Le Caire- Les partisans du président égyptien déchu se déclaraient dimanche déterminés à poursuivre leur mobilisation, malgré les menaces du pouvoir de disperser par la force leurs rassemblements au Caire, au lendemain de la mort de 72 personnes dans des affrontements avec la police.
Des violences sporadiques faisant des blessés ont encore eu lieu au cours de la nuit en province, notamment à Port-Saïd, sur le canal de Suez.
“ll y a des sentiments de tristesse et de colère, mais aussi une énorme détermination” dans le camp des partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi, a affirmé à l’AFP un porte-parole des Frères musulmans, Gehad el-Haddad.
M. Haddad a récusé tout compromis qui reviendrait à avaliser la destitution de M. Morsi, premier président du pays élu démocratiquement dont les Frères réclament le retour comme préalable à toute discussion.
“Nous acceptons toute initiative pourvu qu’elle soit basée sur la restauration de la légitimité et annule le coup d’Etat. Nous ne négocierons pas avec l’armée”, a-t-il dit.
Aux abord de la mosquée de Rabaa al-Adawiya, dans le nord-est du Caire, plusieurs milliers de pro-Morsi installés là depuis un mois ont passé une nouvelle nuit dans un village de tentes, au milieu d’affiches et de banderoles à l’effigie de M. Morsi.
Ignorant la menace des autorités de mener une action de force “très prochainement”, certains scandaient “Sissi dégage!” à l’adresse du chef de l’armée et nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi.
Le ministre de l’Intérieur Mohamed Ibrahim a promis une intervention “dans le cadre de la loi” avec “le moins de pertes possible”. Il a appelé les protestataires à quitter les lieux d’eux-mêmes “pour éviter que le sang ne coule”.
Le bilan de 72 morts des affrontements de samedi matin au Caire est le plus lourd depuis la destitution par l’armée de M. Morsi le 3 juillet.
Les affrontements, dont les deux camps se sont rejeté la responsabilité, ont éclaté quelques heures après la dispersion des manifestations massives rivales vendredi des partisans de l’armée et des Frères musulmans.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry s’est dit “très inquiet” par cette dernière “explosion de violence”, qui porte à plus de 300 le nombre de tués dans les troubles politiques en un mois.
L’organisation Human Rights Watch a dénoncé un “mépris criminel” des autorités “pour la vie humaine”.
Ces morts montrent “une volonté choquante de la part de la police et de certains (responsables) politiques de faire monter d’un cran la violence contre les manifestants pro-Morsi”, a estimé le directeur de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Nadim Houry.
“Moins de pertes possible”
Des accrochages ont éclaté par ailleurs dans la nuit de samedi à dimanche dans plusieurs endroits du pays, notamment à Port-Saïd, à l’entrée nord du canal de Suez, où quinze personnes ont été blessées dans des heurts entre pro et anti-Morsi, selon l’agence officielle Mena.
Un médecin hospitalier contacté sur place par l’AFP a dit avoir vu “cinq blessés, deux dans un état grave avec des blessures par balles au cou et au ventre”.
Port-Saïd est l’une des villes les plus sensibles d’Egypte depuis un match de football tragique début 2012 qui avait coûté la vie à quelque 70 personnes. La cité portuaire a depuis été le théâtre de nombreux affrontements sanglants sur fond de tensions liées au sport et à la politique.
Le siège local des Frères musulmans à Menoufeya, dans le delta du Nil, a été incendié dans la nuit à la suite d’incidents entre les deux camps, ont également rapporté des médias.
Le général Sissi, avait appelé la population à manifester vendredi pour lui donner “mandat d’en finir avec le terrorisme”, une menace à peine voilée envers le camp pro-Morsi.
Les rassemblements massifs en faveur du chef de l’institution militaire qui ont suivi ont démontré que le peuple “souhaite une stabilisation sous la protection de l’armée”, a affirmé le ministère de l’Intérieur.
Les islamistes avaient également mobilisé vendredi dans la rue en soutien à M. Morsi, mis au secret par l’armée et sous le coup d’une mise en détention préventive émise par la justice.
L’armée avait déposé M. Morsi, élu en juin 2012, après des manifestations massives fin juin réclamant son départ. Les adversaires de M. Morsi l’accusent d’avoir gouverné au seul profit des islamistes et d’avoir laissé s’aggraver la sévère crise économique que traverse le pays.
Les militaires ont mis en place un président civil de transition, Adly Mansour. Une feuille de route politique prévoit une révision de la Constitution et des législatives en principe début 2014, puis une présidentielle.
Une délégation de l’Union africaine est par ailleurs arrivée au Caire, où elle doit séjourner jusqu’au 5 août, pour s’informer de la situation dans le pays.
AFP