Conakry- l’opération de déguerpissement dans le quartier de Kaporo rails commune de ratoma se poursuit malgré le tollé que cela a suscité au sein de l’opinion. Des populations qui y vivaient depuis plusieurs années ont vu leur concession se faire démolir par les bulldozers du ministère de la ville et de l’aménagement du territoire. Sur place, le constat est alarmant.
Mamadou Billo Bah, 67 ans dit avoir acheté son domaine au début des années 80. Aujourd’hui marié à 4 femmes et père de 7 enfants tous nés dans ledit quartier ne cache pas sa colère: «Je suis venu ici en 1982. Mais lorsque je construisais ma maison, on ne m’avait pas dit que c’était une zone réservée. Pour moi, c’étais une zone d’habitation, mais comme le gouvernement n’a pas pris tout ça au sérieux. Il nous a rien dit à ce propos pour qu’on puisse prendre les dispositions. Mais s’il décide de venir nous déguerpir comme des personnes malhonnêtes, ils nous ont pas prévenu de sortir tôt ni, nous donner un délai», regrette ce sage en phase d’être déguerpi.
Poursuivant son propos, il plaide au chef de l’Etat et à son gouvernement d’arrêter cette opération afin de les permettre de sortir leurs biens « Je prie le président Alpha Condé comme c’est lui que Dieu a donné le pouvoir de nous aider. Nous aussi, nous sommes des enfants de ce pays. On s’est pas où aller en plus nous n’avons personne à part eux pour nous aider. S’ils nous disent de sortir. Nous allons obtempérer mais nous faire sortir de cette façon. C’est vraiment regrettable. Que l’Etat arrête de nous virer de cette manière comme des sauvages. Faire tomber nos maisons sur nous. Qu’il laisse qu’on se comprenne et faire doucement. Nous allons sortir même s’ils n’ont pas averti. Mais on leur demande de faire doucement, le temps qu’on puisse sortir nos biens. Mais si c’est de cette manière, on ne sait pas quoi faire. », Affirme t-il. Devant sa maison, une camionnette était garée, ses épouses et les enfants sortaient les meubles pour embarquer, a-t-on observé sur les lieux.
Pour sa part, Samba Bah déplore le fait que l’Etat n’a pas donné un délai avant de passer à l’acte «s’il savait qu’ils allaient nous faire sortir d’ici, il fallait nous prévenir pour qu’on puisse sortir nos biens avant de démolir nos maisons. Nous avons juste vu les pic-up de gendarmes lancer des gaz lacrymogènes et les bulldozers passer à l’action. Et pourtant en 2016, le président Alpha Condé était venu dire ce qui était gâté était gâté. Mais que désormais personne ne viendra gâter sans l’autorisation de l’Etat mais s’ils viennent maintenant clandestinement gâter nos maisons on ne comprend plus», dit-il devant ses quatre épouses et leurs enfants en larmes.
Plus loin, les buldozzers étaient en action, une vieille rencontrée devant sa maison déjà cochée explique qu’elle n’a pas où envoyer ses meubles. Son époux atteint d’une démence il y’a de cela plusieurs années est assis à ses côtés. Pour elle, il est hors de question de sortir quelque chose. Elle va rester là bas observer la démolition de leur maison car dit-elle, tous ses frères qui pouvaient la venir en aide ont tous construits dans la zone et sont concernés par le déguerpissement.
Au moment où nous quittions les lieux aux environs de 13heures, les émeutes commençaient entre les jeunes en colère et les gendarmes.
En dépit des appels de cessation des opérations lancés par l’opposition républicaine et une partie de la société civile, le département de la ville et de l’aménagement du territoire semble résolu à aller jusqu’au bout afin de récupérer ce site devant abriter l’essentiel des départements ministériels.
Il faut rappeler qu’en 1998 sous le régime du feu général Lansana Conté, une opération similaire avait eu lieu. Plusieurs familles s’étaient retrouvées à la belle étoile. Cela avait aggravé l’insécurité dans l’axe.
Aissatou Diallo et Abdoulaye Maci Bah