Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs les Délégués,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un grand honneur, en ma qualité de Président en exercice de l’Union Africaine, que je prends la parole dans ce creuset du multilatéralisme pour m’adresser à cette auguste assemblée, réunie autour du thème : « Priorité à l’être humain : paix et vie décente pour tous sur une planète préservée », thème d’une pertinence particulière pour le continent.
Au demeurant, Monsieur le Président, je tiens à vous exprimer mes chaleureuses félicitations suite à votre élection à la présidence de la 72ème session ordinaire de l’Assemblée générale. Je ne doute point du dynamisme que vous imprimerez à nos travaux dans la perspective de renforcer l’action de votre prédécesseur, M. Peter Thomson, à qui nous rendons un vibrant hommage pour avoir fait de l’Afrique sa priorité, donnant ainsi une impulsion remarquable à la mise en œuvre de l’Agenda de développement 2030.
Monsieur le Président, L’Afrique, jadis subjuguée, corvéable et malléable à dessein, et marginalisée s’est éveillée. Elle s’est redressée pour mener le combat du développement durable, de la justice et de la bonne gouvernance. Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique est décidée à prendre son destin en main avec la ferme détermination d’être l’acteur principal de son développement et de jouer pleinement son rôle dans la gestion des affaires internationales. Certes, la tâche ne sera pas aisée, mais nous avons foi car nous avons les potentialités et les atouts nécessaires pour hisser notre Continent au rang des plus grands sur la scène internationale. Dans cette optique, l’Afrique tend une main sincère et amicale à tous les partenaires de bonne volonté, conscients :
-qu’il n’y a de bonheur véritable que lorsqu’il est partagé ;
-qu’il n’y a de richesse que lorsqu’elle équitablement répartie ;
-qu’il n’y a de partenariat viable et porteur que lorsqu’il est d’égal à égal ;
-qu’il n’y a de paix véritable que lorsqu’elle est inclusive ;
-qu’il n’y a de développement durable que lorsqu’il respecte et consolide la dignité des peuples.
Monsieur le Président, L’interdépendance des défis auxquels l’humanité est confrontée nous impose un changement de paradigme dans nos perceptions et actions, notamment en ce qui concerne l’Afrique dont les priorités doivent être appréhendées non par empathie, mais plutôt par pragmatisme, car il n’y a plus de destin isolé dans ce monde. Les flux massifs de réfugiés, les migrations à grande échelle, les catastrophes naturelles, les grandes pandémies qui interpellent aujourd’hui notre conscience collective, constituent la triste illustration de cette réalité. Cette nouvelle approche devra mettre davantage l’accent sur l’être humain et la restauration de sa dignité, si nous voulons éradiquer la pauvreté et atteindre les objectifs des Agendas 2030 et 2063 de l’Union Africaine. L’adoption de l’Agenda 2030 au plan international et de l’Agenda 2063 au plan régional constituent une grande avancée dans notre lutte contre la pauvreté, pourvu que nous respections nos engagements.
Monsieur le Président, Le retard de l’Afrique n’est pas une fatalité. L’Afrique a été le continent le plus dynamique au cours de cette dernière décennie. Selon les prévisions du FMI et de la Banque mondiale, cette croissance se poursuivra en dépit de la chute des prix des matières premières fixés en dehors du continent, et dont nos économies restent fortement dépendantes. Face à cette situation, nous devons diversifier nos économies, et les rendre plus résilientes, à travers davantage d’investissements dans les secteurs véritablement porteurs de croissance durable, tels que l’agriculture, les infrastructures, les technologies de la communication et de l’information, et l’énergie. L’industrialisation et la transformation structurelle auxquelles l’Afrique aspire est tributaire de notre accès à l’énergie, mais surtout de l’intégration économique du continent, à travers la mise en œuvre effective de la Zone de Libre Echange Continentale, prélude au marché commun africain. La soif de prospérité des Africains, portée avec beaucoup de dynamisme et d’énergie par sa jeune population, est appréhendée avec vigueur par les Dirigeants Africains qui ont décidé de consacrer le thème de l’année 2017 de l’Union Africaine à la Jeunesse, et de proclamer la période 2018-2027 « Décennie africaine pour la formation et l’emploi des jeunes dans les domaines technique, professionnel et entrepreneurial ». L’Union Africaine s’est résolument engagée à trouver des solutions pérennes aux nombreux défis auxquels les jeunes sont confrontés, en vue de faire de cette couche sociale qui représente 70% de notre population, le véritable moteur du développement de notre continent. Cela constitue le gage de la stabilité, de la sécurité, de la paix et du développement harmonieux et durable de notre planète. Aussi, je n’aurai de cesse de plaider en faveur de l’initiative africaine visant au recrutement, à la formation et au déploiement de deux millions d’agents de santé communautaires sur l’ensemble du continent. J’appelle la communauté internationale à soutenir cette initiative qui permettra à la fois de créer des emplois décents, de prévenir les pandémies, et d’assurer le bien-être de nos populations.
Monsieur le Président, L’Afrique a décidé de se prendre en charge et de parler désormais d’une seule voix pour trouver des solutions pérennes à ses problèmes. Nous avons entamé un processus de réforme institutionnel pour renforcer l’efficacité de notre organisation, rationaliser son action, raffermir son autonomie politique, économique et financière lui permettant ainsi de jouer un rôle d’avant-garde sur la scène internationale. La décision de Kigali visant à prélever 0.2% sur les importations éligibles en vue du financement de l’Union Africaine, participe de cette volonté de l’Afrique d’assumer ses responsabilités. Dans la même veine, nous sommes déterminés à œuvrer pour l’extinction des foyers de tensions en Afrique, par la promotion du dialogue et de solutions africaines. Nous exhortons la communauté internationale à inscrire son action dans ce crédo, notamment en Libye, en République centrafricaine, en République Démocratique du Congo, ou encore au Burundi, où certaines initiatives parallèles inhibent le retour de la stabilité. L’Afrique ne doit plus rester en marge des décisions qui la concernent. Pour ce faire, elle entend œuvrer à la mise en place d’une architecture institutionnelle internationale capable d’opérer les changements légitimement attendus par nos peuples. Le Conseil de sécurité des Nations Unies qui a la responsabilité primaire du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, ne reflète plus les réalités actuelles. Comment comprendre que l’Afrique qui constitue la 3ème puissance démographique du monde ne soit pas représentée à un niveau approprié au sein du Conseil de sécurité, alors que 70% des questions y débattues concernent l’Afrique. Il est temps de réparer cette injustice qui n’a que trop duré. Nous réitérons la pertinence de la position commune africaine telle que contenue dans le Consensus d’Ezulwini. Nous exigeons l’élargissement du Conseil de sécurité dans les deux catégories de membres dont deux sièges permanents et un total de cinq sièges non permanents pour l’Afrique, choisis par l’Union Africaine. Aussi, à défaut de l’abolition du veto, les nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité devront avoir les mêmes prérogatives et privilèges que les membres actuels.
Monsieur le Président, Dans la gestion des crises et conflits qui affectent l’Afrique, l’Union Africaine privilégie l’approche régionale. Le partenariat entre les Nations Unies et l’Union Africaine doit en cela s’inscrire dans une dynamique de renforcement des capacités d’actions des régions, seules à même de mieux comprendre les causes profondes des crises et conflits, et de leur trouver des solutions idoines. A cet égard, la résolution 2359 (2017) relative au déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel, constitue un jalon important vers la concrétisation du partenariat que nous ambitionnons sur les questions de paix et sécurité en Afrique.
Je voudrais renouveler notre appel en vue de la mobilisation effective des ressources indispensables à l’opérationnalisation de cette Force. L’Union Africaine ne ménagera aucun effort pour faire face à sa responsabilité de contribuer à hauteur de 25% au financement des opérations de maintien de la paix en Afrique mandatées par le Conseil de sécurité, dans la perspective de faire taire les armes à l’horizon 2020. Nous nous réjouissons en cela de la vision du Secrétaire général, M. Antonio Guterres, mettant au cœur de son action la quête de la paix, en accordant une attention particulière à la diplomatie préventive.
L’Union Africaine adhère totalement à l’approche privilégiant la prévention, la médiation, la promotion du dialogue et des solutions politiques pacifiques et la consolidation de la paix, car moins coûteuse que les opérations de maintien de la paix dont l’efficacité suscite beaucoup d’interrogations.
Nous encourageons l’élan de réforme engagé par vous, M. Guterres, notamment la restructuration de l’architecture de paix et de sécurité, tout en rappelant qu’une réforme globale de l’ONU, pour qu’elle soit viable et effective, doit être inclusive de tous les Etats membres qui doivent pouvoir apporter leurs contributions, à travers les processus intergouvernementaux dédiés. S’agissant du terrorisme et de l’extrémisme violent, l’Union Africaine condamne avec la plus grande fermeté les actes barbares qui ont frappé le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Royaume-Uni, l’Espagne, la France, l’Iran, et réitère sa profonde sympathie et sa solidarité aux Gouvernements et aux peuples affectés par ces crimes odieux.
L’Union Africaine estime que seule une coopération internationale accrue, notamment dans l’échange d’informations et de renseignements, permettra de faire face à ce fléau, et de tarir ses sources de financement. Il va sans dire que nos objectifs ne seront pleinement atteints que si des efforts supplémentaires sont déployés pour éradiquer la pauvreté, l’exclusion et la radicalisation.
Monsieur le Président, Comment rester silencieux face aux supplices quotidiens du peuple palestinien, victime de l’occupation ? L’Union Africaine réitère son soutien indéfectible au peuple martyr de Palestine dans sa lutte légitime pour la réaffirmation de son droit inaliénable à l’indépendance. L’Afrique demeure convaincue que toute solution viable et durable au conflit israélo-palestinien passe nécessairement par la création de deux Etats vivant côte à côte, en toute sécurité dans des frontières sûres et internationalement reconnues, sur la base de celles d’avant 1967. Aussi, nous demeurons profondément préoccupés par la situation qui prévaut dans la péninsule coréenne et nous appelons toutes les parties à la retenue. Nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une dénucléarisation totale de la péninsule, conformément au Traité de Non-Prolifération nucléaire.
Monsieur le Président, Le XXIème siècle sera sans doute un siècle où les Africains vont davantage compter et de façon décisive, car il y a un sentiment de plus en plus marqué chez les Dirigeants et la jeunesse Africaine que l’heure du renouveau est venue. Les femmes et les jeunes africains sont déterminés à écrire une nouvelle page de l’histoire de l’humanité. Donnons-leur cette opportunité, ou ils la prendront d’eux-mêmes. Ensemble, construisons donc une mondialisation plus humaine et plus positive. Rendons notre planète plus sûre et préservons là. Pour ce faire, l’agenda 2030, le plan d’action d’Addis-Abeba, et l’accord de Paris sur le climat nous servent de cadre de référence, œuvrons à leur mise en œuvre effective.
Je ne saurais terminer sans lancer un appel pressant à la communauté internationale pour une meilleure assistance à la Sierra Léone, affectée par l’une des pires catastrophes naturelles de son histoire. Nous exprimons une nouvelle fois, notre compassion et notre solidarité au peuple et au Gouvernement de ce pays frère.
Je vous remercie.