PARIS- François Hollande a décidé lundi de nommer l’actuel ministre de l’Intérieur Manuel Valls au poste de Premier ministre après la démission de Jean-Marc Ayrault, dans la foulée de la déroute subie par la majorité au second tour des élections municipales.
Le président français prononcera à 20h00 une allocution télévisée de quelques minutes, enregistrée à l’Elysée, pour expliquer sa décision de remanier le gouvernement en profondeur.
“Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, a présenté cet après-midi la démission de son gouvernement au président de la République”, peut-on lire dans un communiqué de Matignon.
L’initiative est sans précédent dans la Ve République, où ces annonces sont réservées au président et c’est Emmanuel Grégoire, le chef de cabinet de Jean-Marc Ayrault, qui a apporté la lettre de démission à François Hollande.
Jean-Marc Ayrault et François Hollande se sont rencontrés pendant près de deux heures à l’Elysée lundi matin.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, représentant de l’aile droite du PS va le remplacer, a confirmé lundi une source de la majorité présidentielle.
Le calendrier de la nomination des membres du gouvernement n’était pas connu dans l’immédiat.
François Hollande se rendra mercredi après-midi à Bruxelles pour un sommet de deux jours consacré aux relations entre l’UE et l’Afrique, ce qui lui laisse du temps pour poursuivre ses consultations avant le conseil des ministres de mercredi.
CRITIQUES DE L’AILE GAUCHE DU PS
Selon un sondage BVA pour Le Parisien publié lundi, les trois quarts des Français (74%) ne souhaitaient pas que Jean-Marc Ayrault reste Premier ministre, une opinion partagée par toutes les catégories de la population, sympathisants du PS compris. Et 31% des Français se prononçaient pour son remplacement par Manuel Valls.
L’entourage du Premier ministre avait toute la semaine dernière défendu le bilan de Jean-Marc Ayrault, estimant qu’il était le mieux à même de défendre et de faire voter le pacte de responsabilité proposé par le chef de l’Etat aux entreprises mais critiqué par la gauche de la majorité parlementaire.
Selon eux, le profil de Manuel Valls ne correspond guère aux aspirations de l’aile gauche du Parti socialiste ou des Verts, qui réclament un changement de cap économique.
Les réactions négatives n’ont d’ailleurs pas tardé et illustrent la difficulté qu’aura Manuels Valls à rassembler une large majorité pour faire voter le pacte de responsabilité et des économies de 50 milliards d’euros au moins.
Emmanuel Maurel, vice-président socialiste du conseil régional d’Ile-de-France, a exprimé sa surprise à son arrivée à une réunion à huis clos d’une trentaine de dirigeants et de parlementaires de l’aile gauche du PS.
“C’est un choix surprenant, un choix étrange, même si on n’a pas d’a priori”, a-t-il dit. “(Manuel Valls) a porté une ligne minoritaire dans le peuple de gauche et je crois qu’il fallait au contraire prendre le temps de discuter entre nous”.
UN HOMME “DANGEREUX” POUR LE PEN
La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, elle aussi de l’aile gauche du PS, a abondé dans le même sens.
“M. Valls, c’est l’opposition au 35 heures, c’est la TVA sociale”, a-t-elle dit. “Dimanche, ce sont les électeurs de gauche qui ne sont pas venus. Alors a priori le choix de Manuel Valls ne répond pas à cela.”
La présidente du Front national, Marine Le Pen, a estimé que Manuel Valls était une homme “dangereux”.
“Je pense qu’il n’a aucun respect pour les libertés publiques et les libertés individuelles des Français, par conséquent il y a tout à craindre de sa nomination à un poste aussi important que le poste de Premier ministre”, a-t-elle dit lors d’une conférence de presse à son QG de Nanterre.
“Monsieur Valls n’est pas particulièrement connu pour ses compétences en matière d’économie, or la montée du chômage et la situation très grave de l’économie est le sujet de préoccupation principal des Français aujourd’hui.”
Le PS a subi dimanche une des pires déroutes électorales de son histoire, avec la perte de 155 villes de plus de 9.000 habitants, parmi lesquelles des bastions historiques de la gauche comme Limoges, Saint-Etienne ou Belfort.
Une déroute dans laquelle Jean-Marc Ayrault a reconnu sa part de responsabilité et qui en laisse présager d’autres, aux européennes de mai, puis aux sénatoriales, qui devraient se solder par la perte par la gauche de sa majorité au Sénat.
Reuters