Conaky, Paris, 25 avril 2014 – Au vu des informations concordantes faisant état de la possible nomination de l’ancien gouverneur de Conakry à un poste diplomatique à l’étranger et préoccupées par ce qui constituerait une grave entrave à la procédure judiciaire dans laquelle M. Sekou Resco Camara a été formellement inculpé pour des faits de torture, la FIDH et l’OGDH ont demandé ce jour à la justice guinéenne de le placer sous contrôle judiciaire afin de garantir son maintien à la disposition de la justice. La FIDH et l’OGDH appellent par ailleurs la justice guinéenne à organiser rapidement le procès des responsables présumés de ces actes de tortures et les autorités guinéennes à garantir le bon exercice de la justice dans cette affaire hautement symbolique des graves violations des droits de l’Homme intervenues dans un passé récent en Guinée.
Depuis son éviction du poste de gouverneur de Conakry, le 19 mars dernier, le commandant Sekou Resco Camara serait en passe d’être nommé, selon plusieurs sources, à un poste au sein d’une ambassade guinéenne à l’étranger. Une telle nomination irait à l’encontre de la volonté affichée par les autorités guinéennes de lutter contre l’impunité puisqu’elle compromettrait grandement les espoirs des parties civiles dans cette affaire de voir M. Camara répondre de ses actes devant la justice guinéenne. M. Camara avait en effet été formellement inculpé le 14 février 2013, dans une instruction ouverte en mai 2012 pour « arrestation illégale, séquestration, coups et blessures volontaires, abus d’autorité, crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions ».
« En tant que parties civiles et au nom des victimes de tortures qui ont identifié M. Camara parmi leurs tortionnaires et que nous défendons devant la justice guinéenne, nous ne pourrions pas comprendre que l’ancien gouverneur échappe à une telle procédure judiciaire au moyen d’une nomination à l’étranger » a déclaré Me Drissa Traore, vice président de la FIDH.
Pour garantir le maintien de M. Camara à la disposition de la justice jusqu’au terme de la procédure, la FIDH et l’OGDH ont aujourd’hui saisi le juge d’instruction en charge de l’affaire afin que des mesures de contrôle judiciaire, et notamment une interdiction de quitter le territoire, puissent être prises à son encontre.
Nos organisations appellent donc les autorités guinéennes à veiller au bon déroulement de la justice et interpellent les autorités judiciaires pour que soit organisé dans les meilleurs délais le procès de l’affaire des tortures de 2010. En effet, malgré les convocations restées sans suite du Commandant Cissé de l’escadron de gendarmerie de Hamdallaye, où les faits auraient été commis, et du Commandant Gabriel Tamba Diawara du camp PM3 de Matam, la FIDH et l’OGDH considèrent que les conditions pour la mise en accusation des présumés responsables de ces crimes sont réunies.
« A défaut de faire comparaître les deux commandants de gendarmerie dans les plus brefs délais, les autorités judiciaires doivent clôturer cette procédure au plus vite afin qu’un procès puisse être organisé, dans les respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable. » a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et avocat des victimes. « Comme pour l’affaire du massacre du stade le 28 septembre 2009, les lenteurs de la justice guinéenne semblent contredire la volonté affichée du gouvernement de mettre un terme à l’impunité et de garantir le droit à la justice pour tous » a-t-il ajouté.
Pour rappel, en octobre 2010, des éléments de la garde rapprochée du Président par intérim de la transition auraient arrêté et détenu arbitrairement plusieurs individus et les auraient soumis à des actes de torture en présence et suivant les instructions de M. Sékou Resco Camara, du Général Nouhou Thiam, et du Commandant Aboubacar Sidiki Camara dit De Gaulle. À ce jour, l’instruction a permis de réunir des éléments probants permettant d’inculper le commandant Sékou Resco CAMARA, le général Nouhou THIAM et le commandant Aboubacar Sidiki CAMARA dit « De Gaulle », respectivement les 14 février, 25 février et 31 juillet 2013.
Ces faits interviennent alors que le président guinéen, M. Alpha Condé, doit rencontrer, le 1er mai prochain, la Haut Commissaire aux droits de l’Homme, Mme Navanethem Pillay, à Genève. Nos organisations se félicitent de cette rencontre et demandent que la question de l’impunité en Guinée soit au cœur des échanges, et en particulier les procédures judiciaires du massacre du 28 septembre 2009, de la répression des manifestations pacifiques de janvier et février 2007, et des tortures de 2010 dont les progrès restent largement insuffisants au regard des attentes des victimes et de l’exigence d’une justice rendue dans des délais raisonnables.
Cette rencontre précédera l’examen de la Guinée par le Comité contre la torture des Nations-Unies, qui aura lieu le 6 mai à Genève, à l’occasion duquel la Guinée devrait, pour la première fois depuis qu’elle a adhéré à la Convention contre la torture en 1989, présenter un rapport sur la mise en œuvre de la Convention.
« La participation du ministère des droits de l’Homme à cet examen et la remise attendue d’un premier rapport de l’État guinéen est un signal positif qu’il ne faudrait pas ruiner par une décision qui, en permettant à un homme mis en cause par la justice de s’y soustraire, consacrerait l’impunité » a déclaré Thierno SOW, président de l’OGDH.
Par l’OGDH et la FIDH