La presse africaine s’interroge: «Qui dirige le Burkina’»

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La presse burkinabè se plaît à s’imaginer à la veille d’un grand jour, et dans la région, tous les regards sont également tournés vers le sommet de ce pouvoir, inchangé depuis 27 ans. Quant à la presse française, elle consacre aussi ses unes à cette situation d’insurection à Ouagadougou. L’inquiétude domine les colonnes des journaux hexagonaux.

Burkina Faso : la colère des « hommes intègres »

La presse burkinabè hésite. « Est-ce Blaise qui dirige toujours le Burkina ‘ Ou est-ce l’armée ‘ », se demande ainsi le journal Aujourd’hui, selon lequel « le mouvement d’hier s’apparente à une révolution Canada dry, cette boisson qui a fait long feu en Afrique, qui ressemblait à de l’alcool, mais qui n’en était pas un ».

Alors cette presse se prend parfois à rêver. Témoin L’Observateur Paalga. « Et si on rêvait que par extraordinaire, le président Blaise Compaoré himself (faisait) machine arrière, lui qui semble foncer depuis longtemps droit dans le mur », soupire le quotidien.
Autre journal ouagalais, Le Pays estime que « ce qui devait arriver est arrivé ». Le journal rend un vibrant hommage au « peuple » burkinabè, qui est « toujours le plus fort », et dont la « colère » se contient « difficilement ». D’une plume très lyrique, que l’on devine inspirée par la fièvre des événements vécus sur place, Le Pays se range donc résolument du côté du « peuple », lequel est « reconnu pour sa grande patience, son ouverture d’esprit, sa magnanimité, sa disponibilité, son amour de la patrie, son sens élevé de l’honneur et du travail bien fait ». Mais justement, poursuit-il, si le peuple burkinabè est « lent à se mettre en colère, il peut devenir, tel un tigre, subitement féroce ».
Hommage au peuple, donc, mais aussi hommage à l’armée. Le Pays, en effet, souligne que l’armée nationale a refusé « d’exterminer son peuple en colère. Elle mérite respect et considération ». Le journal rappelle qu’hier « on a vu les hommes en uniforme trinquer avec le peuple en colère ».

Burkina Faso : le crépuscule de Compaoré

En Côte d’Ivoire voisine, L’Eléphant Déchaîné résume d’une formule la situation qui prévaut chez le voisin burkinabè : « Un homme fort face à un peuple fort ». A sa manière, l’hebdomadaire satirique ivoirien rend lui aussi hommage au « peuple » burkinabè, qui est « manifestement », selon lui, « en avance sur ses hommes politiques ». En estimant au passage que ce « parfum de coup d’Etat » qui flotte sur Ouagadougou est aussi un « message envoyé à Soro Guillaume », l’actuel président de l’Assemblé nationale ivoirienne et ancien chef de l’ex-guérilla des Forces nouvelles qui, en 2002, avait investi militairement le nord de la Côte d’Ivoire depuis le Burkina Faso. « Message » car Soro Guillaume avait déclaré que Blaise Compaoré était un « monument de bon sens », rappelle le journal, qui, comme tout éléphant qui se respecte, fut-il « déchaîné », a de la mémoire.

Un mot, un seul, lancé en une par Le Nouveau Courrier à l’attention de Blaise Compaoré : « Terminus ! » Même si une « extrême confusion » régnait à Ouagadougou, le quotidien ivoirien proche de l’ex-président Laurent Gbagbo prédisait sans attendre que le « tombeur de Thomas Sankara ne s’en sortira(it) pas » et que, pour le président burkinabè, c’était donc le « terminus du plus grand déstabilisateur ». Le quotidien abidjanais estime en effet « évident que Blaise Compaoré est fini ». Et il lui promet les « poubelles de l’Histoire ».

Burkina Faso : la lettre de Hollande

En France, en revanche, le sentiment qui prévaut dans la presse, c’est plutôt l’inquiétude. A une exception prêt ce matin : celle de L’Humanité, qui décrète la « fin de règne pour le tyran de Ouagadougou », Blaise Compaoré, que le quotidien communiste qualifie d’« homme de paille et d’intrigues » et dont la réaction au verdict de son peuple est « classique pour un dictateur aveuglé par la conviction d’être soutenu par des puissances tutélaires ». Lesquelles ‘ Dans son éditorial, le quotidien communiste cite « la Françafrique » et « la Maison-Blanche ».

Pourquoi ce soutient des « puissances tutélaires » à Blaise Compaoré ‘ « Au nom de la stabilité régionale », explique le quotidien Libération. Qui s’inquiète des « répercussions sur la région tout entière » si le « destin » de Compaoré venait à s’achever dans le « chaos ».

La Croix n’écrit pas autre chose. Compaoré est un « partenaire majeur » de la communauté internationale en Afrique, s’inquiète le quotidien catholique, qui fait par ailleurs grand cas, sur une double page, des interventions militaires de la France en Afrique, avec, entre autres contributions, celle que signe dans La Croix l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, ça ne s’invente pas.

Circonspect, Le Figaro l’est, lui-aussi, mais à sa manière. Depuis Paris, le journal se borne à souligner le caractère confus de la situation au Burkina et de brandir la menace du « chaos » qui gagne le pays, en l’illustrant d’une photo sur laquelle deux jeunes manifestants apparaissent sur fond d’incendies de rue, l’un poing levé, l’autre brandissant un bouclier dérobé à un policier.

Même photo et donc même message subliminal dans Le Parisien, selon lequel le Burkina « chasse son président ». Le journal cite au passage un extrait d’une lettre révélée par l’hebdomadaire Jeune Afrique et que le président français a adressée le 7 octobre dernier à Blaise Compaoré. Lettre dans laquelle François Hollande écrit que le Burkina pourrait « être un exemple » s’il évitait « les risques d’un changement non-consensuel de Constitution ».

RFI




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