Un an après l’élection de Mohamed Morsi, des centaines de milliers d’Égyptiens hostiles au président sont dans la rue pour réclamer sa démission. Le QG des Frères musulmans dans la capitale a été attaqué et un mort est à déplorer au sud du Caire.
Les opposants au président Mohamed Morsi semblaient en passe de réussir leur pari, dimanche 30 juin, en mobilisant plusieurs centaines de milliers de personnes au Caire. En début de soirée, l’emblématique place Tahrir était pleine à craquer de manifestants agitant des drapeaux égyptiens et des cartons rouges enjoignant Mohamed Morsi à quitter le pouvoir. Des rassemblements ont également lieu à travers tout le pays.
LE QG DES FRÈRES MUSULMANS ATTAQUÉ AU CAIRE
Les Frères musulmans ont annoncé dimanche soir que leur quartier général au Caire avait été attaqué par des manifestants antigouvernementaux qui ont tiré des coups de feu et lancé des cocktails Molotov et des pierres.
Gehad El Haddad, porte-parole de la confrérie dont est issu le président Mohamed Morsi, a précisé qu’il était en contact par téléphone avec les Frères musulmans qui se trouvent à l’intérieur du bâtiment.
Ceux-ci, a-t-il ajouté, ont déclaré que les manifestants anti-Morsi n’avaient pu franchir le périmètre de sécurité établi autour du QG.
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Alors que les manifestations ont déjà fait un mort à Beni Souef, au sud du Caire, les forces de l’ordre sont sur le pied de guerre. Ce dimanche, un an jour pour jour après le premier discours de Mohamed Morsi en tant que chef d’État, ses adversaires sont en effet motivés pour faire entendre leur voix. L’opposition demande d’ailleurs aux Égyptiens de rester dans la rue jusqu’au départ du président issu des Frères musulmans.
Au Caire, les cris de la foule – Irhal ! (“Dégage !”) – remontent jusqu’au balcon surplombant la place Tahrir où se trouve l’envoyé spécial de FRANCE 24. “Les manifestants estiment que les islamistes ont confisqué leur révolution, ils estiment qu’ils sont les vrais révolutionnaires. Ils disent également qu’ils vont rester sur cette place, ne pas la quitter jusqu’à ce que le président Morsi quitte le pouvoir”, rapporte ainsi Gallagher Fenwick.
Mais dans une interview accordée au journal britannique “The Guardian” publiée dimanche, Mohamed Morsi se dit déterminé à tenir tête à ce qu’il présente comme une remise en cause antidémocratique de sa légitimité électorale, émanant selon lui de partisans de l’ancien régime. S’il cède face à la pression de la rue, fait-il valoir, “il y aura toujours des gens pour s’opposer au nouveau président et, une semaine ou un mois plus tard, ils demanderont sa démission”.
Rébellion
Premier président élu démocratiquement, Mohamed Morsi est vivement dénoncé par ses détracteurs qui l’accusent de monopoliser le pouvoir au profit de son organisation, les Frères musulmans, tout en reniant les idéaux démocratiques de la révolution de 2011. Selon l’opposition, plus de 22 millions d’Égyptiens ont ainsi signé la pétition “Tamarod” (“rébellion”) appelant à la tenue d’une élection présidentielle anticipée.
L’appel au départ du président Morsi est le cri de ralliement d’une opposition profondément divisée sur la manière de sortir de la crise actuelle, selon Gallagher Fenwick. “Certains suggèrent un gouvernement de transition avec des technocrates indépendants, mais il est difficile de savoir qui pourrait y siéger et si les islamistes pourraient y avoir une place”, explique le journaliste.
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Autre porte de sortie évoquée par certains manifestants, une intervention de l’armée pour chasser le président Morsi et gérer la transition vers de nouvelles élections. Cette frange radicale est celle qui aurait le plus d’intérêt à voir les manifestations dégénérer en violence de grande ampleur afin de forcer le retour des militaires sur la scène politique.
“Deuxième révolution”
Une tentation du pire qui n’est pas partagée par la plupart des manifestants de la place Tahrir, nuance l’envoyé spécial de FRANCE 24. “Cela n’est pas du tout de l’avis de beaucoup de personnes qui ne veulent pas voir l’armée reprendre le pouvoir comme elle l’avait fait après la chute du régime de Hosni Moubarak”, affirme Gallagher Fenwick.
La révolution qui a mis fin à trois décennies de régime Moubarak est dans tous les esprits sur la place Tahrir, épicentre de la révolte de janvier 2011. “C’est une deuxième révolution et elle va partir d’ici, car Tahrir en est le symbole”, affirme ainsi à l’AFP Ibrahim Hammouda, un charpentier venu de Damiette, sur la côté méditerranéenne, pour se joindre aux manifestants dans la capitale.
Évoquant la détermination des opposants qui se disent “prêts à mourir” et les longues queues à l’aéroport international du Caire, Gallagher Fenwick témoigne du climat d’inquiétude qui semble s’être abattu sur l’Égypte : “La plus haute autorité islamique du pays a prévenu que si ces deux camps tout à fait opposés ne parviennent pas à dialoguer, c’est tout simplement la menace d’une guerre civile qui pointe à l’horizon”.
AFP