Guinée: des députés hantés par des réclamations égoïstes (opinion)

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« Ce n’était que des espoirs ratés. Eux qui auraient dû être la solution des problèmes, ils ne l’étaient en rien, c’étaient plutôt eux, le problème à la lumière de la vérité ». Tierno Monenembo dans son Roman les Crapauds Brousse.

13151681_884040768391567_6725938885712667990_nSi le Parlement guinéen, l’un des détenteurs de la souveraineté populaire, est investi du pouvoir législatif (élaboration et vote des lois), et chargé de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer les politiques publiques, afin de satisfaire l’intérêt supérieur de la nation, force est de reconnaitre que l’attitude de certains membres de cette institution républicaine s’éloigne visiblement de ces nobles tâches.Ce Parlement monocaméral représentatif du peuple guinéen, portant le nom d’Assemblée nationale dont ses membres portent le titre de députés au terme de l’article 59 de la Constitution, est depuis sa dernière élection en septembre 2013, dans une politique du micro onde entre augmentation et baisse de la température si complexe et inefficace, qu’il crée plus de difficultés qu’il n’en résout. Eux qui auraient dû laver les affronts du passé et guérir les menaces futures, pour paraphraser l’écrivain Alain Mabackou. Étant donné qu’ils se montraient les plus hostiles à toute politique du pouvoir, au motif déclaré qu’il s’agit d’un procédé contraire à la loi du progrès, aujourd’hui ce sont les mêmes qui bafouent avec énergie les questions d’enjeu national pour des réclamations égoïstes et injustes. Pourtant, il leur appartient, plus qu’à tout autre, d’affirmer la supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Comme l’écrit Pierre Rosanvallon : « La philosophie républicaine de l’intérêt général implique une certaine exemplarité de comportement ». Dans le même sens, l’humoriste français Coluche avait raison de dire que « dans la chambre des députés : la moitié est bonne à rien, les autres sont prêts à tout ». Cette affirmation éclaire le comportement de certains élus guinéens à un point où l’on se demande qui fait quoi dans l’hémicycle ?Et comment en sommes-nous arrivés là ?

De l’eau a coulé sous les ponts depuis leurs dernières élections.Ces élus de la nation sont conduits à rechercher la surenchère lors des débats à l’assemblée plus préoccupés à leur autosatisfaction quitte à faire recours aux violences physiques ou cesser des travaux parlementaires pour faire des revendications illégitimes, partisanes et honteuses telles l’augmentation d’indemnité mensuelle et octroi par extension de passeports diplomatiques pour leurs femmes et enfants, alors que leurs concitoyens sont empêtrés dans les ténèbres de la souffrance au regard de l’indécence de leur niveau de vie et de la crise identitaire exacerbée. Les guinéens sont pris finalement en tenaille entre députés agresseurs et députés larmoyants de revendications égocentriques.

A quand la prise en compte des droits légitimes des citoyens ordinaires, pour qui ils ont promis monts et merveilles ?Si les guinéens croyaient avoir élu des représentants, ceux qui devraient d’abord et avant tout être au service du développement national, il n’en était rien.Ces députés une fois passés de l’autre côté du miroir, sont assourdis par la quête du bonheur personnel au point de ne plus entendre la souffrance du peuple. Ils oublient, ignorent et méprisent éperdument les pauvres citoyens qui vivent de plus en plus sous le seuil de l’extrême pauvreté.Leur mépris, pour ne pas dire, au-delà des mots, est si révoltant qu’on ne peut que souscrire à la thèse de Hannah Arendt selon laquelle : « La fureur n’est en aucune façon une réaction automatique en face de la misère et de la souffrance en tant que telle ; personne ne se met en fureur devant une maladie incurable ou un tremblement de terre, ou en face de conditions sociales qu’il parait impossible de modifier. C’est seulement au cas où l’on a de bonnes raisons de croire que ces conditions pourraient être changées, et qu’elles ne le sont pas, que la fureur éclate […] ». Cela est d’autant plus vrai qu’on a tendance à dire qu’une des solutions pourrait consister à introduire dans les textes la validité du mandat impératif. Ce qui revient à rendre l’élu tributaire de certaines obligations auxquelles il ne peut déroger. Il s’agit concrètement de lui demander des comptes, donc de le soumettre à une obligation de résultat et en cas d’insatisfaction, d’avoir la possibilité de prononcer sa révocation et par conséquent sa destitution qui peut prendre la forme d’une pétition et par voie référendaire.

Il n’est, somme toute, pas si surprenant de constater la faiblesse des progrès de cette assemblée nationale en dépit de la volonté ardente manifestée par le peuple de Guinée pour faire bouger enfin les lignes dans le bon sens. Or, la chose est ancienne et connue,ces élus bénéficient de moult avantages et privilèges qui sont prévus et protégés non seulement par la Constitution mais aussi reprécisés par la loi organique portant organisation et fonctionnement de l’Assemblée nationale afin de leur permettre d’exercer au mieux leur fonction dont l’enjeu dépasse des revendications individualistes. En effet, si les élus du peuple bénéficient de l’immunité parlementaire qui s’inscrit dans les traditions constitutionnelles et coutumières guinéennes selon laquelle les députés doivent être protégés dans le cadre de leurs fonctions des actes d’intimidation en leur offrant une double immunité de juridiction, l’irresponsabilité et l’inviolabilité.Ce n’est pas pour alimenter leurs petites guerres de « pinailleurs » dans lesquelles ils préfèrent souvent s’enliser, mais pour qu’ils galvanisent leurs énergies en vue de l’émergence d’un pays uni et prospère. De même, cette immunité qui recouvre l’ensemble des dispositions leur accordant un statut juridique dérogatoire au droit commun dans leurs rapports avec les autres entités afin de préserver leur indépendance, devrait plutôt motiver leur volonté et leurs actes pour la défense des intérêts nationaux, au lieu de leur servir de tremplin pour faire des revendications personnelles soient-elles justifiées, surtout dans un contexte socio-économique, on ne peut plus, désastreux.

Alors que l’irresponsabilité parlementaire vise à protéger les députés de toute poursuite pour des actions accomplies dans l’exercice de leur mandat, l’inviolabilité parlementaire précise qu’aucun député ne peut faire l’objet, en matière pénale, d’une arrestation qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée nationale sauf en cas de flagrant délit. La première recouvre un caractère absolu, perpétuel et d’ordre public et fait allusion à la liberté d’expression en excluant les propos tenus par un député en dehors de ses fonctions.La seconde concerne, quant à elle, non seulement les infractions pénales pour des faits commis en dehors des fonctions parlementaires, mais aussi celles commises dans l’exercice des fonctions parlementaires non rattachables à elles. De cette définition lexicale découle une signification complémentaire. En d’autres termes l’immunité parlementaire n’a pas une étendue indéterminée. En effet, elle ne doit pas être comprise comme un privilège d’impunité allant à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la loi. Elle n’a pas une étendue illimitée. Il s’agit simplement d’une immunité particulière pour reprendre les Professeurs Pierre Avril et Jean Gicquel.Par ailleurs, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale l’explicite davantage,mais malheureusement ces députés n’en ont cure de ces précisions terminologiques. Ils ont d’autres desiderata. Cela est d’autant plus vrai qu’un député de l’opposition guinéenne, dans un excès de revendication, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis par le Tribunal de première instance de Mafanco le 13 août 2015 suite à une violente altercation avec le PDG d’une société d’importation de véhicules. Et sur le fondement des dispositions de l’article 65 de la Constitution guinéenne, cette condamnation ne souffre d’aucune irrégularité. Le député avait été poursuivi et jugé pour des infractions de droit commun donc détachables de son rôle classique d’élu du peuple sans aucune méconnaissance de son inviolabilité parlementaire.

Alors qu’on s’indigne contre le laxisme de la justice dans cette affaire abracadabrante, ce truculent député connu pour ses prises de position jugées à la fois audacieuses et radicales, et semant le branle-bas dans le jeu politico-médiatique, ne cesse de s’attirer sur la tête des décharges de foudres des personnalités de tout bord. Et comme on pouvait s’y attendre, en arrière-plan des critiques de ses adversaires politiques aussi bien dans l’opposition que dans la mouvance, se devine l’idée de profiter de ses obligations dues au titre de sursitaire pour briser les ailes de son imagination, quitte à poser une épée de Damoclès sur sa liberté d’expression. Le but étant de l’intimider, d’amoindrir sa personnalité encombrante.Tout cela reste une démonstration éclatante que ces gens-là sont aiguillonnés par un abyssal plein de soi. Mais attention !Ce peuple guinéen, si tolérant, est aussi violent, comme l’a montré son histoire.

Kalil Aissata KEITA

Doctorant en droit public

Enseignant chercheur au

CUREJ-Université de Rouen-France

Chercheur à l’institut Thinking Africa

Tél : 0033624796811

E-mail : kalil208@yahoo.fr

 




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