La campagne électorale pour le premier tour de la présidentielle au Mali s’achève vendredi, deux jours avant un scrutin déterminant pour l’avenir d’un pays qui sort d’un an et demi de crise politique et militaire.
Le gouvernement malien de transition a décrété ce vendredi jour férié, pour permettre à un maximum de Maliens d’aller retirer leur carte d’électeur. Les derniers chiffres officiels indiquent qu’un total de 85% de presque 6,9 millions d’électeurs ont reçu leurs cartes.
La campagne de trois semaines s’est déroulée sans incidents majeurs, chacun des 27 candidats sillonnant pacifiquement la plupart des grandes villes du pays, attirant de nombreux partisans dans le Sud, beaucoup moins dans le Nord dont les trois régions – Gao, Tombouctou et Kidal – représentent les deux tiers du territoire mais sont les moins peuplées (10% d’une population de 15 millions d’habitants).
Le Nord a été secoué en 2012 par la violence et l’occupation de groupes rebelles touareg, criminels et jihadistes, avant d’être libéré début 2013 par une intervention militaire menée par la France.
“Je crois que ces élections peuvent se dérouler dans un contexte et dans des conditions acceptables qui ne permettront pas une interprétation ou un dévoiement du résultat”, a affirmé vendredi à Bamako Louis Michel, chef de la mission des observateurs de l’Union européenne (UE).
“Je pense vraiment que la personnalité qui émergera au cours de cette élection aura une légitimité largement suffisante” pour redresser le pays, a-t-il ajouté.
Les deux grands favoris du scrutin sont l’ex-Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé IBK d’après ses initiales, 69 ans, et l’ex-ministre des Finances et ex-président de la Commission de l’Union économique et monétaire (Uémoa) Soumaïla Cissé, appelé par ses partisans “Soumi”, 63 ans. Un autre ex-Premier ministre, Modibo Sidibé, 60 ans, est également donné bien placé.
“J’ai rarement senti une telle fusion avec le peuple du Mali, j’ai rarement senti une telle communion, j’ai rarement vu monter en moi une telle ferveur”, a affirmé jeudi Ibrahim Boubacar Keïta dans un entretien à l’AFP et à RFI. Il a reçu un soutien primordial du Haut conseil islamique, très influent dans un pays à 95% musulman.
“Donner la chance à la paix”
Des doutes subsistent toujours sur les conditions du scrutin à Kidal et sa région (nord-est), fief des Touareg et de leur rébellion, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Des violences meurtrières y ont eu lieu il y a deux semaines entre des habitants touareg et noirs.
Les tensions entre les diverses communautés qui peuplent le Nord ont été exacerbées par l’occupation islamiste, Touareg et Arabes étant souvent assimilés par les Noirs à des rebelles ou à des jihadistes.
Un accord signé à Ouagadougou le 18 juin entre la rébellion touareg, favorable à l’autonomie du Nord, le gouvernement de Bamako et des mouvements prônant l’unité du Mali, a permis le retour le 5 juillet de 150 soldats maliens à Kidal qui était occupée depuis février par le MNLA dont les combattants ont été cantonnés.
Mais ce retour a entraîné des manifestations parfois violentes entre ses partisans et ses opposants.
A l’issue d’une rencontre à Bamako avec le gouvernement, les mouvements signataires de l’accord de Ouagadougou ont lancé en début de semaine un appel “à la retenue et à l’apaisement”, demandant “que tous les Maliens s’abstiennent de tout acte ou propos de nature à inciter à la violence, à la haine, et à toute confrontation intercommunautaire”.
Ils encouragent en outre “les populations à maintenir un climat favorable au bon déroulement du processus électoral et à donner la chance à la paix, sur la base du dialogue inclusif et dans un objectif de la réconciliation nationale”.
La présidentielle doit permettre d’entamer le processus de réconciliation et de rétablir la légitimité constitutionnelle, interrompue par un coup d’Etat militaire qui, le 22 mars 2012, avait précipité la chute du Nord aux mains des islamistes armés liés à Al-Qaïda.
La sécurité du scrutin sera assurée par quelque 6. 300 soldats de la force de l’ONU, la Minusma, aidée des 3. 200 soldats français encore présents au Mali, la crainte étant des attentats-suicides d’éléments jihadistes “résiduels” encore présents dans la région.
Le conflit a entraîné la fuite de quelque 500. 000 personnes qui se sont réfugiées ailleurs au Mali et à l’étranger et pour lesquelles les modalités de vote restent floues.
AFP