résonnance. Et c’est tout. Dommage.

GCI : La dernière question que je vais vous poser ne sera pas relative au journalisme. Vous avez vécu le régime du président Ahmed Sékou Touré et celui du président Lansana Conté. Aujourd’hui, vous vivez l’époque du président Alpha Condé. Qu’est-ce que vous avez à dire par rapport à toutes les contradictions politiques qui, d’une certaine façon, prennent en otage le pays ‘

O.T : Vous savez, je ne suis pas politicien. Mais j’ai quand même les yeux ouverts. Du temps du premier régime, on a eu affaire à un parti unique. Donc, il n’y avait pratiquement pas d’opposition officielle. Les élections se déroulaient de façon, je dirais, unilatérale. Mais à l’époque cela ne soulevait aucune protestation officielle. Les gens s’y étaient accommodés et puis ça marchait. A l’époque, il faut aussi se dire que la seule façon pour que les gens adhèrent à ça, il fallait les mettre dans une certaine condition. Ainsi, les gens étaient bien ravitaillés. Un étudiant qui sortait n’avait pas à chercher de boulot. Il était tout de suite embauché et sait où il va. Les choses ne coûtaient pas cher. Et puis, il y avait quelques unités industrielles que l’homme Sékou Touré avaient mises en place et qui employaient quand même des gens. Il y avait déjà un souci de développement. A cet égard, on peut citer beaucoup d’unités telles que Mamou, Kankan, Forécariah (Maférinyah), les CMD de Dixinn, l’usine de sciage de N’Zérékoré, etc.

Mais évidemment, la politique étant ce qu’elle est, ce parti unique-là a eu des conséquences. Il y a eu une couche qui s’est opposée, qui n’a pas partagé. On sait ce qui est arrivé par la suite. La deuxième république est venue avec beaucoup d’enthousiasme. On a crié partout. Le libéralisme s’est installé. Mais si on me permet le mot, de façon très sauvage. Ça n’avait pas été mûri, suffisamment réfléchi. On a jeté les gens dedans. Et plus grave encore, le chef tombe malade. Et cela n’a pas été pour arranger les choses. Au contraire, les choses ont dérivé. Les Guinéens se sont retrouvés dans un gouffre profond. Il y a eu une indescriptible pagaille.

Un autre vient qu’on appelle le capitaine Moussa Dadis Camara. Avec force. Il veut changer tout comme par une baguette magique. Ça n’a pas marché. Et là aussi, les gens avaient adhéré. Ensuite, il y eu les élections. Nous vivons maintenant cette période-ci. Une période que je trouve difficile. Ça au moins c’est clair. Parce que j’écoute les gens. Ils disent que la vie est dure. Et moi-même je trouve que la vie est dure. Je trouve que c’est dur. Mais je me dis aussi qu’il faut s’y faire.

Il fallait passer par là. Je ne suis pas fataliste, mais je me dis que c’est peut-être par cette étape qu’on va aboutir à quelque chose. Si, si les politiciens veulent bien accompagner, cette fois-ci, ce changement. Les politiciens sans exclure qui que ce soit. A commencer par le président de la République et ceux qui lui sont opposés. Parce qu’il ne faut pas s’opposer à un homme, il faut s’opposer à un système. Et souvent en Guinée, les gens confondent le système et l’homme. On préfère s’opposer à l’homme au lieu de s’opposer à l’essentiel. Et c’est ce qui fait parfois nos problèmes. Ça je le dis!

GuineeConakry.info




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