TUNIS- Trois militantes européennes de Femen seront jugées le 5 juin en Tunisie, pays dirigé par un gouvernement dominé par des islamistes, et risquent la prison ferme pour une manifestation seins nus en soutien à une activiste tunisienne en détention.
Les trois femmes, deux Françaises et une Allemande, “seront traduites devant le tribunal cantonal de Tunis le 5 juin (…). Ce sera un procès en audience publique”, a déclaré vendredi à l’AFP l’un de leurs avocats, Souheib Bahri.
Le Consulat de France a indiqué disposer des mêmes informations.
Les trois militantes comparaîtront pour “outrage public à la pudeur” (article 226 du code pénal, passible de six mois de prison ferme) et “atteinte aux bonnes moeurs ou à la morale publique” (art. 226 bis, passible de six mois de prison ferme).
Arrêtées mercredi lors de la première action seins nus du groupe “sextrémiste” Femen dans le monde arabe, les trois jeunes femmes risquent 15 jours de détention supplémentaires pour “des infractions relatives à l’autorité publique”.
La dirigeante de Femen à Paris, l’Ukrainienne Inna Shevchenko, a donné les identités des trois militantes: les Françaises Pauline Hillier et Marguerite Stern et l’Allemande Josephine Markmann.
Femen avait organisé cette manifestation en soutien à Amina Sbouï, une militante tunisienne plus connue sous son pseudonyme de Amina Tyler, en détention depuis qu’elle a peint le mot “Femen” le 19 mai sur un muret près du cimetière mitoyen de la grande mosquée de Kairouan (centre), ville sainte dans l’islam.
Amina reste en prison
Cette jeune fille de 18 ans a été condamnée jeudi à une amende pour avoir été en possession d’un aérosol lacrymogène mais a été maintenue en détention dans le cadre d’une enquête sur une “atteinte aux bonnes moeurs” et une “profanation de cimetière”.
Le juge d’instruction a prévu de l’interroger le 5 juin en vue de nouvelles inculpations pour ces délits passibles de six mois et deux ans de détention.
Le juge a aussi laissé la porte ouverte à des peines plus lourdes en invoquant la section “association de malfaiteurs” du code pénal, laissant entendre que la jeune fille avait pu agir en bande organisée.
Amina avait déjà fait scandale en mars en publiant sur internet des photos d’elle sein nus à la manière de Femen, entraînant des menaces d’islamistes à son encontre et une vague internationale de soutien.
Sa mère, qu’Amina accuse de l’avoir séquestrée en avril, a montré à l’AFP le dossier médical de la jeune fille, dans lequel différents psychiatres la décrivent comme dépressive.
Cette affaire est une nouvelle illustration des tensions en Tunisie autour de la question des droits des femmes, alors que le pays a porté au pouvoir, quelques mois après la révolution de janvier 2011, un gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda.
Le parti islamiste avait fait scandale en 2012 en proposant que la loi fondamentale évoque la “complémentarité” des sexes, un projet abandonné depuis.
La dernière ébauche du projet de Constitution, datée d’avril, stipule que “tous les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs”, que l’Etat protège “les droits de la femme et soutient ses acquis”, et “garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme”.
Femen, fondé en Ukraine, mène depuis plusieurs années des actions dénudées à travers le monde pour défendre les droits des femmes et dénoncer les dictatures et les religions.
Outre les islamistes, leurs cibles de prédilection sont le Vatican, le président russe Vladimir Poutine, les dirigeants ukrainiens ou encore l’ex chef du gouvernement italien Silvio Berlsuconi.
AFP