Conakry- Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, Docteur Alpha Abdoulaye Diallo, vice-président du conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) s’est largement prononcé sur la récente sortie médiatique de la coordinatrice nationale du RPG arc en ciel (parti au pouvoir), la question du 3ème mandat, l’accord politique du 12 octobre,….
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Le samedi dernier, Hadja Nantou Chérif a déclaré que le peuple demandera un 3ème mandat pour Alpha Condé. Vous en tant qu’acteur de la société civile, comment réagissez-vous à ses propos anticonstitutionnels ?
Nous considérons ses propos comme des propos politico-politiciens. Ce sont des propos qui engagent celui qui les a prononcés. Mais, aujourd’hui, le peuple de Guinée n’a pas besoin de ça. Nous, nous estimons que l’ensemble du peuple de Guinée s’est mobilisé pour un retour à l’ordre constitutionnel. Nous sommes en train de faire un pas en avant pour l’encrage démocratique, nous ne devons pas faire mille pas en arrière. Aujourd’hui, c’est vrai, il y a l’enthousiasme qui domine le climat politique parce qu’il faut toujours créer ce qu’on appel les trouble-fêtes, des boucs émissaires pour pouvoir détourner le peuple de Guinée sur l’essentiel, mais à mon avis, il faut être de courte durée pour penser que ces genres de choses puissent se passer en Guinée. Le peuple de Guinée est assez mur. Nous n’accepterons pas qu’il y ait un recul démocratique. Nous n’accepterons pas qu’on tripatouille notre constitution. Il y a des articles dans la constitution qui sont verrouillés, des articles intangibles. C’est comme nos frontières qui sont intangibles. Le nombre de mandat est intangible, renouvelable une seule fois. Donc, tout guinéen a le droit de se présenter à la mandature suprême pour deux mandats mais pas plus.
Aujourd’hui, tous les pays qui sont des bons élèves sont en train de donner des bels exemples. Regardez le Bénin, le nouveau président Talon a dit qu’il ne briguera pas un second mandat. Et il entend réduire le nombre de mandat. Vous avez vu l’alternance démocratique au Ghana. Je crois que la transition, l’alternance au pouvoir est un facteur de qualification de la démocratie mais aussi de l’amélioration de la gouvernance politique.
Le fait que les dirigeants africains cherchent à se cramponner au pouvoir est vraiment source de conflits avec des conséquences incalculables. Il est important aujourd’hui que le président Alpha Condé puisse vraiment faire un discernement entre ceux qui veulent le pousser vers la petite porte et ceux qui veulent qu’il sort grandi dans ce processus avec une sortie honorable.
Abordant dans le même sens, nous avons écouté le gouverneur de Labé, le directeur national de la police, maintenant vient Nantou Cherif. Au niveau de la société civile, est-ce que la mobilisation est là pour faire barrage aux sirènes révisionnistes ?
Aujourd’hui, l’ensemble des structures de la société civile souffle le même vent de trompète vis-à-vis de ces propos. Il est inconcevable et inadmissible que nous croisions les bras en regardant ces sirènes révisionnistes allant dans le sens du recul démocratique. La question du 3ème mandat, un débat de polichinelle, mais le peuple de Guinée n’acceptera pas et la société civile reste mobilisée. Croyez-moi.
Comment vous qualifier les propos de Nantou Chérif?
Ses propos sont scandaleux, dangereux et manipulateurs. Ses propos sont méprisables vis-à-vis de l’élan que la Guinée est entrain de prendre. Nous ne pouvons pas accepter cela et nous condamnons ses propos avec la dernière énergie. Nous estimons que toute personne épris de paix et de justice doit rester mobilisée contre ces genres de personnes qui sont assoiffées de pouvoir et qui veulent bafouer la liberté des personnes et de leurs biens.
Comme vous le dites, la constitution a verrouillé le nombre de mandat mais il y a des voix aujourd’hui qui s’élèvent pour dire que cette constitution n’est pas une émanation du peuple. Donc, elle peut faire l’objet de révision. Qu’en pensez-vous ?
Au fait, l’amélioration du cadre juridique ou l’évolution de nos lois est une chose normale en fonction de l’évolution de la société mais il faudrait que cette évolution aille dans le sens de l’amélioration de la gouvernance, de l’encrage démocratique et le renforcement de l’Etat de droit mais pas le recul démocratique. Je crois qu’il faut aller de l’avant en s’améliorant mais pas en se rabaissant, en effaçant toutes les avancées démocratiques qu’on a réalisées ces dernières années.
Si le président Alpha Condé arrivait à exprimer publiquement son intention de briguer un 3ème mandat. Qu’elle sera la réaction de la société civile ?
La société civile sera mobilisée comme un seul homme pour faire barrage à ces genres de tentatives de confiscation de la liberté, de la démocratie et de la dignité mais aussi de l’espoir du peuple pour aller de l’avant.
Mais face à la persistance de ses proches. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que la société civile fasse une déclaration commune pour demander au président de la république de s’exprimer publiquement comme l’a fait Ouattara en côte d’ivoire afin de lever toute équivoque ?.
Je crois que c’est une bonne interpellation que vous venez de nous faire. C’est une question que nous allons discuter entre acteurs de la société civile et je crois que c’est une bonne action qu’on puisse entreprendre comme première action pour mettre fin à toute forme de polémique tendant à bafouer la démocratie dans notre pays. Donc, une telle déclaration pour interpeller le premier magistrat du pays à renforcer sa posture de président de la république parce que remettre en cause la constitution, c’est remettre en cause nos institutions , c’est ouvrir la voie à des perturbations et nous ne voulons pas qu’il y ait des perturbations dans notre pays.
En Guinée, on entend moins la société civile parler de développement ou de l’état de la pauvreté des populations. Le débat reste focalisé sur le terrain politique. Est-ce qu’il y a des mesures visant à inverser la tendance ?
Ce qui reste clair, le terrain politique domine sur beaucoup d’aspects, c’est vrai parce qu’il y a des priorités. En matière de société civile, notre vocation, c’est comment œuvrer à améliorer les conditions de vie des citoyens. Pour y arriver, il faut qu’il y ait la stabilité politique, économique, et tous ces aspects peuvent contribuer au développement à la base. Mais, il y a des milliers d’organisation qui évoluent sur le terrain sur les questions de développement. Il n’y a que la plate forme mère qui développe et qui débatte des questions sur la vie de la nation et les questions politiques.
En tant que signataire de l’accord du 12 octobre, que dites-vous du retard accusé dans son application ?
L’application de l’accord politique du 12 octobre dernier doit être une préoccupation du gouvernement, du chef de l’Etat, de la mouvance, de l’opposition mais aussi de tous les acteurs qui ont pris part à ce dialogue et qui ont signé cet accord. Puisque cet accord permettra de renouer la confiance entre les acteurs au niveau interne mais permettra également à l’initiateur du dialogue (Alpha Condé) de dire qu’en Guinée on peut dialoguer entre guinéens. On peut s’engager sur les points essentiels du développement de notre pays et on peut s’accorder sur l’essentiel.
Ne pas respecter cet accord, c’est créer le doute sur la moralité même du gouvernement et des responsables guinéens. Puisque si nous ne sont pas capables de respecter les accords entre guinéens, cela va être difficile pour qu’un investisseur étranger puisse faire confiance au gouvernement.
De votre côté, qu’est-ce que vous faites pour amener les acteurs à respecter cet accord ?
Nous, de notre côté, nous participons à toutes les commissions de travail. Moi, j’appartiens à la commission de rédaction du cahier de charge pour l’audit du fichier électoral. Nous avons déjà fini notre rapport et il a été transmis au comité de suivi. Il a même été validé et transmis à la CENI. C’est pour vous dire que le travail de cette commission est réalisé presque à 100%. Il reste maintenant à la CENI de travailler sur l’appel d’offres international sur la base de ce cahier de charge pour recruter un cabinet qui va faire l’audit du fichier électoral. Et d’autres commissions sont entrain de travailler d’arrache-pied. Le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation est aussi très engagé, là aussi les acteurs de la société civile sont présents. Certes, il y a des lenteurs, des bisbilles mais il faut ça aussi puisqu’il s’agit des questions éminemment politiques. Ce ne sont pas des questions qu’on peut évacuer facilement. Ça demande des discussions et des confrontations. Parfois d’un consensus pour y arriver.
Merci Docteur
C’est à moi de vous remercier.
Interview réalisée par Abdoulaye Maci Bah pour Afrinews
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