COP21 à Paris: les enjeux de la conférence, la place de la Guinée et de l’Afrique, les sanctions,….

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A quelques heures de l’ouverture de la COP21 dans la capitale Française, notre rédaction a donné la parole à un spécialiste de l’environnement depuis Paris pour nous parler des enjeux de la conférence, le lien entre migration et le changement climatique, la place de la Guinée et tant d’autres sujets. Il s’agit de Monsieur Amadou Diouldé Diallo, diplômé en droit de l’environnement et du développement durable à l’université Paris Descartes et titulaire d’un diplôme en étude internationale, spécialité gouvernance de projet de développement à l’université Paris S.

Lisez l’entretien:

Le sommet sur la COP21 s’ouvre le 30 Novembre à Paris. En tant que juriste spécialisé en droit de l’environnement et du développement durable, expliquez à nos lecteurs de quoi s’agit-il ?

La COP 21 ou la conférence de Paris sur le climat correspond à la 21ème conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique. Comme vous le savez, depuis 1995, les parties à cette convention se retrouvent chaque année pour définir les nouvelles orientations, les nouvelles stratégies et instruments à mettre en œuvre dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques. Ces rencontres annuelles s’inscrivent en droite ligne de la convention cadre des nations unies sur le changement climatique(CCNUCC) à travers la quelle les Etats présents au sommet de Rio de 1992 se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Il ya eu beaucoup de communication au tour de cette conférence, pouvez-vous nous expliquer les enjeux de ce sommet ?

Effectivement, cette conférence fait l’objet d’une campagne médiatique extraordinaire, cela ne s’explique pas seulement par l’urgence et l’ampleur des menaces liées à la dégradation du climat, car je ne suis pas sûr qu’elles aient changé depuis la conférence de Lima de 2014, si la COP 21 est aussi médiatisée c’est aussi parce qu’elle se déroulera à Paris et que les autorités Françaises font du succès de la COP 21 une priorité. Souvenez-vous que c’est à Paris qu’a été adoptée la déclaration universelle des droits humains il y a un peu plus d’un demi-siècle, forte de ce précédent diplomatique de grande portée, impulser un accord international dans un domaine qui pourrait être une nouvelle génération des droits humains serait une confirmation du leadership de la France en matière de diplomatie. Pour revenir à votre question, la conférence de Paris, plus que les précédentes présente des enjeux extrêmement importants. Il s’agit de convaincre les 195 délégations d’adopter un accord international contraignant qui permettrait de limiter le réchauffement climatique en deçà de deux degrés Celsius et qui prendrait le relais du protocole de Kyoto en 2020. Vous imaginez bien la complexité d’un tel idéal quand on sait que les Etats au tour de la table de négociation affichent des réalités différentes, des préoccupations différentes et in fine des intérêts différents. Le sommet de Paris fait le pari de combler les lacunes du protocole de Kyoto en termes d’universalité et d’efficacité en réunissant l’ensemble des Etats de la planète au tour d’un accord juridiquement contraignant. Ce qui a manqué au protocole de Kyoto par exemple. Faut-il rappeler que le protocole de Kyoto n’a pas été adopté par les deux plus grands émetteurs de CO2 au monde à savoir la Chine et les USA et a fait l’objet de désengagement de certains grands pollueurs comme le Canada.

Vous venez d’évoquer la conclusion probable d’un accord juridiquement contraignant lors de cette conférence, est-ce que cela veut dire que la violation de cet éventuel accord sera assortie de sanctions juridiques ?

Vous avez tout à fait raison de vous interroger sur La forme juridique de cet accord potentiel d’autant plus qu’en droit international, la violation d’un accord contraignant fut-il environnemental doit faire l’objet de sanction. Cependant, dans ce cas précis, il est difficile d’imaginer des sanctions à l’endroit d’un Etat qui ne respecterait pas ses engagements. D’abord parce qu’il est extrêmement complexe de se mettre d’accord sur le régime de sanction à mettre en place, ensuite parce que la mise en œuvre des sanctions serait quasiment impossible en l’état actuel du droit. L’absence de juridiction internationale spécialisée en matière d’environnement constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre de telles sanctions. On peut bien imaginer que la cour internationale de justice intervienne mais là aussi faut-il rappeler que les décisions qui seront rendues ne seront obligatoires que pour les Etats qui y auront consenti. Il faut savoir par ailleurs que la contrainte dans ce type d’accord vise plus l’obligation de transparence et l’effet de réputation que des sanctions juridiques.

La Guinée à l’instar de ses autres pairs d’Afrique va participer à ce sommet, quelle peut être la position de la Guinée et des autres pays Africains plus généralement dans les négociations ?

Je ne saurais vous dire avec exactitude la posture qui sera affichée par les Etats Africains lors de cette conférence. Simplement, il faut savoir que dans ces genres de négociations, il n’est pas rare que les Etats Africains, Asiatiques et certains Etats latino-américains affichent une position commune en vue de faire pression sur les grandes puissances occidentales. L’expérience des précédentes COP laisse penser à une polarisation des positions entre les grandes puissances occidentales et les Etas en développement comme ce fut d’ailleurs le cas à Copenhague en 2009 ou encore à Cancun en 2010. Au-delà de cet aspect formel, sur le fond, les tractations seront fondamentalement axées sur le financement. La question du financement est devenu un véritable leitmotiv des pays en développement pour les quels les pays industrialisés, historiquement responsables du changement climatique doivent être en première ligne dans le combat contre le changement climatique. Cela passe nécessairement par l’accroissement de l’aide dédiée à la lutte contre le changement climatique, le transfert de technologie et le financement des politiques d’adaptation. Il faut dire qu’à ce niveau il y a énormément d’effort à faire car on estime à 100 milliards de dollars par an le montant nécessaire pour aider les pays en développement à affronter les défis du changement climatique. Cela peut paraitre exorbitant certes, mais comparativement aux dégâts qui sont imputables aux dérèglements climatiques, on s’aperçoit très vite que le coût de l’inaction est exagérément supérieur à celui de l’action. Il me semble que ces pays ont intérêt à assister les pays en développement au nom du principe de différenciation mais aussi parce que le financement climatique, celui de l’adaptation en l’occurrence peut être un levier pertinent pour combattre à long terme certains « fléaux » dont ils sont confrontés comme l’afflux de migrants que l’on connait aujourd’hui en Europe.

Voulez-vous dire qu’il y a un lien entre la crise migratoire que l’Europe traverse en ce moment et le changement climatique ?

Aujourd’hui le lien entre mouvements migratoires et réchauffement climatique n’est pas à démontrer. La modification du climat constitue une des causes les plus importantes de déplacement des populations. Il faut rappeler qu’en 2014, il y a eu plus de « réfugiés climatiques » que de réfugiés politiques. Si les évènements soudains comme les inondations, les tsunamis ou encore les cyclones restent les plus visibles, d’autres facteurs climatiques plus ou moins lents sont à l’origine des déplacements massifs des populations ces dernières décennies. Il en est ainsi de la sécheresse, de la désertification dont les conséquences immédiates sont la réduction de la superficie des terres arables, la baisse des productions agricoles et l’insécurité alimentaire dans les régions les plus vulnérables. A la question de savoir s’il y a une connexion entre réchauffement climatique et l’afflux de migrants que connait l’Europe ces derniers temps, la réponse est sans doute oui. Il faut savoir que les migrants qui arrivent en Europe aujourd’hui et parfois au péril de leur vie sont de deux catégories : il y a d’une part ceux qui viennent des pays déstabilisés par les récentes révolutions au moyen orient qu’on qualifie de réfugiés politiques, ensuite ceux qui viennent des pays relativement stables notamment de l’Afrique subsaharienne, cette région du monde qui subit de plein fouet les effets du dérèglement climatique. Ces derniers sont qualifiés de migrants économiques et sont donc indésirables en Europe en ce moment de crise économique. Or, en réalité, il s’agit plus de « réfugiés climatiques » qu’autre chose car dans cette catégorie on retrouve le paysan Burkinabé dont les rendements ne suffisent plus à nourrir sa petite famille, l’éleveur du Fouta Djallon dont les pâturages sont complètement dévastés par la sécheresse ou le pêcheur du Cameroun contraint de déposer le bilan compte tenu de l’épuisement des ressources halieutiques . En dépit de l’absence de statut de réfugié environnemental comme c’est le cas pour les réfugiés politiques, force est de constater que les phénomènes climatiques exercent une pression considérable sur ces populations dont la plupart sont peu outillées pour faire face aux conséquences qui en résultent. Face à cette situation, il est de la responsabilité de l’Europe, des pays industrialisés, en tant que principaux pollueurs d’appuyer les pays d’origines de ces migrants dans la mise en place des politiques résilientes aux impacts du changement climatique mais aussi d’accueillir ceux qui bravent les marrées de la méditerranée pour rejoindre l’Europe.

y-a-t-il des chances de trouver un accord lors de cette conférence ?

Il est imprudent d’affirmer avec certitude qu’un accord sortira de cette conférence lorsqu’on connait les désillusions provoquées par les précédents sommets sur le climat. En revanche, il faut dire que le contexte est favorable à la conclusion d’un accord en raison de la volonté politique affichée par les différents acteurs. La dynamique enclenchée par la Chine et les USA, autrefois plus réticents, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre alimente l’espoir de trouver un accord même si l’accrochage diplomatique entre Paris et Washington au sujet de la nature juridique de l’accord a fait resurgir le doute sur la détermination des USA à contribuer à l’inversion de la courbe du climat. Au-delà des engagements politiques au niveau des Etats, le sentiment d’urgence induit par les rapports alarmistes des scientifiques semble de plus en plus partagé par les autres acteurs : collectivités locales, entreprises privées, sociétés civiles. Au vu de ces éléments, il est tout à fait raisonnable d’imaginer que les parties parviennent à un accord à l’occasion de la COP 21 pour sauver la planète, du moins théoriquement, car s’engager est une chose, respecter ses engagements en est une autre.

Merci M. Diallo, c’est à moi de vous remercier

Entretien téléphonique réalisé depuis Conakry par Abdoulaye Maci Bah pour Afrinews

+224 622 44 99 66




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