Faya Millimono: “Levons-nous pour soutenir le combat des enseignants de nos enfants”

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Dans la société guinéenne, l’enfant n’est pas seulement de son père et de sa mère, mais l’enfant de tout le village, l’enfant de toute la communauté. Permettez-moi donc de m’adresser à l’ensemble du peuple de Guinée.

Je ne me trompe pas quand je dis que le rêve de chacun de nous, en tant que parent d’élève, est d’assurer un bel avenir à nos enfants. Et pour assurer un bel avenir à nos enfants, il faut qu’ils soient mis dans les conditions d’apprendre. Or, il n’y a pas d’apprentissage sans enseignement.

Les qualités requises chez un enseignant pour être jugé de «bon» permettent de comprendre qu’il ne suffit pas d’être en classe pour garantir un apprentissage efficace. En effet, un bon enseignant doit être passionné, équitable, bienveillant, drôle, motivé, compréhensif, intéressant, compréhensible, intéressé, etc.

Chers parents d’élèves et cher peuple de Guinée,

On n’oblige pas un enseignant à être en classe, car il peut bien être en classe sans qu’il n’y ait apprentissage, s’il n’est pas motivé. Dans les conditions normales, quand on est en classe, il s’agit d’enseigner non seulement des savoirs mais aussi une méthode de travail ; il s’agit d’adapter ses pratiques au groupe dont il s’occupe, rester motivé et, surtout, passionné. La passion est primordiale: sans elle, on n’arrive à rien dans une classe.

C’est une profession exigeante, mais tellement passionnante. Enseigner, c’est le plus bel acte du monde! Tout cela pour dire que pour enseigner et permettre effectivement un apprentissage, il faut mettre l’enseignant dans un minimum de conditions de vie et de travail.
Par ces quelques lignes, je voudrais m’adresser directement à vous parents d’élèves. Comme je l’ai indiqué dans mon message daté du 26 janvier 2020 à l’endroit des enseignants, en tant qu’enseignant qui ai pratiqué la profession pendant des années ici en Guinée et ailleurs, je suis convaincu que les salaires des enseignants guinéens sont en dessous du Salaire Minimum Garanti, que fixe la loi du marché. Cela fait qu’ils vivent dans une situation de précarité poussée et permanente. Comme conséquence de ces bas salaires, ils arrivent difficilement à couvrir les besoins de base pour leurs familles comme la nourriture, et sont souvent obligés d’habiter dans des logements peu convenables. Quand ils tombent malades, ils ne peuvent même pas se soigner dans de bons centres ou cliniques.
Il vous revient de comprendre l’absolue nécessité de mettre nos enseignants dans les conditions psychologiques de pouvoir donner leur savoir à nos enfants. Nous ne devons pas nous tromper, nos enfants sont mal formés, parce que leurs formateurs sont mal rémunérés. Nous parents d’élèves devons comprendre cette dimension et défendre la vérité dans ce conflit (qui ne devrait pas exister), mais qui perdure.

Ils sont mal rémunérés si on les compare à leurs confrères de l’Afrique de l’Ouest francophone car le salaire moyen d’un enseignant au Sénégal avoisine les 628,000 FCFA, soit l’équivalent de 10 millions de Francs Guinéens. Pire, leur métier est placé au bas de l’échelle de valeur des professions. C’est pourquoi la question leur est souvent posée : êtes-vous travailleur ou enseignant? Comme pour dire que si le travailleur est supposé vivre du fruit de son travail, l’enseignant, « qui ne travaillerait donc pas », n’est pas censé vivre de l’enseignement.

Hormis les contraintes de la fonction d’enseignant que je viens de décrire, il y a aussi l’enseignement proprement dit. Tout mathématicien n’est pas toujours un bon enseignant mais tout enseignant de mathématiques doit être un mathématicien. Outre cet aspect, il y a le temps mis pour la préparation d’une leçon parce qu’il faut trouver une méthode d’enseignement adaptée aux élèves et s’assurer que les enfants ont maitrisé le cours. Toutes ces conditions requièrent un minimum de conditions de travail. Ceci dit, on n’oblige pas un enseignant à être en classe. Il doit aller en classe par sa propre volonté et surtout être motivé. S’il n’y a pas de motivation chez l’enseignant, il n’y a pas d’apprentissage, et s’il n’y a pas d’apprentissage, il n’y pas d’avenir.

L’attitude du gouvernement qui consiste à payer des primes aux enseignants en lieu et place de l’augmentation de salaires comme demandé par le SLECG, est la plus irresponsable. Au lieu de discuter avec le syndicat qui réclame l’augmentation des salaires et qui a été à l’origine du mouvement de grève, le gouvernement de M. Alpha Condé, qui brille par son incapacité notoire à satisfaire les besoins sociaux de base et qui continue, de manière éhontée, à exceller par la ruse et les fausses promesses, a préféré discuter avec les syndicats qui n’ont rien revendiqué. Et le ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation qui se permet, sans gêne, de menacer les enseignants grévistes en disant que tous les enseignants qui ne reprendront pas les cours, seront automatiquement remplacés par d’autres enseignants. D’ailleurs, les salaires des enseignants ont été bloqués. Cette attitude donne manifestement des signaux de l’instauration d’une dictature dans notre pays.

Le célèbre écrivain Voltaire disait qu’ « il y a deux types de voleurs : le voleur ordinaire et le voleur politicien. Si le voleur ordinaire vous choisit et est souvent pourchassé par la police que le contribuable paye, le voleur politicien, lui, est choisi par nous les électeurs. Contrairement au voleur ordinaire, qui est pourchassé par la police, le voleur politicien est gardé par la police que nous payons. Si le premier nous vole un porte-monnaie, un téléphone et même une voiture, le second nous vole notre éducation, l’éducation de notre enfant, notre santé, notre liberté, notre sécurité, notre carrière; bref, notre avenir » fin de citation.

Quand on voit la façon dont le système éducatif guinéen est abandonné, on se rend compte que le voleur politicien, tel que décrit par Voltaire, est exactement incarné par le gouvernement d’Alpha Condé. Ce gouvernement nous vole nos carrières, l’éducation de nos enfants, leur santé ; bref, il nous vole l’avenir de notre pays. Peut-on accepter que le gouvernement nous vole notre avenir, l’avenir de nos enfants ? Si la réponse est non, levons-nous et protestons qu’on ne nous vole pas notre avenir. Et l’une des manières éloquentes de le faire est de soutenir le combat du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG), que dirige Monsieur Aboubacar Soumah.
Vive l’école guinéenne
Vive la République
Faya L. MILLIMOUNO




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