L’organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen -OGDH- suit attentivement les problèmes politiques, économiques et sociaux du pays et leur répercussion sur les droits de l’homme.
Comme à l’accoutumée la Guinée s’achemine, en octobre 2015, vers une élection présidentielle sur fond de tension entre les protagonistes. Les discours de campagne de l’entre deux tours de la présidentielle de 2010 qui avaient provoqué une profonde fissure du tissu social refont surface notamment pendant les visites que le Chef de l’Etat a effectuées en Haute Guinée. Dans un contexte de forte cristallisation du débat autour des conditions d’organisation de ce scrutin, chacun doit faire preuve de responsabilité pour éviter les propos qui pourraient exacerber les tensions interethniques.
A ce climat de malaise généralisé, une autre question vient de s’inviter dans le débat politique. Le capitaine Moussa Dadis Camara, après avoir démissionné de l’armée guinéenne a décidé de se lancer dans l’arène politique en annonçant sa candidature au prochain scrutin présidentiel. Si à ce jour, le capitaine Dadis n’est pas encore reconnu coupable des massacres du 28 Septembre 2009 et de ce fait peut, au nom du principe de la présomption d’innocence, briguer tout mandat électif en Guinée parce que non déchu de ses droits civiques, l’OGDH estime qu’il est moralement malséant de solliciter les suffrages des Guinéens avant de s’acquitter du devoir de se présenter aux juges afin que ceux-ci se prononcent sur son degré d’implication dans ces massacres.
Même si le capitaine Dadis a accédé au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels, en violation de tous les instruments juridiques nationaux et internationaux auxquels la Guinée est partie, notamment la Charte Africaine
sur la Démocratie les Elections et la Gouvernance, le protocole additionnel de la CEDEAO sur les élections et la démocratie, il a conduit les destinées de la Guinée au moment des faits.
A cet effet, verser au chapitre des pertes et profits les crimes graves commis à cette époque et briguer un quelconque mandat électif est une insulte à la conscience nationale. Surtout qu’il était « chef suprême » des forces qui ont sévi au stade en 2009.
L’OGDH, encore une fois, réitère son attachement aux principes universels des droits de l’Homme qu’elle défend et défendra toujours dont principalement la lutte contre l’impunité qui constitue un terreau favorable à la perpétuation des violations des droits de l’Homme.
Elle rappelle à cet effet à tous les acteurs politiques voulant solliciter le suffrage des Guinéens que tout acte visant à compromettre les chances de faire aboutir les procédures judiciaires portant sur les massacres du 28 Septembre 2009 sera perçu comme une tentative d’entrave à la lutte pour l’instauration d’un Etat de droit et une volonté manifeste de perpétuer l’impunité.
En conséquence, elle lance un appel pressant:
· Aux acteurs de la société civile, notamment aux ONG de défense des droits de l’Homme membres de la plateforme de lutte contre l’impunité, afin qu’ils ne se laissent pas gagner par le découragement et qu’ils travaillent au coude à coude en vue d’obtenir justice pour les violences perpétrées contre d’innocentes personnes aussi bien en Janvier 2007, qu’en septembre 2009 et Octobre 2010.
· Aux acteurs politiques afin
– qu’ils considèrent les élections comme le moyen privilégié d’accéder sans violence, au pouvoir. Faire de ces élections une source potentielle de conflit du fait d’un refus catégorique de s’engager dans un dialogue constructif pourrait conduire la Guinée dans une situation susceptible de fragiliser le processus démocratique acquis dans la douleur.
– qu’ils s’approprient les dix engagements qui leur ont été proposés par le collectif des OSC guinéennes et étrangères le 26 mai 2015.
· Aux institutions républicaines, singulièrement à la CENI de jouer le rôle qui leur est dévolu par la loi afin qu’elles préservent la Guinée de lendemains incertains.
· Aux autorités judiciaires en charge du dossier du 28 septembre afin de ne pas se laisser distraire par les agitations politiques qu’entretiennent ceux qui voudraient compromettre les chances d’aboutir à un procès équitable des présumés responsables des crimes du 28 Septembre 2009. La candidature annoncée du Capitaine Dadis à l’élection présidentielle ne devrait avoir aucune influence sur les procédures judiciaires en cours. Les juges devront, en toute indépendance et dans la célérité poursuivre leur travail et ne devront fonder leur décision que sur leur intime conviction.
· Au Président de la république, premier magistrat du pays, garant de la Constitution et de l’unité nationale, de s’abstenir de tous propos et de tous actes qui stigmatisent et qui pourraient exacerber les tensions intercommunautaires. Il doit veiller à ce que l’élection qui constitue le meilleur moyen pour le citoyen d’exprimer son choix, ne soit pas une source de psychose pour la population.
· A la communauté internationale pour qu’elle continue à accompagner la Guinée dans la
poursuite du dialogue entrepris par les acteurs du processus électoral afin que ceux-ci
aboutissent à des accords acceptés et respectés par tous.
Pour le Bureau Exécutif de l’OGDH
Le Président
Dr Thierno Maadjou SOW