Guinée: ce décevant ministre trompe l’espérance

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Jusque-là, le ministre Sako projetait l’image d’un ministre qui gardait la tête entre les deux épaules. Mais apparemment, Cheick Sako n’a rien à foutre de cette considération quitte à outrepasser ses prérogatives en s’érigeant en procureur pour menacer de réclamer la levée de l’immunité parlementaire du député de Gaoual.

Sa nomination avait été considérée comme un signal fort par tous les citoyens ou presque qui y voyaient par ce geste du chef de l’Etat une volonté manifeste de rendre enfin effective la réforme de la justice guinéenne. Le promu avait des atouts qu’aucun de ses prédécesseurs à la tête de garde des Sceaux ne possédaient.

De ce fait, cela donnait quand même un espoir sur une éventuelle instauration d’une vraie justice dans le pays. Car, n’ayant jamais travaillé en Guinée, à priori Me Cheick Sako n’avait donc aucun intérêt à défendre, sinon que la justice. Partant, il avait  toutes les occasions pour réussir sa mission à condition de refuser d’être pris en otage. Hélas, l’espoir est déchu !

Comment se peut-il que ce docteur en Droit, adulé des citoyens de toutes tendances confondues, sorti tout droit du Barreau de Montpellier où il était inscrit depuis le 31 mars 1992, puisse ignorer à tel point le droit ? En menaçant de saisir l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Gaoual Diallo, Me Sako s’est arrogé les prérogatives du procureur de la République. Puisqu’il n’est pas  sans savoir qu’en principe, c’est seulement le procureur qui doit  mettre en mouvement l’action publique contre une personne (lire interview du juriste Mohamed Camara).

Quelle qu’en soit la faute commise par qui qu’il soit, on ne doit pas outrepasser les lois et prétendre corriger la violation du droit. C’est par la loi seule qu’on punit et qu’on redresse quand le droit est violé. Les textes juridiques sont plus forts que les humeurs d’un ministre qu’il soit de la Justice, garde des Sceaux. Le ministère de la Justice est différent de la justice. Les deux d’ailleurs ne relève pas d’un même pouvoir. L’un relève de l’Exécutif et l’autre du judiciaire. Et la séparation des pouvoirs (l’Exécutif, le Judiciaire et le Parlementaire) est consacrée par la Constitution guinéenne.

La Guinée, pays de malchanceux !

‘‘L’Etat c’est la continuité’’, dit-on. Mais, le bon sens voudrait qu’on s’appuie sur les acquis positifs du prédécesseur et non sur ses ‘‘bêtises’’. En fouinant dans l’histoire de la Guinée, l’on est amené vite à comprendre que seul l’Exécutif est le seul véritable pouvoir qui écrase tous les autres. Sous la première République, les guinéens ont vécu sous le culte de la personnalité. Sékou Touré était considéré comme un petit dieu. Il avait le droit de vie et de mort sur le peuple qu’il a martyrisé à volonté. Le Camp Boiro en est une parfaite illustration de certaines des bavures totalitaires de son régime.

«Les orteils des jeunes doivent se poser strictement sur les traces des anciens». On doit le brevet de cette belle citation à Amadou Hampâté Bâ qui toutefois avait pris soin de souligner que cela est nécessaire que si les ainés étaient sur le droit chemin. Alors sous la seconde République, le général Lansana Conté avait déclaré : «C’est moi la justice. C’est moi la loi». Parait-il que les faits sont en train de se reproduire sous le règne d’Alpha Condé quitte à violer les lois du pays. Le chef de l’Etat lui-même avait, en 2010 dans un discours, fait savoir qu’il y a un groupement ethnique apatride dans le pays et qu’il fallait qu’il parte. Sous Sékou Touré, ils étaient « des traitres dont il faut couper les têtes, les queues». Et maintenant, ils sont devenus «somaliens, mauritaniens bref des étrangers» dont il faut spolier et exclure.

Où était le ministre Sako quand les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les manifestants entre 2012 et 2015 ? Le ministre Diaouné, Fatou Boiro, Ghussein, Lincoln avaient tous été tués ici. Le ministre n’a jamais bronché. Il n’a jamais «dénoncé au Procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance». Mais quand un élu du peuple critique une décision judiciaire, le ministre est prompt à brandir des menaces. Quelle honte, c’est vraiment dommage ! Certes, on ne doit pas critiquer une décision de justice. Le député a tort lui aussi. Mais cette attitude de Me Sako donne l’impression qu’en Guinée celui qui critique est plus à plaindre que le criminel.

Déçu par l’échec répété des indépendances des pays africains, l’écrivain ivoirien Denis Oussou-Essui écrit : «Ceux qui auraient dû être la solution ce sont plutôt eux le véritable problème à la lumière de la vérité».

Cette jolie phrase colle bien à la déception des guinéens maintenant-là.

source: Le journal le Populaire 

 




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