Dans le nord du Cameroun, la peur de Boko Haram gagne du terrain

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A “Kerawa-Cameroun”, ville de l’extrême-nord du Cameroun séparée de “Kerawa-Nigeria” par une rivière asséchée, la peur des islamistes armés nigérians de Boko Haram est quotidienne, alimentée par des crimes qui leur sont attribués.

Fin février, des militants présumés de Boko Haram ont enlevé un chef traditionnel camerounais du village de Goumouldi, situé à moins de cinq kilomètres du poste-frontière de Kerawa (900 km au nord de Yaoundé), raconte sous couvert d’anonymat un policier de la ville.

Ils l’ont égorgé en territoire nigérian: “ils ont jeté son corps de leur côté en menaçant de représailles quiconque viendrait le récupérer”, explique le policier. Selon lui, la dépouille a pourri sur place.

Peu avant d’être décapitée, la victime avait communiqué à la gendarmerie locale le nom de trois membres de Boko Haram impliqués selon lui dans le meurtre de son fils aîné, ajoute l’homme.

Des récits atroces similaires abondent dans l’arrondissement de Kolofata, dont dépend Kerawa. “Tous mes anciens collègues sont partis face à la multiplication des tueries. Pour rien au monde, je ne peux me rendre dans la ville d’en face (au Nigeria)”, souligne le policier, selon qui depuis décembre “au moins 50 Camerounais ont été tués dans la zone de Kerawa”. Assis sur un banc de poste-frontière, il feuillette le registre dans lequel est consigné le macabre bilan.

C’est dans cette région qu’une famille française, les Moulin-Fournier, et le prêtre français Georges Vandenbeusch ont été enlevés puis relâchés en 2013. Ces enlèvements avaient été revendiqués par Boko Haram.

– “Les BH sont là” –

A “Kerawa-Nigeria”, les écoles ont fermé sous les menaces des islamistes armés, les fonctionnaires ont plié bagage, comme les personnels de l’hôpital, transformé en camp militaire occupé par près de 500 soldats nigérians.

Malgré cette forte présence militaire, les “BH” – comme on surnomme les membres de Boko Haram dans la région – sont tout près. Ils sont signalés dans des grottes des Monts Mandara (Nigeria), visibles de la frontière camerounaise. Ces grottes ont été pilonnées une fois par l’armée nigériane.

Dans “Kerawa-Nigeria”, le carrefour Poulka, à cinq kilomètres de la frontière camerounaise, a la réputation – côté camerounais – d’être contrôlé par Boko Haram. L’impact des combats entre armée nigériane et les islamistes armés se fait sentir au Cameroun, tout le long de la zone frontalière.

Comme à Amchidé, à une vingtaine de kilomètres de Kerawa. Presque adossée à Banki au Nigeria, Amchidé subit les conséquences de la guerre sans merci que se livrent soldats nigérians et islamistes.

Acculés par l’armée nigériane, des “BH” se sont retranchés dans les environs, d’où ils préparent des attaques contre les positions militaires à Banki. La ville camerounaise est devenue ainsi la cible de tirs de militaires nigérians. Sur les murs de la grande mosquée de la ville, une quarantaine d’impacts de balles témoignent de ces tirs.

D’autres impacts sont visibles au poste de douane de Limani, près d’Amchidé. “Nous ne nous sentons plus en sécurité. Si notre gouvernement ne réagit pas, ça va prendre feu”, prévient un douanier.

Ceux qui sont restés vivent désormais dans la psychose. “Il y a la guerre près de nous (à Banki). Nos c’urs battent toutes les secondes”, confie un habitant de la ville qui a requis l’anonymat, par peur.

“Les BH sont là. On les connaît, mais personne ne peut les dénoncer. Si vous le faites, ils vous retrouveront par tous les moyens et vous tueront”, explique-t-il. “Dénoncer un BH revient à signer son arrêt de mort”, renchérit un religieux.

En plus des meurtres, Boko Haram force désormais certaines filles installées au Cameroun à épouser leurs combattants, selon des habitants.

Récemment, la secte a ainsi enlevé une fille de 18 ans à Amchidé. Et de plus en plus de filles et de femmes des villes frontalières camerounaises et nigérianes se voilent pour éviter les foudres des islamistes armés.

France24/AFP




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