Seraient-ce les premiers signes d’une reconfiguration de la scène politique en Guinée ? Le gouvernement de transition a présenté vendredi 14 mars le rapport final de la campagne d’évaluation des partis politiques de l’an dernier. Résultat : suspension pour trois mois du RPG, l’ancien parti au pouvoir du président déchu Alpha Condé. Même traitement pour l’UFR de l’ex-Premier ministre Sidya Touré. En revanche, le parti UFDG, principale force d’opposition dirigée par Cellou Dalein Diallo, peut continuer ses activités, à condition d’organiser un congrès avant les deux prochains mois.
C’est officiellement pour assainir l’espace politique guinéen que le ministère de l’Administration du territoire a procédé à cette évaluation, explique Mme Camara Djenabou Touré, la directrice des affaires politiques du département au micro de notre correspondant à Conakry, Mouctar Bah : « Quelqu’un qui a passé 50 ans à gérer son parti sans pouvoir céder, donc, ça veut dire que c’est une entreprise personnelle quand il arrive au pouvoir, je vous dis, ne vous attendez pas à voir la démocratie au sommet de l’État ».
Sur les 28 partis suspendus, les plus notables sont le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et l’Union des forces républicaines (UFR), respectivement dirigés par Alpha Condé et Sidya Touré, tous deux en exil, mais toujours des poids lourds du jeu de pouvoir guinéen. Le ministère de l’Administration territoriale leur reproche de ne pas avoir fourni la preuve de leur existence bancaire, ou de ne pas avoir tenu de congrès dans le dernier trimestre.
La suspension ne dure que trois mois, mais cette décision sonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique national. Le Rassemblement du peuple de Guinée, autant historique qu’intransigeant parti d’opposition avant l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, et l’Union des forces républicaines de Sidya Touré, sont nées au moment de l’instauration du multipartisme dans les années 1990.
« La volonté n’est rien d’autre que de faire en sorte de créer les conditions pour que le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement) soit seul le terrain et consolider son pouvoir acquit par les armes, c’est ce qui est regrettable », assure Fodé Baldé, porte-parole de l’UFR.
L’UFDG, également trentenaire, devenue première force d’opposition, échappe à la suspension, à condition de tenir son congrès sous 45 jours, soit avant le mois de mai. Le parti de Cellou Dalein Diallo, aussi en exil, avait déjà fixé une date pour tenir le congrès les 19 et 20 avril 2025. Mais surprise, en fin février, la justice guinéenne lui ordonne de suspendre l’événement, suite à des plaintes liées à des rivalités internes.
« Quelque peu déçu, mais, plus ou moins satisfait du résultat, déclare Joachim Baba Millimouno, chargé de la communication de l’UFDG. Mais, aussi inquiétant, pourquoi, par ce que cela pourrait s’apparenter à un processus d’épuration masquée de la classe politique, une manière probablement de lettre à la touche ou à la retraite un certain nombre de leaders jugés gênants ».
RFI