Cellou Dalein Diallo, candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) semble afficher une sérénité sans faille en prélude au second tour de la présidentielle. Comme le confirme cet entretien qu’il a accordé à notre reporter, alors qu’il s’apprêtait juste à sceller une alliance avec Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR).
L’Indépendant : M. le président de l’UFDG, l’heure est aux préparatifs pour le second tour de la présidentielle. Pouvez- vous nous dire où vous en êtes avec ces alliances ‘
Cellou Dalein Diallo : Il faut dire que dès après l’annonce des résultats provisoires, nous avons pris contact avec certains partis dont les candidats n’ont pas eu la chance d’aller au second tour. Ceci, pour leur proposer des alliances ou en tout cas de nous soutenir au second tour. Certains ont répondu favorablement, d’autres par contre ont préféré attendre que la Cour Suprême donne son avis. C’est le cas notamment de Sidya Touré de l’UFR, Abe Sylla de NGR, Aboubacar Somparé du PUP et d’autres partis. M.Soumah de GECI a quant à lui, accepté dès le départ, c’est à dire avant la publication des résultats définitifs, de nous marquer son soutien. Il a fait à cet effet une déclaration, invitant ses militants à soutenir le candidat de l’UFDG. M.Boubacar Barry du PNR aussi nous a promis son soutien au second tour. Sidya, après l’arrêt de la Cour Suprême, a repris le dialogue avec nous et depuis, nous sommes en train de négocier. Ce qui est de même avec Abe Sylla. Le RDR de Papa Koly nous avait fait des propositions. Mais nous n’avons pas eu le temps de réagir et nous avons appris qu’il est parti au RPG. Le PUP lui, dès après la publication des résultats définitifs, son bureau politique s’est retrouvé, et ils ont décidé de venir avec nous. Et avec eux, on a déjà commencé à travailler pour définir les stratégies à mettre en œuvre pour la victoire du candidat de l’UFDG.
Est-ce que vous ne redoutez pas d’être rattrapé au second tour par votre challenger, Alpha Condé ‘
Non ! Je ne vois pas de motif d’inquiétude, comment le Pr Alpha Condé pourrait rattraper ce gap du 1er tour et me dépasser à l’issue du 2ème tour. Ceci dit, je sais que les compteurs seront remis à zéro et je m’organise aussi pour ne pas être devant une surprise de cette nature. Mais j’ai confiance à mes militants, j’ai confiance à mon appareil politique et surtout j’ai confiance à mon projet de société. Je sais que les guinéens sauront faire le bon choix. C’est vous dire que je n’ai pas d’inquiétude particulière, mais je sais que je dois mener une campagne rude et conclure des alliances. Dans certaines régions, il va falloir sensibiliser davantage les gens pour élever le niveau de participation. Parce qu’il faut relever qu’au 1er tour, cette participation a été faible par endroits. Par exemple dans la préfecture de Mali, où le taux de participation était de 50% et 44% à Gaoual. Je dois également former mes électeurs afin qu’il y ait cette fois ci, moins de bulletins nuls. Parce que là aussi, on en a enregistré beaucoup dans mes fiefs. Je dois faire en sorte aussi d’être présent dans les bureaux de vote, afin que mes représentants s’assurent du déroulement normal du scrutin. Ce, pour éviter d’éventuelles fraudes comme au 1er tour, enregistrées dans certaines circonscriptions électorales.
Le candidat du RDR, Papa Koly Kourouma, qui était pressenti à l’UFDG, a finalement viré au RPG. Et le même scénario risquerait de se dessiner avec Lansana Kouyaté du PEDN. Qu’est- ce qui n’a pas marché dans les négociations ‘
Ecoutez Papa Koly, dès son retour de N’Zérékoré, il m’a rendu visite et m’a rassuré qu’il viendrait avec moi. Et deux jours après, il m’a déposé une proposition. Je n’ai pas eu le temps de réagir lorsque j’ai appris qu’il est parti au RPG. Donc, on n’a même pas commencé les négociations quand il s’est décidé d’aller au RPG. Mais je pense qu’il avait assez de problèmes à l’intérieur de son parti. Il y a une partie de son directoire qui voulait qu’il aille au RPG. Je pense donc que c’est cela qui a pu infléchir sa position. Pour ce qui est de Lansana Kouyaté, je lui ai rendu visite, j’ai sollicité formellement son soutien. Il m’a dit qu’il me déposera une proposition et qu’il verra ensuite de quel côté ses intérêts sont le mieux pris en compte. Donc j’attends sa réaction, je sais qu’il subit beaucoup de contraintes de la part de la communauté dont il est originaire. Je ne sais pas quelle décision il prendra, moi ce que je pouvais faire, c’est de lui faire des propositions et lui demander de venir me soutenir. En tout cas, il ne m’a pas encore soumis ses conditions avec lesquelles il pourrait venir avec moi. Toutefois, je suis avancé dans les négociations avec Abe Sylla et Sidya Touré, et je pense que nous allons conclure quelque chose. En plus, nous allons reprendre les négociations avec Jean Marc Telliano. Je pensais qu’il était parti au RPG, mais on me dit qu’il n’a rien signé encore. Donc on compte reprendre les négociations avec lui pour voir si nous pourrons conclure quelque chose, comme on l’a déjà fait avec d’autres partis.
La Basse côte et la forêt sont les deux régions qui risquent de beaucoup peser dans la balance au second tour. Quelle stratégie l’UFDG compte-t-il adopter pour gagner dans ces circonscriptions électorales ‘
Je pense qu’il faut d’abord rappeler qu’on a eu des scores très honorables en Basse Guinée. Notamment dans la région administrative de Kindia, où nous avons été premiers devant Sidya. Dans la région de Boké, il était devant nous. Mais dans les cinq communes de Conakry nous étions aussi devant lui. Ceci dit, je pense que la plupart de ses électeurs sont en train de rallier l’UFDG. Et nous sommes en train de mener la campagne de porte à porte, et d’ailleurs nous enregistrons de très bons résultats. Beaucoup de gens qui avaient voté PUP et UFR sont en train de venir vers nous pour nous appuyer. C’est le cas des chefs de quartier de Dixinn, Ratoma, Matam et même Kaloum. Donc, je pense qu’à cet égard, nous sommes plutôt rassurés du ralliement des électeurs de la Basse Guinée à l’UFDG. Et en forêt, nous avons aussi espoir d’avoir un bon nombre d’électeurs qui voteront UFDG.
Peut-on savoir sur quoi portent les termes d’alliance avec l’UFR ‘
Effectivement. D’abord, il faut noter deux facteurs importants. Sidya et moi avions travaillé ensemble et à cet effet, nous nous faisons confiance. Donc, il y a une confiance mutuelle, il y a aussi la proximité de nos projets de société, de nos programmes de gouvernance. Je pense que ces deux facteurs sont extrêmement importants. Puisque du point de vue idéologique, nous sommes du même bord, nous sommes tous des libéraux. Et nous avons le privilège d’avoir travaillé ensemble dans le même gouvernement pendant 4 ans. Au cours desquels, nous avons développé des relations solides de confiance. Donc, je pense que c’est un atout qui a facilité la décision que nous avons prise d’aller ensemble. C’est donc dire que nous avons la même vision, le même diagnostic et le même remède pour le développement socioéconomique de notre pays.
Certains craignent qu’il y ait des incidents lors du second tour, voire après la publication des résultats, vu la tension qui règne dans les états -majors des deux camps, quel est votre avis ‘
Je pense qu’il n’y a aucune tension, en tout cas pour ce qui est de l’état- major de l’UFDG. Nous sommes sereins, nous avons un score honorable, 44% des électeurs nous ont fait confiance au 1er tour. On sait que le compteur sera à zéro, mais on est sûr que, tous ceux qui ont voté pour nous, vont le réitérer. Et une bonne partie des gens qui ont voté pour les autres leaders qui n’ont pas eu la chance de passer au second tour, seront avec nous. C’est pour vous dire, qu’on n’a pas d’inquiétude et il n’y a pas de tension. Nous voulons que ce second tour se déroule dans de bonnes conditions comme ça été le cas au 1er tour. Nous continuons d’appeler nos militants et sympathisants à la retenue, au calme, à la courtoisie à l’égard des adversaires. Même lorsque la Cour Suprême a publié sa décision relative au 1er tour, nos militants de Ratoma étaient un peu nerveux. Mais nous leur avons dit de se calmer, d’accepter le verdict de la Cour. Sinon, vous savez c’est un coin chaud, Cosa, Bambéto, c’est dans Ratoma. Ils n’ont surtout pas compris pourquoi on a annulé leurs suffrages. Ils n’étaient pas contents, mais nous les avons appelé au calme, avant de les conseiller de s’organiser pour mieux voter au second tour. Tout en les promettant de prendre toutes les dispositions pour que leurs suffrages soient comptés et validés au second tour.
Vos détracteurs pensent que vous risquerez de perpétuer le système Conté par le règne de l’impunité et la corruption. Qu’en dîtes- vous ‘
Je pense que ça fait de la campagne un peu irresponsable. Les gens affirment des choses sans apporter la moindre preuve. Vous savez, on m’a accusé de tout ici. J’ai été présenté comme le plus grand prédateur de la Guinée indépendante. Mais c’était fait à dessein. On a tout fait pour me disqualifier, on a audité les départements et les organismes qui étaient sous mon contrôle à un moment ou à un autre. A l’effet de trouver des ardoises pour me disqualifier de la compétition. Mais jusqu’à présent comme vous le savez, on a rien décelé, on a rien pu présenter comme étant un détournement, une malversation ou une violation de procédure en faveur d’une personne physique ou morale. Donc, à cet égard je n’ai pas d’inquiétude. Comme tout cadre intègre, j’ai horreur de la corruption. Et lorsque j’étais Premier Ministre, j’ai essayé dans un contexte difficile de lutter contre la corruption, de moraliser la vie publique, de mettre fin aux exonérations ad hoc et aux marchés gré à gré. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier, et que l’on peut vérifier dans les différents départements où je suis passé. Je n’ai jamais conclu de marché gré à gré, j’ai toujours utilisé les appels d’offres, et j’ai veillé à ce que ces appels d’offres soient dépouillés dans le respect des règles et des procédures. Pour ceux qui me connaissent, ils savent qu’avec mon avènement au pouvoir ce sera la rigueur, le respect des règles et des procédures. Maintenant pendant la campagne, on dira que c’est la continuation du régime Conté. Mais aujourd’hui, regardez le camp de Alpha Condé. Tous ceux qui ont porté préjudice à la réputation du régime Conté sont avec le Pr Alpha Condé. Il a au moins deux anciens ministres des finances avec lui. Il est aussi avec Mamadou Sylla, il est avec Kiridi Bangoura, il est avec Malik Sankhon, il est avec Fodé Soumah. Vraiment des gens qui ont, à un moment ou à un autre, incarné le régime de Conté. Comment peut-on ainsi dire que c’est moi la continuité et que c’est lui le changement.
M. Cellou Dalein Diallo est perçu par certains comme un leader ethnique. Que comptez-vous faire pour rassurer les guinéens si vous étiez élu ‘
C’est d’abord mettre en place un Etat digne de ce nom, capable de garantir aux guinéens l’égalité des chances. Il faut que tous les guinéens aient accès à l’information et qu’ils puissent s’il y a lieu, compétir avec l’égalité des chances. Si l’Etat veut recruter dans l’administration civile ou dans l’armée, il faudra donner la possibilité à tous les candidats de compétir sur la base de critères précis et dans la transparence. Et si l’Etat doit commander un bien ou une prestation, il faut que ça se passe par un appel d’offres. Afin que tout le monde soit informé, qu’il y ait une publicité suffisante et que tous ceux qui se sentent à même de faire le travail, compétissent et qu’on choisisse le meilleur. Il faut que l’administration soit au service du citoyen, il faut réprimer la discrimination basée sur l’ethnie ou la religion. Le président de la République doit rassurer les gens, en donnant l’exemple dans ses choix, ses décisions. Car tout doit être fait dans la transparence. Les guinéens doivent être rassurés que nous sommes dans une nouvelle ère. Il s’agit de l’ère de l’égalité de chance des citoyens face à tout ce qui doit être donné aux fils et filles du pays.
Quel est votre message à l’endroit des populations en cette période électorale ‘
Je voudrai demander à mes compatriotes guinéens, à se mobiliser pour participer à cette campagne de façon civilisée dans la paix et dans le respect de l’adversaire. Afin que le 2ème tour connaisse plus de succès que le 1er tour du scrutin. Nous devons faire preuve de maturité démocratique. Car seule cette démocratie pourra bannir la haine entre les guinéens, et dont certains veulent s’en servir pour réaliser leur rêve de tous les temps.
Propos recueillis par
S-Keita