Et la poignée de main entre Rohani et Obama n’eut pas lieu…

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Il s’en est fallu de peu. Le déjeuner offert par le secrétaire général, Ban Ki-moon, se terminait ; les aides se précipitaient auprès de leurs chefs d’Etat ; John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, franchissait en compagnie de son homologue russe, Sergueï Lavrov, les quelques dizaines de mètres de moquette rouge qui les séparaient de la salle attenante au Conseil de sécurité, où ils allaient discuter de la Syrie.

Tout à coup, une rumeur a fait frémir dans la délégation américaine. Le président iranien, Hassan Rohani, qui n’avait pas assisté au déjeuner, était arrivé dans les locaux des Nations unies. Allait-il, de manière vraiment fortuite – et non pas par l’un de ces faux hasards orchestrés par les diplomates – croiser la route de Barack Obama ‘ Les photographes se sont mis en position au cas où se produirait un événement sans précédent depuis la rencontre de Jimmy Carter avec le chah d’Iran en 1977.

Rapidement, il a été clair que l’heure n’était pas venue. Le président iranien se trouvait bien dans le même périmètre que Barack Obama, mais c’est en fait avec François Hollande qu’il avait rendez-vous. La confirmation est venue un peu plus tard, par la voix d’un haut responsable de l’administration. La rencontre n’aurait pas lieu. “Trop compliqué” pour les Iraniens, a-t-il assuré.

Poignée de main entre le président François Hollande et son homologue iranien Hassan Rohani, mardi 24 septembre, au siège des Nations unies à New York.

“DES BLOCAGES DIFFICILES À SURMONTER”

Selon cette source, les Américains avaient été le matin même en contact avec les Iraniens à un niveau subalterne. Ils avaient fait passer le message qu’ils étaient “ouverts” à une rencontre informelle avec le président Rohani si elle prenait la forme d’une discussion de quelques minutes en marge de l’Assemblée générale, non pas d’un entretien bilatéral formel. Mais les Iraniens avaient décliné, et ce pour des considérations de politique intérieure, par crainte des critiques du camp conservateur à Téhéran.

Ni les Iraniens ni les Américains n’ont tout à fait saisi le moment, aussi bien dans les gestes que dans les discours. Comme si, de part et d’autre, la crainte de se laisser emporter avait prévalu. Barack Obama l’a dit devant l’Assemblée générale : les deux pays ont un passif de trente-cinq ans qu’il sera difficile d’alléger. Il a même fait allusion au renversement du premier ministre Mossadegh en 1953. “Les Iraniens se sont plaints d’une tradition d’interférence des Etats-Unis dans leurs affaires et du rôle de l’Amérique dans le renversement d’un gouvernement iranien pendant la guerre froide”, a-t-il dit. “Les blocages pourraient s’avérer trop difficiles à surmonter.”

Méfiance aussi, côté américain. Après le discours de M. Rohani, ouvert mais bardé des classiques récriminations iraniennes contre les sanctions, la Maison Blanche n’a pas caché qu’il faudrait “plus de travail” pour arriver à mériter un face-à-face substantiel avec le président des Etats-Unis.

“DES ACTES TRANSPARENTS ET VÉRIFIABLES”

En même temps, le grand souci de la Maison Blanche a été de ne pas avoir l’air de fermer la porte. A la tribune, Barack Obama s’est félicité du changement de ton de Téhéran, en notant que M. Rohani a reçu du peuple iranien un “mandat pour suivre un chemin plus modéré” que son prédécesseur. “Je suis convaincu qu’il faut essayer la voie diplomatique”, a-t-il souligné.

Réclamant des “actes transparents et vérifiables”, M. Obama a annoncé qu’il avait mandaté John Kerry pour s’entretenir directement avec son homologue Mohammad Javad Zarif lors de la réunion qui aura lieu jeudi dans le cadre multilatéral des négociations sur le dossier nucléaire iranien, orchestrées par Catherine Ashton, la chef de la diplomatie de l’Union européenne. L’un de ses conseillers a indiqué qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que les Iraniens “modifient leurs positions publiquement” dès le début du processus. “Nous maintiendrons notre attachement à de fortes sanctions”, a-t-il ajouté.

Peu après, des médias iraniens ont indiqué que la délégation iranienne avait boycotté le déjeuner parce que du vin y était servi, une critique déjà portée par Mahmoud Ahmadinejad en 2006. La partie iranienne aura peut-être relevé un signe discret : pendant le déjeuner, Barack Obama s’est abstenu de se montrer avec une boisson alcoolisée. C’est avec une coupe remplie d’eau qu’il a porté un toast aux Nations unies.

lemonde.fr




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