Comme tous les ans, le Rwanda a commencé à commémorer depuis hier le génocide rwandais. Le 7 avril 1994, il y a 21 ans, débutait en effet, le massacre de près de 800.000 personnes, essentiellement tutsies.
Cette année encore, cette commémoration est assombrie par les relations difficiles entre Kigali et Paris. Et dans la presse rwandaise, le ton est donné avec cet éditorial du Rwanda Times : « lorsque des terroristes ont pris d’assaut les bureaux de l’hebdomadaire Charlie Hebdo et assassiné de sang froid 12 personnes, le monde entier a été mobilisé pour condamner l’attaque, rappelle le quotidien rwandais. Les dirigeants de la planète, même de l’Afrique, ont défilé dans les rues de Paris en signe de protestation. Charlie Hebdo était sur toutes les lèvres et les prières de chacun. Plus près de nous, poursuit Rwanda Times, lorsqu’un autre groupe de terroristes a assassiné 150 étudiants de l’Université de Garissa au Kenya, les médias occidentaux en ont à peine parlé. Il n’y a eu aucune effusion de sympathie et de colère comme on l’a vu dans les rues françaises. Alors, s’interroge le quotidien rwandais, pourquoi devrait-on être surpris que les cerveaux du génocide de plus d’un million de Rwandais se promènent dans les mêmes rues de Paris en toute impunité ‘ La réponse est simple : leurs victimes étaient sans conséquence. Cette forme de deux poids deux mesures sape l’esprit du ‘jamais plus’, s’exclame Rwanda Times. Les dirigeants mondiaux doivent prêcher par l’exemple et accorder une attention égale aux atrocités et leurs conséquences partout où elles ont eu lieu. »
Alors qui sont ces cerveaux du génocide qui se promèneraient en liberté dans les rues de Paris ‘ Le quotidien rwandais ne le précise pas.
Apaisement
En tout cas, la France a fait un geste d’apaisement hier en annonçant la déclassification des archives de l’Elysée sur le Rwanda de 1990 à 1995.
« Enfin que tout la lumière soit ‘ », s’interroge le site d’information Fasozine. « On ne sait encore s’il faut la qualifier de +bonne nouvelle+, mais force est de reconnaître qu’il y a longtemps que le geste était attendu, pointe le site burkinabé. Aussi bien du côté de l’Afrique, et particulièrement du Rwanda, que de la France où les archives sur le génocide rwandais ont été jalousement gardées jusque-là. Désormais, c’est chose faite. Ceux qui le désirent peuvent consulter les traces et autres indices gardés par les bons soins de l’Elysée entre 1990 et 1995. » Qui plus est, souligne encore Fasozine, « au-delà du recours à ces précieuses archives pour le soulagement de la mémoire universelle, il faut nourrir l’espoir que ce pas qualitatif fait par la présidence française en vue de la manifestation de la vérité contribue aussi à fluidifier l’axe Paris-Kigali. C’est le moins que l’on puisse espérer pour ces deux pays unis par l’histoire, mais aussi par les valeurs de justice et de fraternité. Que la lumière soit, pour que les mémoires s’éclairent pour mieux se réconcilier. »
Le quotidien Aujourd’hui toujours au Burkina, est sur la même ligne : « que pouvait-on trouver de plus symbolique à ce 21e anniversaire du génocide rwandais qu’un tel geste qui dénote d’un grand pas de l’Hexagone en vue d’améliorer ses rapports avec le Rwanda ‘ En clair, avec cette déclassification, peut-être en saura-t-on encore un peu plus sur cette fameuse opération Turquoise, qui ne passe pas au Rwanda. A maintes reprises, Paul Kagamé n’a pas mâché ses mots pour dire que la France n’a pas encore fait acte de contrition, et qu’il faudra un jour en arriver là, avant que les relations ne soient assainies entre les deux pays. » Mais souligne aussi Aujourd’hui, « il est peut-être temps que les deux pays retrouvent une osmose diplomatique, à condition que certaines vérités se sachent, que des responsabilités soient situées. La Belgique a déjà battu sa coulpe, peut-être que la France n’ira pas jusque-là, mais par petites touches comme cette déclassification qui ressemble à un rapprochement via ce douloureux passé. D’ailleurs la réaction du Rwanda après cette déclassification semble aller dans ce sens, même si comme toujours Kagamé reste sur la défensive. »
La fin du silence !
Enfin, dans la presse française et africaine, cette tribune signée par plusieurs dizaines d’intellectuels et politiques français… Une tribune adressée au président de la République et intitulée « Silence français sur le génocide au Rwanda ». En voici un extrait : « cela fait vingt et un ans qu’une violence inouïe s’est abattue sur les Tutsis au Rwanda. Alors que, à des milliers des kilomètres de Paris, les rescapés pleurent leurs disparus, sur les collines ou au cœur des villes, ils ont besoin de l’énonciation de la vérité pour relever un peu la tête, pour apaiser l’incommensurable douleur, pour continuer à vivre ou à survivre. Monsieur le Président, pour eux comme pour la France et les Français, vous devez mettre fin au silence et énoncer, avec clarté, la vérité sur le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994. »
RFI