Au cours d’un entretien sur les violences interethniques qui a marqué la Guinée Forestière la semaine dernière, le président du bloc libéral (BL) a fustigé l’indifférence des autorités gouvernementales. Dr Faya Milimono a ensuite dénoncé une manipulation extérieure. Le leader du BL s’est prononcé aussi sur l’accord politique et sur sa non participation aux élections législatives. Lisez:
Afrinews.org: Depuis quelques jours on assiste à des vagues de violences intercommunautaires à N’zérékoré et environs, où on a enregistré une cinquantaine de morts. Quelles sont vos impressions’
Dr Faya Millimono: Disons que c’est un sentiment de choc, de grande déception que de voir encore des frères de la même région de continuer à se prêter au jeu de l’instrumentalisation ethnique qui est devenu la seule stratégie politique en République de Guinée. Quand nous avons appris l’incident qui est la cause de tout ce problème nous nous sommes arrêtés là-dessus pour mieux comprendre si c’est un incident innocent ou c’est simplement un montage pour mettre le feu aux poudres. Deux versions nous ont été données qui sont contradictoire. La première qui nous apparait farfelue c’est de prétendre que trois personnes de passage aient été vu par le gardien de la station d’essence et celui-là les a attaqués et a coupé la main d’un d’entre les passant et blesser un autre et un troisième s’est enfui. Ça c’est la version officielle qu’on est en train de nous donner. C’est parce que cette version est une version officielle que nous voyons la main d’une manipulation. Je dis c’est elle qui est officielle c’est parce que c’est elle que nous avons entendu de Monsieur le préfet. La 2ème version que nous avons entendu c’est de dire qu’il y a trois personnes qui ont tenté de voler ils ont été maitrisés et on a coupé la main à un d’entre eux. L’acte de couper la main à un individu fut-il un voleur est inacceptable. On ne se fait pas justice dans une République normale. Ceci est condamnable. Mais lorsque l’acte est posé il faut le circonscrire, faire parler la justice et faire travailler la justice pour que l’on comprenne les circonstances dans lesquelles tout cela est arrivée et qu’on mette la main sur le fautif et qu’on le sanctionne conformément à la loi. Mais, lorsque cela est interprété sous un angle ethnique et on va s’attaquer au patriarche de N’zérékoré, on brule les maisons, on voit même l’implication des groupes organisés considérés des groupes criminels puisqu’on nous signale l’implication des Donzos, des milices de l’Ulimo (ancienne rebellion, NDLR) etc, qui sont aujourd’hui entrain de semer la terreur sous l’œil indifférent des forces de défenses et de sécurité. Tout cela nous voyons derrière une main manipulatrice peut être à des desseins politiques.
Afrinews.org: Vous voulez dire que ces violences sont cautionnées par les autorités’
Dr Faya Millimono: En fait, nous pensons que derrière ces violences se trouve une main invisible. Nous ne savons pas encore clairement qui en est responsable mais on ne peut pas croire que les choses puissent se passer comme ça. Nous savons tous que c’est une région explosive ça remonte aux années ‘’90’’ lorsqu’il y a eu les premières élections. Mais, là également quand il y a eu affrontement, c’est parce que la manipulation a été faite à partir du pouvoir central. C’est la même réalité que nous sommes en train de continuer à vivre. Alors aujourd’hui encore il n’est pas exclu que pour des raisons politiques qu’on soit en train de pousser les communautés les unes contre les autres, créer le chao pour chercher des gains politiques. Ça c’est des hypothèses qui sont plus ou moins plausibles.
Afrinews.org: Ces dernières années comme vous venez de le dire la région forestière a été en proie en plusieurs violences puisqu’il y en a eu l’année dernière avec les événements de Galapaye, Zogota, Saoro et autres. Est-ce qu’on ne doit pas craindre la généralisation de ces violences dans toute la région voire dans tout le pays’
Dr Faya Millimono: D’abord, il faut comprendre deux choses qui sont à l’origine de cela. La première c’est la politique de tribalisassions dans notre pays. Vous savez que la plus part des partis politiques dans notre pays ont un caractère ethnique. Le professeur Alpha Condé n’est pas, si vous voulez à l’origine du tribalisme mais, il en est l’incarnation aujourd’hui. On sait comment il est arrivé au pouvoir et on sait comment il est en train de gouverner. Pour lui tout se fait sous l’angle ethnique. On réjouit des jeunes selon leur appartenance ethnique, on reçoit des personnalités selon leur appartenance ethnique. Rien n’est républicain avec le professeur Alpha Condé. Donc, l’autre facteur qui fait que nous voyons ces violences récurrentes, c’est l’impunité qui est devenue une méthode de gouvernance. Vous avez parlé de Saoro, de Zogota, de ce qui s’est passé à Lola, à Guékédou, Galapaye aujourd’hui maintenant on est à Koulé et puis à Nzérékoré. Si hier les gens qui ont tué parce qu’il y a eu inculpation dans le dossier de Zogota par exemple avaient effectivement comparu, sont jugés et sont derrière les barreaux on n’aurait pas vécu des situations de ce genre. Ce qui donne aux populations l’idée de se faire justice eux-mêmes, c’est lorsqu’ils ont l’impression que la justice n’existe pas. Donc, cette impunité qui est devenue une méthode de gouvernance dans notre pays et l’une des raisons de ce que nous sommes en train de vivre. Aujourd’hui quand les gens comme nous, nous elevons le ton pour dire que les guinéens ont besoin d’une réconciliation. Les uns s’évertissent pour dire qu’il n’y a pas eu de guerre civile. Donc, on n’a pas besoin de réconciliation nationale. Mais, ce que nous sommes en train de vivre à Conakry ici, selon votre appartenance ethnique vous n’êtes pas en sécurité dans certains quartiers. Maintenant ça touche l’intérieur du pays et ça se généralise puisque si l’épicentre de cet incident c’est à Koulé ça atteint N’zérékoré et on nous signale des problèmes à Beyla etc. Qui sait si demain tout le pays ne va pas s’embraser finalement. Donc, il y a deux choses qu’il faut que nous combattions, deux virus que nous sommes en train de voir nous ronger qui doivent être combattu selon un esprit républicain.
1- sortir de la tribalisation de la politique,
2- Mettre fin à l’impunité dans notre pays. Le jour que nous allons réussir cela nous allons nous mettre sous les valeurs républicaines et nous allons faire en sorte que personne n’est à se faire justice lui-même.
Afrinews.org: Le drame et que ces violences ont pris une allure confessionnelle, des lieux de cultes ont été brûlés et saccagés
Dr Faya Millimono: C’est en cela que la division dans un pays a des ramifications dangereuses. Lorsqu’on encourage un repli identitaire ça entraine un autre. Aujourd’hui on a crée un conflit entre deux communautés. Les deux communautés toutes ont en leur sein des chrétiens et des musulmans mais, pris dans le piège des extrémistes. Parce que si les choses là d’après les versions que nous avons reçu de cette affaire Koulé, c’étaient effectivement des gens qui ont voulu voler à la station et qui ont été maitrisés c’est un incident qu’on pouvait considérer comme un fait divers et le traiter comme tel. Aujourd’hui, s’en est devenu un conflit interethnique et en plus inter religieux parce qu’effectivement on a déploré en plein mois de ramadan, en plus je ne sais plus vers où on est en train d’aller. En plein mois de ramadan des mosquées ont été brûlées, des églises ont été brûlées, des personnes et des leaders religieux ont été attaqués. Quand on a attaqué l’église, c’est un ivoirien, il est aujourd’hui entre la vie et la mort. On a attaqué le patriarche de N’zérékoré qui se trouve également entre la vie et la mort. Nous avons également des informations qui nous font état de la mort des personnes dans la famille du patriarche de N’zérékoré. Tout cela ce sont des conséquences de la division qui est aujourd’hui devenue la seule méthode de gouvernance dans notre pays. Lorsque nous autres nous nous levons contre cette vision de la politique de diviser pour régner, de tromper que ceci n’est pas la politique. Les gens nous prennent pour des rêveurs. Mais, voici les conséquences. Alpha doit être traité aujourd’hui comme un danger pour ce pays.
Afrinews.org: Vous parliez tout à l’heure d’une main obscure qui serait derrière ces violences mais il y a aussi certains qui estiment que c’est des cadres de la région forestière qui sont en train d’instrumentaliser les jeunes et encourager les violences. Qu’en dites-vous ‘
Dr Faya Millimono: C’est le même langage qu’on a toujours entendu. Ecouter s’il y a des groupes organisés comme les Donzos, comme l’ULIMO, les chevaliers de la République. C’est des choses qui n’existent pas à l’insu de l’Etat. L’Etat connait ça, c’est le gouvernement, le président de la République qui contrôle toutes les forces de défense et de sécurité. Nous savons que ce soit les chevaliers de la République, que ce soit les Donzos, que ce soit l’Ulimo n’ont aucune fonction officielle dans une République. Si on les tolère ce qu’on est complice de leurs actions. Si on tolère l’action de ce groupe, c’est qu’on est complice de leurs actions, ça c’est un premier aspect. Le second aspect lorsque vous voyez la réaction à peine sérieuse du gouvernement face à ce qui est en train de se passer là-bas. Dans un pays normal quand il y a un conflit ou nous comptons des dizaines des morts mais c’est le président qui se déplace. Qu’est ce qu’on fait ‘ On dit envoyer deux messieurs parce qu’ils sont nés de la région ils n’ont qu’a aller régler ça. C’est la même chose qu’on a fait quand on a tué à Zogota. Envoyer les forestiers ils vont régler entre eux. Ecouter, c’est facile de dire que ce sont des cadres assis à Conakry qui sont en train d’attiser le feu. Quel est l’intérêt que des cadres nés dans la région forestière ont de mettre le feu en forêt. Quel est l’intérêt ‘ Par contre ce gouvernement là, a toutes les raisons de le faire. Un, aujourd’hui on a promu en pompe qu’on allait célébrer le 55ème anniversaire de notre indépendance en N’zérékoré. On n’a encore rien de tangible sous la main pour prouver qu’on a pris cela au sérieux. Rien de tangible N’zérékoré n’est dans cet état comme si c’était il y a encore des décennies. Donc, ça approche c’est dans deux mois à peine. Il ne reste plus que le mois d’Août et le mois de septembre. Il y a encore rien de tangible pour faire la fête du 02 octobre. Ça c’est une raison. 2ème raison nous sommes en train de parler de ces élections législatives depuis 2 ans et demi. On vient de nous livrer un accord farfelu que les gens naïvement on vu que c’était la solution au problème. Tout le monde avait tambour s’en est félicité. Aujourd’hui à Nongo on a vu des jeunes barrer la route pendant 4 jours sous les yeux de toutes les forces de l’ordre et dans la ville de Conakry. Ça doit nous dire quelque chose. Ça doit nous dire quelque chose que surtout le territoire nationale lorsque vous allez dans les Carles si on ne vous dit pas que les machines sont en panne on vous dit que le chef de quartier n’est pas là parce que c’est lui le gardien du lieu etc. et naturellement la région forestière c’est la pépinière pour beaucoup des politiciens machiavéliques comme le professeur Alpha Condé. Il a fait le plan de l’électorat qui lui est fidèle aussi bien en région forestière qu’en Haute Guinée. Il ne faut plus permettre qu’il y ait un seul enregistré. Aujourd’hui vous pouvez vous demandez si vraiment un habitant de N’zérékoré a un choix entre sauver sa vie et aller se faire enregistrer. Donc, ceci constitue toutes les raisons pour lesquelles un pouvoir aussi machiavélique est capable de poser ces genres d’actes. Donc, c’est trop facile que ce sont des cadres de la forêt. Ecoutez ce qui sont nés en Forêt ils sont nés là-bas et ils sont condamnés à vivre ensemble. Ces populations forestières que ce soit les Konia, les Pelés, les Tomas, les Peuls, Malinkés parce qu’il y a tout le monde en région forestière. Ils ont toujours vécu en paix entre eux. Il a fallu que le pouvoir incapable de Conakry commence à les manipuler pour que les gens prennent des armes les uns contre les autres. Donc, ce n’est pas une manipulation des cadres originaire de la forêt c’est un pouvoir qui a des choses à justifier ou qui a détourner l’attention sur certaines choses.
Afrinews.org: Vous avez toujours tenu des propos très amers à l’endroit du gouvernement du professeur Alpha Condé, alors que propose le Bloc Libéral pour une sortie de crise ‘
Dr Faya Millimono: Je crois que nous avons sur la table une proposition de sortie de crise accompagné d’une feuille de route pour l’émergence d’un nouveau type de régime dans notre pays. Nous avons vu que le pays est en train de se gbaboyiser. Le professeur Alpha ne veut pas aller aux élections. Nous l’avons dit et nous l’avons répété. Tant et aussi longtemps qu’il n’a pas mis la machine de la fraude en place pour gagner il n’ira pas aux élections. Ça lui a pris deux ans et demi de mensonge sur mensonge pour arriver à mettre en place cette machine. Comme par magie la classe politique de l’opposition soudaine s’est retrouvée dans un sommeil profond en acceptant de signer un accord parce que la communauté internationale a proposé. Nous nous voyons que tout cela c’est la fuite en avant. Quand nous avons vu la violence s’accroitre et des jeunes gens qui mourraient nous avons sur la table une proposition. Nous avons dit nous sommes encore en période transitoire nous pouvons après tout pour mieux organiser ces élections pour que ça serve la cause du peuple, qu’on les organise en 2015 de façon couplée avec les élections présidentielles parce qu’il y a encore des choses que nous avons besoin de faire. La constitution que nous avons aujourd’hui qui n’a pas encore enlevé ce que tout le monde est aujourd’hui en Guinée à reconnaitre que le pouvoir exécutif est encore trop dominant dans le système guinéen pour donner l’impression que le président de la République est un roi. Alors cette constitution qui a été aussi adoptée dans un contexte cavalier nous avons pensé qu’il faut revoir la copie de notre constitution et à revoir la question de l’opérateur. Il faut en choisir un opérateur sérieux qui va nous faire la révision du fichier électoral sur la base du fichier que nous a légué la Sagem et qu’on est la possibilité de tester le fichier que le nouvel opérateur va produire à travers le referendum pour adopter notre constitution. A travers les élections qui vont nous permettre d’avoir les chefs de quartiers, des districts, les conseils communaux et communautaires. Cette proposition qui comporte plusieurs dimensions. Une autre dimension importante il ne faut pas continuer à occulter le fait qu’en Guinée la division a atteint une proportion inquiétante. Il faut faire quelque chose à propos. Donc, nous avons proposé un canevas de réconciliation nationale qui comporte deux démarches principales. Une démarche du réapprentissage du vivre ensemble et une démarche d’établissement de la vérité, de la justice pour ouvrir la voix à une réconciliation. Tout cela est sur la table actuellement. On a rejeté ça du revers de la main pour placoter des choses. Nous au BL nous croyons et nous continuons à croire que c’est la confiance qui n’exclu pas le contrôle et non le manque de confiance qui nécessite un contrôle. Aujourd’hui le comité de veille est présent mais impuissant face au fait que les Carles ne fonctionnent pas. Nous avons des représentants un peu partout à travers le pays. Partout où nous prenons le téléphone pour entendre un de nos représentants c’est pour nous dire que c’est une comédie, il n’y aura pas d’enrôlement véritable. Donc, nous avons une solution et une solution qui nous évite de renter dans la précipitation qui nous conduit toujours au même résultat. Si nous continuons avec cette précipitation le risque aujourd’hui est réel. Celui de perdre notre pays et il faut que nous fassions quelque chose à propos.
Afrinews.org: Merci Dr Faya à moins que vous n’ayez quelque chose à ajouter.
Dr Faya Millimono: Encore une fois je vous remercie et je dis d’abord aux militants et sympathisants du BL pourquoi le BL a choisi de ne pas aller aux élections ça a été d’ailleurs une démarche consultative. Toutes les structures existantes se sont prononcées. Une réunion élargie aux structures qui sont ici à Conakry a permis de prendre une décision consensuelle. Ces élections ne seront pas sérieuses il ne faut pas perdre notre énergie et il ne faut pas disperser nos énergies. Concentrons nous à faire l’implantation de notre parti et préparons nous pour une rupture dans notre pays. Au peuple de Guinée, je dis si un individu vous trompe une fois vous pouvez le blâmer, deux fois vous devez vous blâmer et blâmer celui qui vous trompe mais, s’il vous trompe une troisième fois c’est seulement vous-mêmes que vous devez blâmer. Les politiques qui n’ont des marchandises pour le peuple de Guinée que la division, ont suffisamment trompé le peuple de Guinée. Il est temps de leur mettre à leur place et pour les mettre à leur place, il faut que chacun regarde avec intérêt l’alternative que le BL est en train de construire aujourd’hui parce que, c’est telle qui va permettre d’une véritable rupture. Rupture d’avec un passé, rupture d’avec un présent qui sont faits des divisions, d’ethnocentrisme, de discrimination, d’impunité, de corruption, de pauvreté et que sais-je encore. Pour voir tout cela derrière, nous sommes en train de construire un grand rêve pour le peuple de Guinée et nous vous invitons à vous joindre à nous pour faire de ce rêve une réalité.
Entretien réalisé pour Afrinews par Abdoul Malick Diallo